Le laboratoire Aguettant s'appuie sur France Relance pour doper sa production d'anesthésiants

Série Relance, épisode 5. Installé à Lyon Gerland, le laboratoire Aguettant fait partie des lauréats de l’un des premiers appels visant à rapatrier en France des produits de santé pour lutter contre les crises sanitaires, inclus dans le plan France Relance. Le fabricant de produits anesthésiants, qui emploie 650 salariés, s’est retrouvé en première ligne durant le Covid-19 et ambitionne désormais d’accroître ses capacités de production de ses sites, tous les trois basés en Auvergne Rhône-Alpes. Mais aussi d’élargir sa gamme de nouveaux médicaments prêts à l'emploi pour sécuriser les gestes à l’hôpital.
Avec ce projet lauréat de France Relance, le laboratoire lyonnais Aguettant compte atteindre une capacité de production de 150 millions d'unités par an, sur ses deux sites de production en AuRA, d'ici trois ans.
Avec ce projet lauréat de France Relance, le laboratoire lyonnais Aguettant compte atteindre une capacité de production de 150 millions d'unités par an, sur ses deux sites de production en AuRA, d'ici trois ans. (Crédits : DR)

Son histoire remonte à 1903, et se poursuit un siècle plus tard vers d'autres horizons. La laboratoire pharmaceutique Aguettant (650 salariés, dont 550 en France) compte deux sites de production à Lyon Gerland et en Ardèche, ainsi qu'une plateforme logistique dans la banlieue lyonnaise à Saint-Fons. Il est également à la tête de plusieurs filiales commerciales en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, etc) ainsi qu'en Asie (Hong-Kong, Vietnam, etc) et depuis quelques mois, en Amérique du Nord, et plus précisément au Canada. « Au total, nous commercialisions nos produits au sein de 70 pays en direct, ou par le biais de distributeurs », souligne leur président, Eric Rougemond, qui réalisait jusqu'ici 35% de son chiffre d'affaires habituellement à l'export.

Mais cet automne, elle a été l'une des premières entreprises françaises à remporter un appel à projets du gouvernement français, inclus dans France Relance.

« Un appel à manifestations d'intérêt a été lancé, avec la volonté d'identifier des projets innovants d'industrialisation des produits de santé pour renforcer les capacités à gérer la crise sanitaire. Nous avions répondu à cet appel car nous faisons partie des producteurs d'anesthésiants, utilisés notamment dans le cadre du Covid », détaille Eric Rougemond.

Son projet vise alors à mieux s'outiller pour répondre à la demande, qui a explosé au cours des derniers mois, pour ses produits anesthésiants mais pas seulement.

Le lyonnais, spécialisé dans la production de produits injectables utilisés à l'hôpital, plus spécifiquement en anesthésie-réanimation, développait en effet jusqu'ici un portefeuille de produits d'une trentaine de molécules différentes, commercialisées auprès des hôpitaux français et étrangers. Et qui en sont venues en partie à manquer durant cette première phase de pandémie.

Un projet pour répondre à la demande

Il souhaite en premier lieu booster ses capacités de production à travers l'installation de deux nouvelles lignes de production dans le Rhône et en Ardèche, mais aussi de l'agrandissement de son centre logistique, situé en région lyonnaise. Avec l'ambition d'augmenter également ses capacités de R&D, en vue de pouvoir développer de nouveaux médicaments essentiels prêts à l'emploi, associent des molécules et des systèmes d'administration innovants afin de sécuriser les gestes médicaux à l'hôpital.

Car selon lui, l'un des enjeux actuels est notamment de répondre aux besoins « colossaux » de médicaments injectables, tout en les associant à une plus grande sécurisation des gestes médicaux. « On parle de formules de médicaments à libération prolongée par exemple, ou de systèmes d'administration permettant limiter le risque d'erreur ou le gaspillage ».

Aguettant production

Car la crise du Covid vient également de « mettre en lumière » le rôle incontournable de certains médicaments et molécules dans la stratégie thérapeutique, rappelle-t-il. « On ne peut pas s'en passer ». Et aux côtés des poches à perfusion, Aguettant propose désormais d'autres conditionnements comme des ampoules prédosées et des seringues préremplies brevetées qu'il souhaite continuer à développer en France.

