Livraison du dernier kilomètre : Renault Trucks muscle son offre en assemblant les triporteurs de Kleuster

C'est l'essence même d'un partenariat gagnant-gagnant que défendent ses deux instigateurs. Le fabricant Renault Trucks a commencé à assembler depuis la mi-octobre sur son site de Vénissieux (Rhône) les vélos cargos de la startup Kleuster, désormais propriété du distributeur automobile Jean Lain. Avec un double objectif : accélérer et sécuriser la production en volume des vélos cargos de Kleuster, les Freegônes, tout en donnant à Renault Trucks une nouvelle corde à son arc pour adresser le marché de la livraison du dernier kilomètre.
Ce partenariat de distribution et désormais d'assemblage avec une jeune startup industrielle comme Kleuster représente, pour Renault Trucks, une extension de sa gamme de véhicules à moindre coût, face à un marché de la mobilité propre qui explose, compte-tenu de l'agenda des zones à faibles émissions (ZFE).
Ce partenariat de distribution et désormais d'assemblage avec une jeune startup industrielle comme Kleuster représente, pour Renault Trucks, une extension de sa gamme de véhicules à moindre coût, face à un marché de la mobilité "propre" qui explose, compte-tenu de l'agenda des zones à faibles émissions (ZFE). (Crédits : DR/Renault Trucks)

Les choses seront allées vite, et leur ont semblé naturelles : il se sera en effet écoulé seulement quelques mois entre la prise de contact et le lancement d'une nouvelle ligne d'assemblage au sein des locaux de Renault Trucks, située à Vénissieux (Rhône).

Habituellement, c'est ici que l'équipementier, filiale du suédois AB Volvo, concentre son usine de moteurs ainsi que sa centrale de distribution des pièces détachées, destinée aux marchés mondiaux du groupe. Et depuis la mi-octobre, ce site accueille une nouvelle ligne d'assemblage destinée, non pas aux poids lourds ou aux utilitaires, mais aux vélos cargo d'une startup montante : le lyonnais Kleuster.

Fondée en 2014 (et rachetée courant 2020 par le distributeur automobile auralpin Jean Lain), Kleuster a conçu une gamme de triporteurs à assistance électrique, les Freegônes, capables de transporter jusqu'à 350 kilos de charge utile pour sa version colis, et 250 kilos de charge utile pour sa version réfrigérée. "Une version aussi efficace qu'une Kangoo électrique, et qui a l'avantage d'être accessible sans permis", résume son dirigeant-fondateur, Gérard Têtu. Pour un coût unitaire compris entre 15.000 et 20.000 euros pièce selon la version retenue.

Renforcer les capacités d'assemblage

Et après avoir livré 120 Freegônes à ses premiers clients (dont 4 pour le compte de la Métropole de Lyon), elle avait besoin de sécuriser sa chaîne de montage pour monter en volume. Et surtout, montrer patte blanche auprès de ses cibles principales : à savoir les grands groupes de la logistique urbaine, ainsi que les collectivités locales ou leurs délégataires, qui sont en charge de différentes opérations urbaines (nettoyage, ramassage des déchets, etc).

"Nous avons déjà reçu des marques d'intérêts de la part de grands donneurs d'ordres du secteur du colis ou de la logistique urbaine auxquels nous avions fait tester nos produits. Ce partenariat avec un grand acteur comme Renault Trucks va nous permettre de les rassurer également sur nos capacités à distribuer et maintenir nos cibles de production", annonce Gérard Têtu.

C'est pourquoi, après une première phase de discussions avec le groupe Renault Trucks, concernant un accord de distribution afin de faire profiter du rayonnement hexagonal du groupe à Kleuster, les deux partenaires se sont accordés sur un nouveau type de partenariat, cette fois dans le domaine du montage.

L'intérêt de Renault Trucks

Une première collaboration avec une startup industrielle pour Renault Trucks, qui présentait un double intérêt pour le groupe : "Nous avions des capacités restantes au sein de notre site, en partie classé monument historique, et avec surtout, la volonté claire de diversifier nos activités. L'assemblage était pour nous une activité naturelle, puisque nous disposions déjà de toutes les méthodes, process, et approvisionnements en lien avec le domaine du moteur notamment", confirme Laurent Colpier, directeur de l'activité camions d'occasion et logistique urbaine pour Renault Trucks.

Une collaboration "en bonne intelligence" qui permet ainsi à la jeune pousse Kleuster de bénéficier de l'expertise des 800 collaborateurs de Renault Trucks, spécialisés dans la conception des moteurs et d'un outil de production automatisé.

