Hydrogène : McPhy confirme le plan de match de sa gigafactory de Belfort, et n’attend plus que l’éveil des marchés

ANALYSE. Près d'un an après l'arrivée de son nouveau directeur général, Jean-Baptiste Lucas, la marche de l'industrialisation de la pépite (désormais iséroise) de l'hydrogène s'intensifie. Fin octobre, son conseil d'administration a confirmé la décision finale d’investissement de sa gigafactory d’électrolyseurs à Belfort (Bourgogne-Franche-Comté), avec à la clé, la signature avec Bpifrance d'une aide à hauteur de 114 millions d'euros, à travers le dernier PIIEC Hydrogène validé par la Commission européenne. De quoi rompre "le syndrome de la poule et de l'oeuf", et garantir de premières capacités de production dès 2024.
Avec la confirmation de son calendrier et investissement à Belfort, l'isérois McPhy compte sur ce go pour casser le syndrome de la poule et de l'oeuf du marché de l'hydrogène et envoyer un signal de confiance à ses prospects. Car d'après son plan de match, les premiers électrolyseurs sortiront de sa gigafactory dès 2024 pour alimenter ensuite les marchés de l'industrie, de la mobilité et du stockage.
Avec la confirmation de son calendrier et investissement à Belfort, l'isérois McPhy compte sur ce "go" pour casser le syndrome de la poule et de l'oeuf du marché de l'hydrogène et envoyer un signal de confiance à ses prospects. Car d'après son plan de match, les premiers électrolyseurs sortiront de sa gigafactory dès 2024 pour alimenter ensuite les marchés de l'industrie, de la mobilité et du stockage. (Crédits : Barjane – GBL Architecture)

C'est une double confirmation qui se profile pour l'ex-drômois McPhy, quelques jours après l'inauguration de son premier site grenoblois, qui s'apprête à devenir son nouveau siège social et lieu de fabrication de ses bornes de recharge.

Car cette fois, c'est bien la décision de finale d'investissement de sa gigafactory  d'électrolyseurs à Belfort (Bourgogne-Franche-Comté) ainsi que son calendrier qui viennent d'être confirmés cette semaine. A l'issue d'un conseil d'administration en date du 26 octobre, la pépite de l'hydrogène, une spin-off du CNRS née en 2008 à la Motte-Fanjas (Drôme), s'outille progressivement pour un passage à l'échelle auquel elle se prépare déjà depuis l'an dernier.

Annoncée pour entrer en production dès le premier semestre 2024, avec une montée en charge progressive jusqu'à atteindre une capacité de 1 GW par an, l'implantation de cette gigafactory d'électrolyseurs à Belfort, dans l'ancien fief du groupe General Electric, vient donc d'être confirmée par McPhy. Avec à la clé, la création de plus de 500 emplois annoncés, dont environ 400 en France et une centaine en Allemagne et en Italie, et un investissement global estimé à 40 millions d'euros.

Une mise en service et enveloppe confirmées pour 2024

Dans sa nouvelle communication, le groupe entérine ainsi "une mise en service prévue au 1er semestre 2024, avec une montée en charge progressive dans le but d'atteindre une capacité annuelle de production de 1 GW", et précise même "que McPhy disposera ainsi d'une capacité annuelle totale de production de 1,3 GW2, intégrant la capacité du site de San Miniato en Italie, en phase avec les perspectives de croissance des marchés de l'hydrogène vert, notamment celui de l'industrie".

Avec sur la partie stations, le tout nouveau site de Grenoble, qui vise aussi à lui permettre de monter de 20 à 150 stations fabriquées par année "lorsque l'usine aura atteint sa pleine capacité, induisant la création de plus d'une centaine d'emplois directs."

Côté enveloppe également, les choses se précisent : car sa levée de fonds de 180 millions d'euros, menée en l'espace d'une nuit en pleine crise sanitaire (octobre 2020) auprès de plusieurs industriels (dont Chart Industries, Technip Energies, aux côtés de ses actionnaires historiques EDF qui détient 14,4% du capital, et Bpifrance, 6%), avait permis de gonfler sa trésorerie mais n'était qu'un préambule : le fabricant d'électrolyseurs vient de signer un contrat d'aides publiques avec Bpifrance pour un montant maximal de 114 millions d'euros, avec un premier versement de 28,5 millions d'euros prévu dès cette année, dans le cadre de la première vague du PIIEC Hydrogène.

Pour rappel, ce Projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) sur l'hydrogène, validé par la Commission européenne en juillet dernier, ouvre en effet la voie à une subvention (non remboursable) de l'Etat français de 2,1 milliards d'euros dans la cadre de sa stratégie nationale hydrogène, afin de soutenir les dix premiers lauréats français (dont McPhy, mais aussi un autre isérois Symbio), qui seront complétés par 3,2 milliards d'investissements privés.

"Ces projets permettront la construction sur le territoire de quatre gigafactories d'électrolyseurs (représentant jusqu'à 40 % du marché européen des électrolyseurs à l'horizon de 2030), de sites de production de réservoirs à hydrogène, de piles à combustibles pour la mobilité durable, de trains et véhicules utilitaires à hydrogène et de matériaux nécessaires à la production de ces équipements", avait ainsi détaillé Matignon, évoquant au total près de 5.200 emplois directs à la clé.

