Institut Télémaque : l'escalier de l'ascenseur social

En Auvergne-Rhône-Alpes, 150 jeunes issus de milieux modestes sont accompagnés par l'Institut Télémaque. De la classe de 5e jusqu'à l'obtention du baccalauréat, ils sont suivis par un référent pédagogique au sein de leur établissement, mais aussi par un tuteur, issu quant à lui, de l'entreprise. Une démarche qui permet à ces élèves de s'ouvrir au monde. Mais qui vise aussi à relancer la dynamique enrayée de l'ascenseur social.

Stacy se soulève légèrement de sa chaise, agite la main avec impatience. "Jupiter, Mars, Uranus, la petite et la grande ours", énumère rapidement la jeune fille, tout en comptant sur ses doigts. Elle devait citer trois planètes et deux constellations : la réponse est correcte. Heureuse, elle se rassoit. Son équipe vient de gagner une manche, mais le quiz de culture générale n'est pas encore terminé.

Élève en 4e au collège Laurent Mourguet d'Ecully, en banlieue lyonnaise, elle participe à une journée spéciale de rencontre des acteurs régionaux de l'Institut Télémaque. Fondée en 2005, et créée à Lyon en 2013, l'association s'est donnée pour objectif de relancer l'ascenseur social dès le collège afin d'encourager l'égalité des chances des jeunes issus des classes sociales les moins favorisées. Un chiffre illustre ce décrochage social : si le taux de chômage atteint en moyenne 25 % chez les jeunes, il peut culminer, pour cette population, à plus de 40 % dans certains quartiers populaires.

Le principe pour tenter de combler ce fossé ? Un tuteur d'entreprise ainsi qu'un référent pédagogique accompagnent leur "filleul" jusqu'à l'obtention de son baccalauréat. Timidement, mais avec assurance, Stacy raconte que ce double-parrainage lui permet de découvrir de nouveaux horizons. "J'ai deux sœurs et un frère alors mes parents n'ont pas le temps ni les moyens de m'emmener voir des expositions par exemple. Et puis, si j'ai un problème, je peux en parler plus facilement à mon tuteur ou ma référente". A cet accompagnement humain, s'ajoute également un autre, financier, puisque chaque entreprise paie une somme en fonction du nombre de salariés bénévoles au sein de l'Institut. Elle est ensuite reversée sous forme de bourse aux élèves, afin qu'ils puissent financer un voyage d'étude par exemple.

La référente de Stacy, Tam Vuong, se situe quelques mètres plus loin. Au pas de course, elle effectue des allers-retours entre les différents ateliers organisés pour cette journée, à laquelle participent 90 élèves d'établissements lyonnais ou grenoblois. Pour cette conseillère principale d'éducation, il ne s'agit pas tant de leur donner une chance supplémentaire "mais plutôt un coup de pouce. J'ai moi-même été aidée quand j'étais plus jeune alors c'est une façon de rendre ce que l'on m'a donné. En plus, cette démarche fait partie des valeurs de l'éducation nationale."

Autocensure

Manteau noir jeté derrière l'épaule, Eric Thelly, lui, attend que l'atelier de son filleul Karim débute. Au programme : apprendre une chorégraphie de break dance en seulement trente minutes. A priori, rien ne devait rapprocher cet expansif responsable clientèle chez Axa du discret élève de 4e dans un collège de Vénissieux. Pourtant, Eric Thelly s'est lancé dans l'aventure à la fin du mois de janvier et depuis, il prend son rôle à cœur : "Je l'ai emmené voir un salon sur l'univers japonais, car il aime tout ce qui est lien avec le gaming, ou les mangas. Nous avons aussi passé une après-midi détente en faisant du bubble foot. Le but est de lui changer les idées, l'ouvrir au monde autour de lui, des compétences qui pourront lui servir en entreprise. Il faut voir cela comme un rôle privilégié."

Une façon de donner confiance aux jeunes afin de faire face à l'autocensure, un phénomène récurrent. "Nous les emmenons visiter une entreprise ou un espace culturel une fois par mois ce qui leur permet de découvrir un métier. Cette démarche peut générer un déclic mais surtout, ils se sentent reconnus par la société. L'entreprise ouvre la porte de l'estime de soi", illustrent Ericka Cogne, directrice générale de l'Institut Télémaque, et Timothée Petitprez, responsable régional.

Un plafond de verre qu'il est cependant difficile de briser, car même une fois en entreprise, "55 % des jeunes passés par l'Institut n'ont toujours pas confiance en eux. C'est à nous de l'anticiper au maximum." Bons élèves - ils ont notamment été sélectionnés sur ce critère - les jeunes de l'Institut Télémaque sont également sujets au "harcèlement scolaire". C'est le cas de Karim. L'an prochain, il pense changer de collège pour cette raison. Avec pour rêve de devenir ingénieur informatique. Stacy elle se voit plutôt travailler dans l'hôtellerie, être assistante de communication, ou bien chirurgien. Le plafond de verre commence, peut-être, à se briser.

Les ambitions de l'Institut Télémaque dans la région

En Auvergne-Rhône-Alpes, l'antenne de l'Institut Télémaque a été ouverte en 2013, notamment sous l'impulsion de SEB, et de son directeur développement durable, Joël Tronchon. "Cette démarche était cohérente car nous menions déjà des accords de mécénat autour de la prévention et de la lutte contre l'exclusion", explique-t-il. Thierry de La Tour d'Artaise devient par la suite président de l'Institut au niveau régional. Depuis, l'entreprise basée à Ecully, a été rejoint par trente autres entreprises : soit des délégations locales d'entreprises nationales (60 %), soit des entreprises locales (40 %). Parmi elles, on peut également citer bioMérieux, le CEA de Grenoble ou encore la fondation April. En trois ans, le nombre de jeunes accompagnés a été multiplié par trois. Mais l'Institut Télémaque compte continuer à se développer, et ouvrir dans d'autres villes. Chambéry, Annecy, Valence... le choix sera arrêté pour la prochaine rentrée. Seul critère : "Que le tissu économique derrière puisse suivre", indique Timothée Petitprez. Un des autres enjeux de l'égalité des chances auxquelles l'Institut devra répondre, celle de la ruralité, "des territoires éloignés des dispositifs d'accompagnement."

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