Sans compter que pour Renault Trucks, un autre enjeu grandissant se situe aussi du côté du marché de la logistique urbaine et de la livraison du dernier kilomètre : "nous nous positionnons comme un fournisseur de solutions de transport pour le premier et dernier kilomètre, et l'on ne pouvait qu'inclure des solutions comme le vélo cargo de Kleuster, en complément de nos utilitaires", ajoute Laurent Colpier.

Soit, en d'autres mots, une extension de sa gamme de véhicules à moindre coûts, face à un marché de la mobilité "propre" qui explose compte-tenu de l'agenda des zones à faibles émissions (ZFE), appelées à se généraliser au sein des grandes métropoles d'ici décembre 2024, en vertu de la Loi Climat.

Objectif : 1.500 tripoteurs livrés d'ici fin 2023

Résultat ? Après quelques travaux d'installation et de modernisation des locaux existants (dont le montant n'a pas été communiqué) ainsi que l'achat d'équipements cofinancés par les deux partenaires, une ligne d'assemblage de 2.600 m2 a été installée au sein même du site Renault Trucks.

Elle bénéficiera de synergies avec l'atelier de conception moteurs de l'équipementier automobile, mais aussi de ressources dédiées : pour l'heure, 5 salariés issus de Renault Trucks ont été affectés à plein temps à cette nouvelle activité, qui pourrait employer à terme une vingtaine de personnes.

Un gage également d'attractivité pour le groupe, qui confirme que ses équipes voient d'un très bon oeil leur contribution à l'industrie des mobilités douces incarnée par les triporteurs électriques.

Si Kleuster était jusqu'ici en mesure de concevoir jusqu'à cinq vélos cargos par semaine, cette première ligne permet déjà de monter "au moins un triporteur par jour", et les choses sont encore appelées à s'accélérer, par étapes :

"Nous avions commandé des pièces afin de pouvoir monter 500 triporteurs. Cela est déjà en soi, un challenge car il a a fallu à la former les équipes et partager l'expertise et les process entre nos deux sociétés, mais aussi intégrer le fait que nos vélos-cargos représentent près de 460 composants à assembler. Nous sommes en train d'engager une seconde phase de commandes pour arriver à 1.500 triporteurs assemblés d'ici fin 2023", annonce Gérard Têtu.

Avec par la suite, l'objectif de coller à la demande du marché et de doubler chaque année le nombre de vélos cargos livrés. "Nous comptons également l'ouvrir à l'Europe, mais notre objectif est de le faire progressivement afin de ne pas rater la marche, en nous assurant par exemple de pouvoir l'alimenter au fil de l'eau et de la disponibilité de nos pièces détachées ", ajoute le fondateur de Kleuster.

Et Laurent Colpier de confirmer que la demande des marchés voisins s'avère déjà forte : "Nous sommes surtout en train de freiner les demandes, qui émanent à la fois des Pays-Bas, de l'Italie, Espagne, Angleterre, Belgique, ou de la Suisse..."

Sourcer le maximum de fournisseurs en France

En parallèle, Kleuster a travaillé sur sa propre chaine d'approvisionnement, puisque ses vélos cargos nécessitent aujourd'hui de faire appel à une trentaine de fournisseurs, dont la plupart sont basés en Auvergne Rhône-Alpes ou en France.

"Nous essayons de rapatrier le plus de production possible en France, cela va par exemple être le cas avec la fourniture de batteries, qui sera localisée en France alors qu'elle était jusqu'ici en Italie, ainsi que pour nos cartes électroniques. C'est plus compliqué sur le domaine des châssis, qui sont pour l'instant conçus à l'étranger, mais nous espérons les rapatrier à terme dans la région", souligne Gérard Têtu.

Un challenge tout particulier compte-tenu des tensions actuelles sur les chaînes d'approvisionnement, ainsi que du prix des matières premières qui ont grimpé sur les marchés mondiaux et multiplié ses coûts, par des facteurs allant de 2 à 5.

"Là où nous étions quatre en Europe à nous positionner dans cette filière il y a quatre ans, lors de notre participation à un salon européen des transports intelligents, nous en avons dénombré 22 cette année. Le marché a certes, commencé à se structurer, mais nous demeurons aujourd'hui les seuls à proposer un châssis adapté à plusieurs métiers, confirme Gérard Têtu.

Alors que ses concurrents se sont concentrés principalement sur le segment de la livraison de colis, le lyonnais propose une version dédiée au transport réfrigéré, mais aussi aux bennes à déchets, etc. Ambition affichée : "adresser l'ensemble des activités qu'il est possible de conduire à vélo en cœur de ville".

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