Cette prothèse pourrait faire économiser des millions à la sécurité sociale

La prothèse totale de hanche avec cupule à double mobilité, qui n'est pas encore généralisée, pourrait, si elle l'était, faire économiser 50 millions d’euros chaque année à la sécurité sociale. Plusieurs entreprises de la région produisent cette solution depuis de nombreuses années. Explications.
Dr André Ferreira Dr SébastienLustig Dr Jean-Louis Prudhon Dr Michel-Henry Fessy

Chose assez peu connue, Lyon est en pointe en chirurgie orthopédique concernant la prothèse totale de hanche. Et chose intéressante : non seulement il y a une "école lyonnaise" de la prothèse totale de hanche (PTH) avec plusieurs générations de chirurgiens orthopédiques de renommée internationale, mais les fabricants leaders mondiaux de PTH sont également localisés dans la région. Une équation qui souligne la complémentarité entre praticiens et fabricants.

L'opération du siècle

Initialement développée par le laboratoire SERF - siégeant à Décines-Charpieu depuis 1973 -, la prothèse à double mobilité est une invention française due au Pr Gilles Bousquet en 1975, brevetée en 1976. Une prothèse totale est ainsi composée de deux éléments : une tige positionnée dans le fémur surmontée d'une bille correspondant à la tête du fémur, et un réceptacle, ou cupule, fixée dans l'os du bassin dans laquelle pivote cette tête. Le système de double mobilité autorise une plus grande amplitude de mouvement, mais surtout diminue drastiquement le risque de luxation, qui est la principale complication à court et moyen terme.

L'innovation est aussi fabriquée par d'autres entreprises françaises, en particulier par le Groupe Lepine, implanté à Genay, et Amplitude basée aux Echets, dès le brevet tombé dans le domaine public en 1996. Un autre acteur mondial s'est positionné sur le créneau, le géant américain Stryker.

"L'apparition de produits concurrents a permis de mieux faire comprendre le concept. Des multinationales s'en sont emparées et nous avons bénéficié de leur force de frappe et de leur budget marketing", déclare Pierre Mollier au nom de SERF.

Congrès Hip Arthroplasty

Comité exécutif congrès Lyon Hip Arthroplasty 13-14 avril 2017. De g. à d. : Dr André Ferreira / Dr SébastienLustig / Dr Jean-Louis Prudhon / Dr Michel-Henry Fessy.

Le marché mondial est  important pour ce type d'opération (3,4 milliards d'euros), qui a été a été élue "opération du siècle" par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour le XXème siècle. Elle permet au patient de retrouver une grande partie de leur capacité physique. La moyenne d'âge d'une chirurgie de PTH est de 65 et 68 ans respectivement chez les hommes et les femmes, mais l'indication est de plus ne plus étendue. Si auparavant la prothèse avait pour fonction essentielle de supprimer la douleur, elle doit désormais répondre sur les volets indolence et performance sportive.

"On bénéficie aujourd'hui d'un recul de 40 ans d'expérience" indique le Dr Sébastien Lustig, chirurgien orthopédique à l'Hôpital de la Croix-Rousse, précisant que 4 millions de Français ont actuellement une prothèse de hanche. "Face à un défi sociétal du culte de la jeunesse et de l'indépendance, l'orthopédie doit apporter des solutions individuelles à une société qui veut aller toujours plus vite et plus loin", observe le Dr Ferreira.

Un marché de 130 000 PTH/an en France

Le système doté d'une cupule à double mobilité représente actuellement environ 40 % du marché des PTH primaires et son développement international est exponentiel.

"Grâce à l'évolution des prothèses, le taux de luxation a diminué de 3 % en 10 ans alors que le nombre d'implants posés a augmenté quant à lui de près de 20 %", se réjouit le Dr Ferreira, notant qu'avec une prothèse à double mobilité ce taux est réduit à moins de 0,2 %.

En termes médico-économiques, les études démontrent qu'un gain de 80 millions d'euros a été réalisé sur une décennie par la diminution des frais de ré-hospitalisation pour des reprises suite à luxation.

"Aux Etats-Unis un patient sur 5 est repris pour une prothèse de hanche", signale le Dr Jacques Caton, notant qu'en France le taux de luxation est beaucoup plus faible. "Si tous les patients bénéficiaient d'une prothèse à double-mobilité, le taux de luxation étant inférieur à 1 %, on ferait une économie indiquée par le coût de ré-hospitalisation (3 250 euros environ) que multiplie le nombre de cas", affirme-t-il.

Ainsi une étude médico-économique réalisée par les Drs Caton, Papin et Ferreira sur le nombre de luxations entre 2004 et 2014 indique que si le taux de luxations était resté identique en 2015 à celui de 2004, le nombre de luxations aurait été de 12 204 au lieu de 9 712. En intégrant le coût hospitalier moyen de 3250 euros pour une luxation, l'économie serait de 8 millions d'euros en 2015 et donc près de 80 millions d'euros sur 10 ans. Si alors la technique de double mobilité était généralisée à toutes les opérations, avec un taux de luxation rabaissé à moins de 1%, c'est près de 430 millions d'euros qui auraient été économisés sur 9 ans, soit environ 50 millions d'euros par an en coûts hospitaliers, selon les calculs des praticiens.

Un marché mondial de 3,4 milliards d'euros

Le marché de la prothèse de hanche est aujourd'hui mature et relativement stable, et s'estime en France à environ 170 millions d'euros (avec un tarif de prothèse variant de 600 à 2 200 euros selon les matériaux utilisés), en Europe à 845 millions d'euros, soit approximativement 5 fois le marché français et un quart du marché mondial évalué à 3,4 milliards d'euros.

"De nouveaux acteurs arrivent avec une stratégie d'opportunité mais ils n'ont ni l'historique ni l'expérience", tacle Pierre Mollier. "Nous avons fait le choix de ne plus avoir de sous-traitance mais d'intégrer 30 métiers dans la fabrication de nos implants médicaux : de la forge à la fonderie en passant par le conditionnement et le suivi clinique", indique Thierry Aslanian, représentant du groupe Lépine, déclarant que la société a multiplié par 7 ses ventes de PTH double mobilité en 10 ans.

Autre avantage concurrentiel pour les trois leaders régionaux : le marquage dispositif médical qui, avec le durcissement des normes, constitue une barrière d'entrée sur le marché.

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Commentaire 1
à écrit le 25/02/2020 à 15:25
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Autrefois kinésithérapeute, j'ai travaillé plusieurs années avec Louis Fischer, et avec Gilles Bousquet (que j'ai tous deux beaucoup appréciés comme cliniciens, pour leur contact avec le patient), pendant que ce-dernier mettait au point sa version de...

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