Dans le Rhône, la filière du BTP recherche repreneurs (désespérément) face au papy-boom

En plus de la crise sanitaire et de sa reprise très forte, confrontée à des problématiques de hausse du coût des matières premières, le secteur du BTP se prépare à affronter également un autre défi : celui du "papy-boom" qui menace également ses effectifs. Selon les derniers chiffres, près de 20% des chefs d'entreprises de ce secteur ont en effet plus de 55 ans. Une reprise qui doit se préparer en amont et s'adapter aux nouveaux profils, nés en partie de la crise.
D'après la CMA Rhône, 20,5% des chefs d'entreprises du BTP ont plus de 55 ans. Une vague de transmissions est donc à prévoir et à préparer, et va représenter un enjeu majeur pour la conservation des emplois et des savoir-faire du bâtiment.
D'après la CMA Rhône, 20,5% des chefs d'entreprises du BTP ont plus de 55 ans. Une vague de transmissions est donc à prévoir et à préparer, et va représenter un enjeu majeur pour la conservation des emplois et des savoir-faire du bâtiment. (Crédits : Reuters)

Après vingt mois de crise sanitaire, le BTP a repris ses niveaux d'avant-crise et observe même un fort rattrapage de son activité. En effet, en région, l'activité du troisième trimestre 2021 pour les entreprises artisanales du bâtiment enregistre une hausse d'activité de +4 % par rapport au même trimestre de l'année précédente et a déjà retrouvé son niveau de 2019, notamment grâce aux activités de rénovation, confirme la Capeb Auvergne Rhône-Alpes.

Même si malgré cette reprise, la pénurie et la flambée du prix des matériaux a "des effets préoccupants sur la visibilité", estime la filière. D'autant plus que cette industrie, qui fait déjà face à la pénurie de compétences et à la hausse du coût des matières premières, s'apprête à rencontrer un défi supplémentaire : celui du papy-boom à venir.

"Il y a deux courants qui se rencontrent : les cédants qui vieillissent et ceux qui veulent trouver du sens à leur travail, avec le Covid comme accélérateur", remarque Arthur Brac de la Verrière, président de l'ICRE BTP (Institut du Créateur Repreneur d'entreprise).

"En France, 25 % des dirigeants de PME ont plus de 60 ans, tandis qu'en Auvergne Rhône-Alpes, ce sont 18% de chefs d'entreprises artisanales qui ont plus de 55 ans", affirme la Capeb Rhône et Grand Lyon (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), qui compte 1.700 adhérents.

D'après la CMA Rhône, ce sont même jusqu'à 20,5% des chefs d'entreprises du BTP auraient aujourd'hui plus de 55 ans. Une vague de transmission est donc à prévoir et à préparer, et pourrait constituer un enjeu majeur pour la conservation des emplois et des savoir-faire du bâtiment dans les années à venir.

"Après la création de l'ICRE BTP (Institut du Créateur Repreneur d'entreprise), on s'est rendus compte du papy-boom à venir", rappelle Arthur Brac de la Verrière, à la tête de cet organisme, créé il y a onze ans, pour faciliter la reprise et la création d'entreprise.

"Aujourd'hui, on arrive dans la tranche très proche de la retraite, or, il faut anticiper une repris cinq ans avant", explique Odile Van Kote, directrice ICRE BTP Rhône.

Les reprises plus pérennes que les créations

"De nôtre côté, la transmission est toujours un sujet majeur, surtout pour les petites entreprises", corrobore Christophe Bernollin, président de la CMA Lyon-Rhône. "Les reprises permettent de limiter la disparition, de maintenir les savoir-faire et les emplois."

Environ 3.200 entreprises du BTP seront à transmettre dans les cinq prochaines années d'près les chiffres de la CMA. Mais "pour qu'une entreprise soit transmissible, il faut qu'elle soit préparée", explique Odile Van Kote.

Une reprise porte généralement mieux ses fruits qu'une création d'entreprise. "Parfois, ça ne marche pas", admet Odile Van Kote, même s'il y a quand même 90% de pérennité à trois ans, selon l'ICRE BTP.  Pour la CMA, les reprises font face à 20% en moyenne de défaillances, un chiffre qui demeure toutefois largement inférieur aux défaillances enregistrées lors d'une création (50%).

Des repreneurs qui changent de profil

Mais avec la crise sanitaire, la filière du BTP enregistre également une autre évolution, avec des repreneurs qui sortent aussi du traditionnel cercle familial ou salarial.

"On observe de plus en plus de reconversions professionnelles et le bâtiment en fait partie. Car auparavant, on disposait de beaucoup de repreneurs en interne, alors qu'aujourd'hui, arrivent également des personnes (profils de gestionnaires, ou issu du management, du secteur commercial, etc) et qui n'ont pas forcément appris ce métier...  Ce type de profils est désormais plus fréquent", reconnaît Christophe Bernollin.

Dans ces nouveaux profils, certains se forment au métier, mais d'autres restent en position de gestionnaire et ne se forment pas : "ils ont vraiment un profil de gestionnaire et apportent des compétences à des entreprises, qui n'ont pas conscience de leurs savoir-faire", complète Mélanie Duret.

"Le côté technique est important. On peut les aider soit par le biais de la reconversion professionnelle, où il est possible de se faire accompagner avec l'artisan cédant pendant quelques mois. Dans le bâtiment, il y a l'équipe salariées et les repreneurs peuvent aussi se reposer dessus", poursuit Mélanie Duret.

Du côté repreneur, "il y a ceux qui viennent déjà du métier ou d'une entreprise artisanale, comme un descendant ou un salarié de l'artisan. Et ceux qui viennent d'autres secteurs et qui sont à la recherche de sens. [...] Certains ont une image de l'artisanat qui ne colle pas à la réalité, c'est le rôle de l'ICRE BTP de recadrer et travailler sur l'appropriation du métier et de sa culture."

Faire face aux difficultés de recrutement

"Le marché du bâtiment est dans une bonne dynamique. Le gros bémol, c'est la diminution des marges à cause de la pénurie de matériaux", remarque Odile Van Kote Des chantiers retardés, un carnet de commandes qui se remplit de plus en plus, couplé avec la difficulté de recruter.

Un secteur qui a subit le début de la pandémie, mais qui connaît une certaine reprise. "Dans le secteur du bâtiment, les indicateurs économiques ont subi une chute pendant le premier confinement, puis une hausse lors du déconfinement. Depuis, l'activité tend à se stabiliser. Toutefois, elle se trouve encore à un niveau largement inférieur à 2019. En ce début d'année 2021, la situation économique est stable ou favorable pour 9 artisans sur 10, ce qui laisse entrevoir des prévisions plutôt positives", dévoile la CMA dans son baromètre 2020-2021.

Dans sa  note de conjoncture à l'été 2021, la Capeb observe aussi et cette reprise et avance que "cependant 22% des chefs d'entreprise sont confrontés à des difficultés de recrutement et déplorent un manque de main d'œuvre qualifiée. Cette problématique reste une préoccupation forte des entreprises.

"Aujourd'hui, on manque de personnel qualifié et ça va prendre du temps pour former tout le monde", remarque aussi Arthur Brac de la Verrière. "La pénibilité a été réduite par la technologie, mais il en reste une part incompressible. [...] On a du mal à embaucher, on donc intérêt de fidéliser les salariés. Quelqu'un qui n'est pas content retrouve du travail dès le lendemain."

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