Entrepôt géant à l'aéroport Saint-Exupéry : la Ville de Lyon et les associations face aux géants du e-commerce

Dans l'est lyonnais, associations et Ville de Lyon s'opposent à la construction d'un entrepôt logistique géant sur le site de l'aéroport Saint-Exupéry. Une bataille qui dure depuis cinq ans et qui se prolonge aujourd'hui jusqu'au Conseil d’État, contre le e-commerce et ses conséquences locales.
(Crédits : DR)

C'est une bataille administrative et idéologique qui se joue depuis cinq ans dans l'Est Lyonnais. Depuis 2018, le promoteur immobilier Goodman ambitionne de construire un entrepôt géant de 160.000 m², sur le site de l'aéroport Saint-Exupéry, à Colombier-Saugnieu. Mais plusieurs associations de riverains et environnementales (Acenas, Fracture et les Amis de la Terre France) s'y sont fermement opposées. Elles ont saisi le tribunal administratif de Lyon, qui les a déboutées en première instance, en 2019, puis en appel, fin 2022. Mais, déterminées, fin 2022, elles ont décidé de se pourvoir devant le Conseil d'État. Depuis décembre 2020, la Ville de Lyon est aussi engagée à leurs côtés dans le recours, et elle s'est donc jointe à ce pourvoi devant le conseil d'État.

Lire aussi« Avec le e-commerce, on arrive au bout de l'individualisation de la consommation »

« Goodman veut construire un entrepôt, mais on se sait pas ce qu'il y aura dedans, donc on ne connaît pas les conséquences. C'est pour cela que nous attaquons l'étude d'impact environnemental », rappelle Gilles Renevier, de l'association Fracture. « Le projet en question provoquerait une augmentation du trafic routier de 1.000 camions et 4.400 camionnettes supplémentaires par jour », d'après la mission régionale d'autorité environnementale Auvergne-Rhône-Alpes sur le projet « Bâtiment logistriel » présenté par la société Goodman, cité dans le dernier communiqué commun des trois associations.

« Quelle économie veut-on ? »

Ce projet d'entrepôt revêt aussi une lutte symbolique. « C'est dans l'air du temps, c'est la fin d'un monde et on lui donne un coup de pouce », analyse Gilles Renevier. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Ville de Lyon s'est jointe au recours. « Nous avons le devoir de donner l'exemple », affirme Camille Augey, adjointe au commerce, à l'artisanat et l'économie durable et locale à la Ville de Lyon.

S'ajoute aussi une question de territoire : « Le e-commerce fragilise les commerces physiques du centre-ville. D'après nos études, on remarque une hausse tendancielle de la vente en ligne au détriment du commerce physique. Ça ne touche pas que les petites villes, ça touche aussi le centre-ville de Lyon. [...] Au-delà de l'animation des rues, ce sont aussi des créateurs de lien social. Alors qu'au contraire, le e-commerce c'est l'économie déshumanisée. [...] On ne peut pas raisonner en ultra local. Ce que l'on fait sur sa commune impacte les voisins », développe l'adjointe, en pointant aussi les conséquences sur la logistique urbaine et l'engorgement des axes routiers lyonnais.

Pour Pierre Marmonier, maire de Colombier-Saugnieu, la commune où devrait s'installer l'entrepôt, ce soutien ressemble à de l'ingérence : « Nous ne sommes même pas dans la Métropole de Lyon. A part pour des raisons dogmatiques, je ne vois pas ce qu'ils viennent faire là. »
Selon lui, il s'agit de répondre à une demande tout en bénéficiant à sa commune : « Il y a une augmentation du e-commerce et il faut satisfaire ces besoins. L'aéroport est idéal parce qu'il y a tous les moyens de communication et ces terrains sont dédiés à la logistique. [...] Le développement de l'aéroport me convient bien. Ce augmente les recettes de la taxe foncière qui nous permettent d'investir dans la commune et développer l'attractivité.

« Quelle économie veut-on » ?, interroge en miroir l'adjointe à la Ville de Lyon. Se faire livrer ses courses derrière un écran par un livreur précarisé ou aller en ville et profiter du lien social. L'acte d'achat n'est pas neutre. »

Camille Augey cite également les chiffres avancés par Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d'État au Numérique : pour 1 emploi créé par Amazon, 2,2 emplois supprimés dans le commerce de proximité.

Lire aussiMounir Mahjoubi accuse Amazon de détruire 7.900 emplois et appelle à acheter français

Qui va occuper l'entrepôt ?

Justement, la question est aussi de savoir l'identité de l'entreprise qui va occuper cet entrepôt. La presse locale et les associations avançaient jusqu'à présent que c'est Amazon qui allait l'utiliser. Tout un symbole de ce que les opposants au projet rejettent.

Or, Amazon, via une entreprise de communication, déclare à La Tribune « n'avoir jamais confirmé » qu'il allait occuper cet entrepôt. Le promoteur Goodman de son côté se refuse aussi à tout commentaire. « On a une forte suspicion, mais on ne peut pas le dire », admet de son côté Francis Huet, de l'association Acenas.

Pour le maire de Colombier, « c'est un secret de polichinelle ». Un entrepôt de cette taille a de fortes probabilités d'être occupé par un géant du e-commerce comme Amazon. D'autant que l'américain avance généralement masqué. « Nous ne communiquons pas sur les futurs projets », déclarait à La Tribune, en mai dernier, le directeur général d'Amazon France, Frédéric Duval.

Lire aussi"Les projets d'Amazon refusés sont plus médiatisés que ceux acceptés" (Frédéric Duval, DG Amazon France)

« Nous avons ouvert entre cinq et dix sites par an et nous avons la volonté de maintenir cette tendance (...). Aujourd'hui, là où nous sommes le moins implanté c'est l'Ouest de la France et le Sud-Ouest. Nous serions intéressés évidemment pour continuer à nous y développer », appuyait-il.

Pour les associations et la Ville de Lyon, « que ce soit Amazon ou un autre, c'est pareil. C'est le mode de consommation en e-commerce, dans des proportions gigantesques qu'on ne veut pas », d'après Gille Renevier.

Le pot de fer contre le pot de terre

Et les associations sont déterminées à poursuivre le combat. Si le recours devant le Conseil d'État ne fonctionne pas, « on ne lâchera pas, après ça sera l'Europe », assène Gilles Renevier. C'est une bataille qui se joue aussi dans la durée, car ces procédures judiciaires empêchent de lancer la construction.

« Nous jouons sur l'usure et le temps, en espérant qu'ils abandonnent, commente Francis Hue. Nous avons gagné cinq ans et c'est déjà ça, mais notre combat s'apparente au pot de fer contre le pot de terre, et à la fin c'est rarement le pot de terre qui gagne. Mais ce que nous avons gagné, c'est pour le bien-être des riverains. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 24/02/2023 à 3:38
Signaler
Cette zone sera complètement vaporisée dans le cadre du futur conflit et totalement prévisible opposant l'otan contre la russie et la chine. Alors, pourquoi râler? A la place, vous devriez plutôt visiter la grotte de l’Apocalypse de Patmos. Vous rec...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.