UGA/COMUE : les coulisses de l’université intégrée

Sans surprise, les élections de mi-mandat à l’UGA et à la ComUE ont porté à la présidence les candidats sortants, Lise Dumasy et Patrick Lévy, qui s’étaient engagés, en vertu d’un accord politique, à échanger leurs postes à la mi-mandat. Un doctorant, qui avait présenté sa candidature face à Lise Dumasy à la Comue, a finalement été contraint de se retirer la veille du scrutin pour avoir dépassé l’âge limite de candidature, fixé à 70 ans. Les deux présidents ont désormais, en ligne de mire une seconde étape, et pas des moindres : la création d’une université intégrée d’ici 2020, rassemblant les partenaires de la ComUE au sein d’un même établissement, dont les contours restent à définir.
(Crédits : DR)

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Parmi les priorités du futur président de l'UGA, Patrick Lévy, élu à ses nouvelles fonctions mi-janvier, figurent à la fois des dossiers internes, tels que la poursuite du Plan de retour à l'équilibre de l'UGA ainsi que la mise en place du Plan étudiant voulu par l'Etat.

Mais le plus gros chantier à venir sera sans aucun doute la création, d'ici 2020, à une "université intégrée de rang mondial", qui comprendra non seulement l'UGA mais aussi des écoles et organismes de recherche déjà membres de la ComUE, sous une nouvelle forme juridique qui reste à définir et qui serait en mesure d'inclure des composantes à personnalité juridique et morale, telles que l'IEP de Grenoble, l'Ecole d'Architecture (Ensag) ou Grenoble INP.

"Ces trois acteurs souhaitent conserver leur personnalité morale tout en étant d'accord pour s'intégrer dans un ensemble avec une gouvernance unifiée auxquels ils puissent participer. Nous avons aussi 23 composantes et UFR et l'idée serait de les réunir en 4 ou 5 grands pôles disciplinaires dont le périmètre reste encore à discuter. C'est le gros dossier des deux années à venir", résume la nouvelle présidente de la ComUE, Lise Dumasy.

Ce projet phare, intégré dans le dossier de candidature grenoblois pour l'Idex, aurait désormais le soutien des directions des établissements concernés après plusieurs années de discussions : "Il existe un consensus sur les principes fondateurs entre les directions d'établissement, qui va devoir être discuté avec le personnel, les organisations syndicales et les conseils pour la création d'un nouvel établissement", affirme le nouveau président de l'UGA, Patrick Lévy.

Mixer des cultures différentes

"L'avenir d'un site comme Grenoble passe par des synergies, un destin commun et non pas par une compétition entre les établissements, et c'est justement ce que permet l'université intégrée", justifie Patrick Lévy, qui se donnait justement, au sein du dossier de candidature à l'Idex, l'objectif de "se donner la force d'une institution unique et solidaire, sans pâtir d'effets de compétition interne".

Pour autant, cette université intégrée se voudra encore plus attractive :

"Nous visons une université de rang mondiale, pluridisciplinaire, que l'on retrouve en bonne place dans les classements internationaux, qui sait être attractive et qui innove", résume Éric Saint Aman, vice-président en charge de la recherche, et de la commission recherche (CR) du Conseil académique de l'UGA.

Reste que du côté du personnel de l'Université Grenoble Alpes (UGA), qui vient de passer deux années sous le signe de la restructuration post-fusion, émet des doutes.

"Nous redoutons que l'entrée d'une entité comme Grenoble INP ne bouleverse l'équilibre, déjà précaire, en faveur des STS, même s'il est logique que ce secteur soit dynamique à Grenoble", s'inquiète Romain Laurent, secrétaire du CHSCT de l'UGA.

Il pointe du doigt non seulement des cultures, mais aussi des missions qui pourraient s'avérer divergentes. "Comment discuter avec des partenaires qui ne sont pas des universités au sens propre du terme, mais un grand établissement d'enseignement ?"

Ce dernier évoque l'éloignement des centres de décision et l'augmentation de la charge de travail, qui a eu lieu suite à la fusion de l'UGA. "Lorsque j'étais secrétaire du CHSCT en charge de l'UMPF, je suivais 1500 agents et 20 bâtiments aux côtés de 18 représentants du personnel. Aujourd'hui, nous sommes le même nombre pour 200 bâtiments et 10 000 salariés, et quand l'université intégrée arrivera, on sera encore le double, ce ne sera plus possible".

Une autre source syndicale nous confie : "Il est normal, pour n'importe quelle structure chamboulée deux fois en quatre ans, de ressentir de l'angoisse. C'est quelque chose de violent, y compris pour le management".

Lorsqu'on évoque les enjeux de culture et d'intégration entre les différents établissements, Pierre Benech, administrateur général de Grenoble INP, nuance : "Il existe certainement des différences culturelles plus grandes au sein d'une grande université pluridisciplinaire qui offre à la fois des formations en médecine, en lettres ou en économie et gestion, que vis-à-vis d'une école d'ingénieurs où la culture est assez unifiée et monolithique".

Face aux craintes qui peuvent émerger, le nouveau président de l'UGA, Patrick Lévy, mise quant à lui sur la "progressivité". "Il ne faut pas vouloir tout faire tout de suite".

Il rappelle qu'une feuille de route doit être validée par l'ensemble de la communauté d'ici la fin janvier, puis soumise à la discussion collective, "ce qui correspond à un accord politique entre les directeurs d'établissements et les représentants des organismes de recherche. Nous aurons ensuite six moins pour écrire un texte fondateur et une année pour développer un consensus".

Le défi de la forme

Reste que pour devenir réalité, ce nouvel ensemble devra vaincre un double défi : permettre aux établissements à personnalité morale et juridique de conserver une autonomie forte, tout en proposant une gouvernance globale. Et pour cela, le modèle pur et simple de la fusion est exclu.