45 millions pour doper de 50% sa production

« Notre projet est donc de monter en puissance sur l'ensemble de nos trois sites, afin de passer d'une capacité de production de 100 millions d'unités (toutes gammes confondues) à près de 150 millions par an », confirme le dirigeant.

Le laboratoire prévoit pour cela un investissement de 45 millions d'euros qui devrait se déployer sur les trois prochaines années avec, à la clé, près de 75 recrutements envisagés pour accompagner la livraison du projet. Si l'Etat français a donc officiellement retenu le projet dans le cadre de son appel à manifestation d'intérêts, le montant exact de sa participation n'a pas encore été dévoilé. Elle semble cependant suffisante pour rassurer le laboratoire dans sa démarche.

Ce dossier fait en effet partie d'une trentaine de projets d'installation de lignes de production choisis pour bénéficier d'un soutien public, comme première étape au déploiement des aides à la relocalisation des sites industriels annoncés par l'Etat français à l'automne dernier.

Ainsi, selon Bercy, ces 31 projets représenteraient près de « 680 millions d'euros d'investissements productifs, dont 140 millions d'euros de soutien de l'Etat » et la création de « 1.800 emplois directs » au total.

D'ailleurs, un tel projet aurait été impensable pour Aguettant sans le support de France Relance : « Dans un autre contexte, il nous aurait semblé impossible de mener de front ces extensions sur l'ensemble de nos sites, et de mobiliser les équipes ainsi que la surface financière », concède-t-il.

Et d'ajouter : « Chez nous, on ne parle pas de délocalisation car nous n'avons jamais produit ailleurs qu'en France ». La proximité de ses sites, tous les trois situés dans un rayon d'une cinquantaine de kilomètres, devrait d'ailleurs lui simplifier la tâche. « Il est beaucoup plus facile à mener qu'un projet de transformation de cette manière que lorsqu'on doit gérer un site en Chine ou en Inde ».

Se différencier en innovant

Une bouffée d'air pour le laboratoire lyonnais qui, depuis mars dernier, s'était confronté à une forte hausse de la demande médicale pour ses produits, en France mais aussi à l'étranger.

« Il nous a fallu, dès la mi-mars, entrer en situation de crise, afin d' assurer la continuité de notre activité et de tenir nos missions de service public, tout en protégeant nos collaborateurs », affiche Eric Rougemond,.

En plus d'augmenter en premier lieu ses capacités en instaurant des quarts de travail le week-end, le laboratoire a réalloué ses capacités de production en fonction de la demande nationale, ce qui l'a conduite plus concrètement à augmenter ses capacités « par deux voire trois » sur certaines molécules précises, les plus couramment utilisées par les services de réanimation, au détriment d'autres pans de sa production.

« Nous sommes arrivés à une situation telle que nous avons demandé à nos équipes de R&D d'aller faire de la production, beaucoup de métiers qui n'étaient pas directement impliqués jusqu'ici se sont concentrés durant près de deux mois sur cet aspect », atteste le dirigeant.

Un épisode qui aura également développé le sentiment d'appartenance au sein des équipes, selon son président. Cette période aura également eu un autre effet : réaffirmer d'une certaine manière l'intérêt du "made in France", dans une filière française du médicament où plusieurs principes actifs avaient été délocalisés jusqu'ici en Asie en raison des coûts de production de la filière française.

Emerge alors, depuis quelques mois, un nouvelle nouvelle notion de la compétitivité française, qui ne conforte Eric Rougemont dans sa stratégie : « Car bien que la structure de coûts fait qu'un salarié français demeure plus cher à employer qu'un autre, la production française est également vue comme gage d'expertise et un signe de qualité reconnu, que les marchés étrangers reconnaissaient d'ailleurs déjà auparavant ».

Selon lui, tout l'enjeu sera donc de poursuivre cette stratégie de relocalisation des productions essentielles à son secteur, tout misant sur une différenciation par l'innovation. Et pour cela, Aguettant a déjà trouvé sa voie : celle des seringues et médicaments prêts à l'emploi.

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