L’Auvergne-Rhône-Alpes face aux défis de la réindustrialisation

Dans une France qui prend conscience des conséquences de sa désindustrialisation, la première région industrielle du pays a un rôle à jouer pour accélérer la reconquête, grâce à un tissu économique dynamique, des secteurs de pointe et une forte attractivité. Mais, sur fond de chocs extérieurs et de concurrence féroce, encore faut-il rester dans la course mondiale... Les atouts, de même que les difficultés de l’AuRA face à cette nouvelle donne post-mondialisation ont été passés au crible par les acteurs économiques invités du forum « Transformons la France », qui s’est tenu le jeudi 1er juin à Lyon.
(Crédits : DR)

Difficultés d'approvisionnement en paracétamol, pénurie de masques, absence de son propre vaccin... Bien des vulnérabilités économiques, lors de la pandémie, ont ravivé le débat sur la souveraineté de la France. En conséquence, le pays mise aujourd'hui résolument sur l'accélération de la réindustrialisation.

« Il y a eu une prise de conscience collective sur l'ampleur de la désindustrialisation du pays et des conséquences que ce phénomène faisait peser sur la société française », constate Jérôme Fourquet, directeur du pôle Opinion et stratégies d'entreprise de l'institut de sondage IFOP.

Il était grand temps ! Entre 1995 et 2015, l'Hexagone a perdu la moitié de ses sites de production ainsi que près d'un tiers de ses emplois industriels. De quoi susciter un réveil et donner lieu à « un début de travail de reconquête, avec un certain nombre de décisions prises sous le précédent quinquennat », précise-t-il. Bonne nouvelle, depuis 2016, les ouvertures d'usines dépassent les fermetures.

« Toute la question est de savoir si cette dynamique va se confirmer », poursuit l'auteur de La France sous nos yeux et de L'Archipel français. Les villes moyennes, notamment, pourraient être le fer de lance de cette reconquête annoncée. Elles ont en effet plus d'un avantage à faire valoir, selon lui : du foncier disponible, des friches pour une réimplantation d'activité, un taux de chômage encore élevé et donc une main d'œuvre potentiellement disponible, une habitude de travailler dans l'industrie, de même que l'éligibilité à des aides significatives de l'Etat, de l'Europe, de la région ou des collectivités.

Un G6 pour la relocalisation

Des signaux positifs, donc, même si le chemin de cette réindustrialisation reste semé d'embûches... L'Auvergne-Rhône-Alpes est cependant bien placée pour relever les défis. Première région industrielle de France, où cette activité représente 18 % de la valeur ajoutée, région innovante, aussi, avec 2,7 % de son PIB consacré à la R&D, l'AuRA affiche un beau dynamisme entrepreneurial. Quelques dangers planent toutefois...

Les accords internationaux qui ont volé en éclat après la crise Covid, la guerre en Ukraine, les tensions sur l'énergie, la hausse des taux d'intérêt... Nous allons voir maintenant ce qu'est un monde sans mondialisation, alerte ainsi Philippe Guérand, président de la CCI Auvergne-Rhône-Alpes. « Dans une concurrence sauvage, c'est la compétitivité qui va nous faire gagner », assure-t-il, faisant allusion aussi bien à l'Inflation Reduction Act (IRA) américaine, avec ses subventions vertes massives, au soutien de la Chine à ses secteurs industriels qu'à l'Inde et ses prix bas de l'énergie...

L'AuRA ne manque en effet pas d'atouts en matière de compétitivité. « Nous sommes la première région européenne de production de l'électricité », poursuit-il, sans oublier son infrastructure de transport, ainsi qu'un écosystème universitaire et d'écoles de bonne renommée. Autre corde à son arc dans la course industrielle, le travail d'équipe, que l'AuRA privilégie. La région s'est ainsi dotée d'un « G6 », réunissant l'agence économique de la région, Bpifrance, le Medef, la CPME, la CCI..., pour accélérer les relocalisations.

« L'attractivité de la région AuRA ne se dément pas », renchérit Frédéric Szabo, directeur inter-régional Grand Sud Est de Business France. Ainsi, 7 460 emplois y ont été créés en 2022 grâce aux investissements directs étrangers. « Il y a une forte prépondérance du secteur manufacturier, qui capte à lui seul 4 500 emplois », précise-t-il. Notamment dans les secteurs stratégiques tels que les composants électroniques, les machines et les équipements mécaniques, l'énergie et le recyclage. Des investissements dans lesquels l'Allemagne (16 %), la Suisse (11 %) et les Etats-Unis (15 %) sont en tête de liste.

Attirer les talents

Mais les entreprises régionales se heurtent aussi à plusieurs difficultés. « Nous voyons une vraie raréfaction du foncier », observe ainsi Alexandra Mathiolon, directrice générale du groupe Serfim, une ETI spécialisée dans les travaux publics et l'aménagement durable. Autre enjeu pour ce groupe historique basée à Vénissieux et fortement implanté dans la région, le recrutement. « Nous devons recruter plus de 400 personnes chaque année et nous avons un grand nombre de postes ouverts », relève la dirigeante de cette entreprise qui compte 2 800 collaborateurs.

Pour pourvoir à ses besoins, Serfim s'appuie sur le tissu d'écoles dans la région, à l'instar des Mines de Saint-Etienne ou des écoles de travaux publics d'Egletons. « Nous nous investissons pour co-construire des formations. L'idée, avec ce travail de fond, est de nous assurer qu'elles soient bien adaptées à nos besoins », témoigne cette patronne. D'autant que, pour certains métiers en plein essor, tel le chauffage urbain, « il n'y a aujourd'hui quasiment aucune formation spécialisée », regrette-t-elle. Faire connaître les métiers aux jeunes, aux femmes, de même qu'aux publics éloignés de l'emploi sont autant d'autres pistes pour chercher des compétences.

Tout l'enjeu, en somme, est de renforcer l'attractivité des métiers des filières industrielles pour soutenir leur renouveau. « Il y a tout un travail de conviction à faire. Il faut continuer à changer l'image de l'industrie, la féminiser, donner des perspectives et rappeler qu'en moyenne, dans l'industrie, les niveaux de rémunération sont plus élevés qu'ailleurs », relève de son côté Jérôme Fourquet.

Autre élément à mettre en avant pour les talents : le cadre de vie. « Ce n'est pas uniquement parce qu'il y a des jobs que les gens viennent, mais également parce que c'est une région où il fait bon vivre », conclut l'analyste. Un plus pour la région AuRA dans la compétition nationale comme internationale...

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2023 à 14:34
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Un énième colloque pour brasser du vide ! Les mêmes qui affirmaient ils y a quelques décennies que la France devait miser sur l'intelligence et pouvait se passer d'usines. Naturellement quand on brasse de l'air, la CCI est aux premières loges. Les CC...

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