"Chaque composante pourra par exemple continuer de communiquer de son côté sur son offre, mais elles pourront aussi bénéficier d'une communication intégrée", cite en exemple Mme Dumasy.

Jusqu'où ira cette "intégration" ? Difficile encore d'en prédire encore précisément les contours.

"Il faudra avoir des discussions sur la politique en matière d'emploi afin que celle-ci soit cadrée, en prenant en compte les spécificités de chaque composante", explique Patrick Lévy, qui souhaite la mise en place d'une organisation à la fois "cohérente et agile".

Pierre Benech, l'administrateur général de l'école d'ingénieurs Grenoble INP, qui regroupe 5500 étudiants, 1200 salariés, rappelle qu'une convergence dans le temps est apparue sur le fait de respecter l'identité forte de chacun.

"Même si nous possédons des valeurs communes, l'ingénierie a une dynamique propre, ce qui justifiera de conserver une certaine forme d'autonomie au sein de l'ensemble". Selon lui, certaines questions concernant le budget, les postes ou encore la gestion des locaux devront demeurer du ressort de l'école. "Mais il ne faut pas confondre autonomie et indépendance totale. Tout ce qui concerne par exemple l'image et le rayonnement du site, l'international ainsi que les projets pluridisciplinaires sont des éléments que nous souhaitons par exemple partager".

Mais pour parvenir à cette étape, l'UGA et la ComUE devront aussi attendre le feu vert de l'Etat, en vue de pouvoir intégrer notamment des établissements à personnalité morale et juridique.

"Le code de l'éducation ne le permet pas actuellement mais une ordonnance a été prise par le gouvernement en vue d'autoriser des expérimentations dans ce domaine sous un délai d'un an", rappelle Patrick Lévy.

"Nous aurons besoin d'évolutions juridiques pour faire naître ce nouvel établissement, mais c'est le cas aussi pour plusieurs sites en France, qui ont un projet avec des attentes similaires", ajoute Lise Dumasy. Tout porte à croire que la ComUE, telle qu'on la connait jusqu'ici, pourrait être appelée à muter au profit d'un nouvel ensemble. "Il en est de même pour l'UGA. L'idée est de simplifier et de faire entrer dans les missions de la ComUE dans l'université intégrée", souligne la présidente.

Un projet en lien avec l'Idex

Si tout ne pourra donc pas être bouclé en deux ans, Lise Dumasy espère qu'un vote sur les statuts de ce nouvel ensemble ainsi qu'un travail préliminaire sur le contenu pourra avoir lieu d'ici là. Car il ne faut pas oublier que 2020 est aussi la date à laquelle le dossier grenoblois sera réévalué, en vue de confirmer ou non l'obtention définitive de l'Idex.

"Quand on reviendra face au jury, il faudra démontrer que l'on a progressé dans la structuration institutionnelle", affirme-t-elle.

"On a la conviction qu'on réussira, si nous arrivons à mettre en place une université intégrée, et conserver la dotation annuelle de 25 millions d'euros. Ensuite, la mise en place de la centralité et des subsidiarités prendra plus de temps", considère Patrick Lévy.

Reste que pour Pierre Benech, à Grenoble INP, 2020 devrait tout de même marquer le début d'une étape significative. "La feuille de route qui doit être produite d'ici juin devrait déjà permettre de déterminer comment ce nouvel ensemble fonctionnera, quelles seront les obligations des différentes parties, les services gérés en commun. Nous partageons déjà un certain nombre de services comme l'école doctorale avec l'UGA : l'idée n'est pas de revenir en arrière non plus sur ce qui se fait déjà".

Contacté, l'IEP de Grenoble a indiqué qu'il était trop tôt pour se prononcer à ce sujet, tandis que l'ENSAG n'a pas donné suite à notre demande d'interview au moment d'écrire ces lignes.

Si aucun calendrier précis n'a été avancé, Pierre Benech, à Grenoble INP, estime que l'on devrait en savoir plus d'ici cet été, en lien avec la communication des éléments sur le renouvellement de l'Idex, qui doivent permettre aux établissements de préparer leurs dossiers de renouvellement.

"On peut déjà se féliciter du fait qu'à Grenoble, la ComUE ait fonctionné en bonne intelligence contrairement à d'autres villes, avec une représentation qui place tous les organismes au même niveau, peu importe leur taille, afin de pouvoir dialoguer entre pairs. On espère qu'il en sera de même pour ce nouvel établissement".

Des questions qui restent en suspens

De son côté, la déléguée syndicale Françoise Papa confirme que l'échéance a été annoncée pour 2020 au sein du dernier conseil d'administration de l'UGA.

"On ne sait pas encore grand-chose du projet d'université intégrée en interne, mais cela va produire encore des recompositions et passera nécessairement par un statut dérogatoire qui permette une autonomie des composantes, auquel cas, l'IEP et Grenoble INP n'accepteront pas de se joindre à ce nouvel ensemble", estime-t-elle.

Ali Fouladkar, coordinateur des élus doctorants au sein des conseils centraux de l'UGA et de la ComUE, rappelle pour aller de l'avant, ce projet d'université intégré devra être approuvé par les CA de chaque établissement. "La feuille de route devra être discutée et négociée avec l'ensemble des listes représentatives aux conseils centraux, incluant les personnels et les étudiants des établissements concernés".

Reste cependant une ombre au tableau : que se passerait-il en cas du non-renouvellement de l'Idex ?

"Si celui-ci n'était pas renouvelé, la ComUE, l'UGA ou tout autre regroupement n'aurait plus du tout les mêmes moyens", estime Ali Fouladkar.

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