Une feuille de route à mener

En l'attente des dernières confirmations des soutiens publics annoncés, l'isérois McPhy avait toutefois déjà commencé à préparer son installation sur site et complété les études préalables, et même démarré les travaux de terrassement. Il avait également enclenché l'achat du site, et précise qu'un premier "décaissement lié à la gigafactory à hauteur de 9 millions" sera réalisé d'ici la fin de l'exercice.

Dans un tel contexte, l'apport des 114 millions d'euros résonne comme la sécurisation du plan de match à venir du groupe, comme le confirme le directeur général, Jean-Baptiste Lucas, à La Tribune : "l'enjeu n'était pas tant de financer les murs de la gigafactory que de développer des produits innovants et de les industrialiser dans une échelle de temps fixée sur quatre ans, qui plus est sur un marché naissant".

Pour rappel, le projet avait également reçu une aide "privée" de 10 millions d'euros du fonds Maugis, un dispositif créé spécialement à l'aide des 50 millions d'euros de pénalité versés, sur ce territoire, par l'industriel General Electric pour le pour non-respect de ses engagements en termes d'emplois (1.000 emplois devaient être créés en France lors de la reprise d'Alstom en 2015).

Une étape qui vient également confirmer la feuille de route du nouveau directeur général de McPhy. Arrivé en octobre 2021, en remplacement de l'ex-dg Laurent Carme (qui remplaçait lui-même le fondateur Pascal Mauberger) après avoir géré le redimensionnement d'un acteur néerlandais du monde de l'emballage appartenant au fonds Apollo Management, cet ancien cadre du groupe Pechiney (devenu Alcan) avait des objectifs clairement affichés : "allier un haut niveau de satisfaction de ses clients et une performance opérationnelle exemplaire".

Quelques mois plus tard, Jean-Baptiste Lucas s'est déjà entouré de trois nouveaux membres du Comex, et a recruté une soixantaine de personnes (qui amènent les effectifs à 200 collaborateurs) afin d'appuyer la montée en puissance du groupe, tout en s'installant dans ses nouveaux locaux de Grenoble, qui accueilleront désormais aussi le siège.

Un marché qui décolle (trop) doucement ?

De quoi relancer il l'espère, la dynamique du marché de l'hydrogène, qui recherche encore ses marques, en dépit des forts investissements publics annoncés au sein de la filière. En mai dernier, la société annonçait déjà "une croissance limitée du chiffre d'affaires au 1er semestre" de l'année en raison de "l'attentisme de certains acteurs économiques dépendant de mécanismes de financement publics".

Puis en juillet, McPhy annonçait encore, pour le premier semestre de l'exercice 2022, un chiffre d'affaires "stable par rapport à 2021 à 5,2 millions d'euros", "principalement dû à la reprise de deux stations d'ancienne génération vendues au cours d'exercices antérieurs à des clients allemand, dont le montant correspondant est venu en déduction du chiffre d'affaires du 1er semestre 2022".

Et de préciser qu'en dehors de cet élément, "le chiffre d'affaires serait de 7,4 millions d'euros, soit une croissance de + 42 %". Le groupe évoque en effet "la finalisation des premières commandes sur les grands chantiers dans lesquels McPhy est partie prenante, alors que le marché continue de faire preuve d'attentisme au regard du déblocage des financements publics".

"Le marché attendait en effet un certain nombre de signaux dont la construction de l'usine, ce qui représente un peu la question de la poule et l'oeuf dans une industrie comme celle-ci. Tout le monde est prêt à y aller, mais il faut la certitude d'avoir en face des capacités de production, et c'est ce que permet aujourd'hui une aide comme le PIIEC, qui permet de garantir une capacité à une certaine échéance", illustre Jean-Baptiste Lucas à La Tribune.

Mais les choses avancent : son carnet de commandes fermes s'établirait ainsi désormais à 29,1 millions d'euros au 30 juin dernier, soit une progression de + 44 % en un semestre, avec des projets "de grande échelle qui commencent à générer des revenus substantiels et devraient progresser significativement" à l'image de "R-Hynoca2, concernant l'implantation de la première station hydrogène à Strasbourg", ou de "CEOG3, concernant la construction de la Centrale Électrique de l'Ouest Guyanais afin de combiner énergie photovoltaïque et stockage d'électricité, principalement sous la forme d'hydrogène".

Sans oublier la réception des deux premières commandes de son partenaire Hype, dans le cadre de son partenariat stratégique, qui vise à fournir deux électrolyseurs alcalins de 2 MW (dont la capacité peut être portée à 4MW) ainsi que deux stations de recharge d'une capacité de 800 kg par jour, qui seront installées en région parisienne.

"Le segment industriel reste le plus porteur et le plus stratégique, car il a vocation à croître fortement pour aider de grands industriels du monde à se décarboner", confirme Jean-Baptiste Lucas. Des discussions seraient notamment en cours avec de grands acteurs de la chimie notamment, à l'échelle régionale, en vue de transformer leurs modes de production vers l'hydrogène. En tous les cas, McPhy fait désormais savoir qu'il se tient prêt : il pourra commencer à livrer ses marchés en volume dès 2025.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.