Tests de dépistage : En Auvergne-Rhône-Alpes, laboratoires et fabricants s’organisent

Face à une forte montée en puissance des moyens de tests, les laboratoires de ville du territoire entrent eux aussi dans la bataille contre le Covid19. Mais pour atteindre de tels objectifs, ils devront s’appuyer à la fois sur les chaines de microbiologies automatisées à grande cadence, comme celles lancées par le fabricant isérois Roche Diagnostics France, et aussi revenir à des moyens de production semi-manuels afin de faire face aux pénuries de réactifs, à l’image du groupe d’analyses médicales Eurofins Biomnis.
(Crédits : DR)

Alors que le gouvernement français annonce, depuis quelques jours, sa volonté de mettre un coup d'accélérateur sur le nombre de tests de dépistage du SARS-CoV-2, la nouvelle cible évoquée devrait s'appuyer, en premier lieu, sur les capacités d'automatisation du secteur des analyses médicales.

Un virage déjà entrepris depuis quelques années avec le déploiement progressif des chaines de biologie moléculaire automatisées à forte cadence au sein des hôpitaux et laboratoires de villes, par de grands fabricants d'équipements et qui permettaient jusqu'ici d'assurer le dépistage de différents types d'infections (Chlamydiaie Trachomatis et Neisseria Gonorrheae, HPV, etc). A l'image de la dernière génération de chaîne de biologie moléculaire (Cobas 8600 et Cobas 8800) développée par le fabricant suisse Roche, aux côtés de sa filiale Roche Diagnostic France, basée à Meylan (Isère), qui peut offrir une cadence de 400 à 1 000 tests réalisés par tranche de 8 heures.

Depuis quelques jours, cet équipement, déjà installé dans une dizaine de laboratoires français, peut être couplé à un test spécifiquement dédié au Covid-19. Le réactif Cobas SARS-CoV-2, développé spécialement par Roche pour être utilisé sur sa chaine Cobas, vient d'obtenir son homologation CE et figure désormais parmi les 22 réactifs susceptibles d'être remboursés par la Sécurité sociale et inclus au sein d'une liste publiée le 29 mars dernier par l'ANSM et la Haute Autorité de Santé (HAS). Ce réactif devrait être très prochainement produit à partir d'un site situé au New Jersey (Etats-Unis).

Une bataille pour produire toujours plus de tests

Une nouvelle qui devrait, d'après le general manager de Roche Diagnostics France, Mark Osewold, permettre d'assurer une production de "plusieurs milliers d'unités par semaine destinés au marché français, et de près de 3,5 millions d'unités par mois au niveau mondial".

Pour autant, "la demande actuelle dépasse clairement la capacité de production de n'importe quel fournisseur", constate-t-il. "Il est donc nécessaire que l'ensemble des fabricants soient solidaires pour combattre le virus".

Ces automates présentent, dans le contexte actuel, plusieurs atouts, comme celui de limiter le nombre de manipulations présentant des risques infectieux, en couvrant l'ensemble des étapes clés du processus de RT-PCR (de la réception du tube primaire jusqu'au rendu du résultat).

"Un enjeu d'autant plus important à l'heure où l'on veut augmenter le nombre de tests alors que les laboratoires manquent de tout : charlottes, gants, masques", résume François Blanchecotte, président du Syndicat des Biologistes.

Pour autant, plusieurs laboratoires clients de ces grands fabricants évoquent les limites de ces équipements dans le contexte actuel de pénurie de réactifs. Car pour fonctionner, la plupart de ces sociétés ont développé, parfois en partenariat avec des sous-traitants, leurs propres kits de réactifs, adaptés à leurs machines.

Seules quelques plateformes dites "ouvertes" permettent l'utilisation de différents types de réactifs, mais elles ne sont pas majoritaires sur ce marché. C'est pourquoi plusieurs biologistes, pourtant équipés de plusieurs modèles différents, évoquent un phénomène de "goulot d'étranglement" auprès de leurs fournisseurs, qui ne seraient plus être en mesure d'assurer une fourniture rapide des kits nécessaires.

Des laboratoires locaux qui s'organisent

Face à cette situation, certains professionnels de la santé estiment que le contexte pourrait également nécessiter un retour à des techniques d'analyse manuelles. C'est le cas des laboratoires Eurofins Biomnis, qui dénombre près de 250 salariés sur son siège, basé à Lyon, à proximité des locaux de l'INSERM. Le groupe gère notamment près de 200 sites de prélèvements en propre à l'échelle de l'Hexagone et agit, avec son statut de laboratoire spécialisé de rang 2, comme sous-traitant pour plusieurs centaines d'autres laboratoires clients en France.

Pour faire face à la demande actuelle, ce dernier est en train de réorienter actuellement ses plateaux techniques en vue de développer à nouveau une activité d'analyse manuelle, en parallèle à ses automates.

"Compte-tenu des besoins, nous allons jusqu'à remonter à des techniques d'analyses semi-manuelles, complémentaires à nos automates, afin de maximiser les volumes et de limiter notre dépendance aux grands groupes", explique Sébastien Gibault, directeur général des laboratoires Eurofins Biomnis.

Pour cela, le laboratoire lyonnais est en train de revoir l'ensemble de l'organisation de sa plateforme d'analyse et de ses équipes, afin de réaliser la première partie de l'analyse PCR, c'est-à-dire la phase d'extraction de l'ARN du virus, lui-même.

"Cela revient à réaliser un retour à de la chimie de base, en travaillant avec de l'éthanol, des enzymes ainsi qu'un révélateur du virus, qui sont les mêmes que les coronavirus que l'on peut détecter depuis plusieurs années. Il faut cependant s'assurer que l'on arrive à le révéler de manière correcte et répétitive", avance Sébastien Gibault.

Selon lui, la combinaison de cette méthode manuelle avec les performances de ses automates lui permettrait d'atteindre "plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de tests par jour. Des performances similaires qu'avec un automate".

Avec un autre avantage : les composants utilisés (éthanol, enzymes) pourraient être fournis par un vivier de fournisseurs plus large, même s'ils demeurent très demandés également pour certaines applications, comme la fabrication de gel hydroalcoolique pour l'éthanol.

Un écart entre petits et grands laboratoires

Mais ce retour à une technique manuelle pourrait aussi accroître la fracture entre les laboratoires spécialisés comme Biomnis, et les laboratoires de ville de proximité, de plus petite taille, qui n'auraient pas toujours les moyens d'effectuer cette transformation.

"Ce type de procédé nécessite une formation des équipes sur des compétences très pointues, ce qui n'est pas faisable en temps de crise, ainsi que des équipements (hotte à flux laminaire, salle en dépression, etc) dont tous les laboratoires ne disposent pas", nuance le Dr Pierre-Adrien Bihl, membre du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux.

Une stratégie qui devra donc également être pensée en lien avec le déploiement de tests rapides d'ici le mois de juin, ainsi qu'avec le développement attendu de la sérologie, pour évaluer cette fois l'immunité des patients.

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