Pour se préparer au redécollage de l’aéronautique, Tecalemit Aerospace se recapitalise et sort des composites

A l'issue de deux années de turbulences pour le secteur aéronautique, la silhouette de la reprise. L'équipementier aéronautique rhodanien Tecalemit Aerospace, qui fournit en tuyauterie industrielle spécialisée des grands comptes comme Airbus, Safran ou Boeing, compte bien se mettre en ordre de marche pour saisir au bond la reprise d'activité. Avec d'une part, une recapitalisation menée par son investisseur historique Tikehau Ace Capital -qui signe également la sortie du fonds Garibaldi Participations et le passage en minorité de la famille Colcombet-, mais aussi un recentrage sur son coeur de métier historique avec la cession, à Airbus Atlantic de ses activités de thermocompression composite.
Face à la remontée en charge perçue plus clairement par l'industrie aéronautique au second semestre, Franck Colcombet se prépare à remettre Tecalemit Aerospace sur les rails de la production, tout en travaillant sur deux défis : la hausse du coût des matières premières et de l'énergie ainsi qu'une nouvelle phase de recrutements à venir.
Face à la remontée en charge perçue plus clairement par l'industrie aéronautique au second semestre, Franck Colcombet se prépare à remettre Tecalemit Aerospace sur les rails de la production, tout en travaillant sur deux défis : la hausse du coût des matières premières et de l'énergie ainsi qu'une nouvelle phase de recrutements à venir. (Crédits : DR)

"La reprise est là, elle se dessinait déjà au premier semestre et se constate notamment dans le carnet de commandes de notre industrie, qui s'étoffe de manière beaucoup plus claire depuis le second semestre. Les clients ont plutôt tendance à demander de pouvoir se préparer à des cadences de production supplémentaires", observe Franck Colcombet, président de Tecalemit Aerospace.

Si l'enjeu de cette industrie n'est pas tant la visibilité offerte par des programmes industriels d'envergure comme ceux d'Airbus, qui envisagent déjà leurs commandes à l'échelle d'une décennie, la question qui se posait encore était surtout celle de l'horizon d'une reprise de la production en volume.

"On voit que l'on peut s'attendre désormais à un retour vers des niveaux de cadence importants, avec de grands clients qui nous invitent déjà à nous préparer à des seuils qui pourraient même être plus importants qu'en 2019", constate Franck Colcombet.

Pour cette ETI du domaine aéronuatique, fondée il y a 100 ans dans la banlieue lyonnaise à Chanapost (Rhône) puis reprise dans les années 2000 par la famille Colcombet, un premier pan de l'histoire s'était écrit au fil des intégrations verticales et acquisitions successives : avec d'abord, le rachat du spécialiste français des machines à tresser de haute précision Spiraltex, du lyonnais spécialisé dans les composites Carbone Forgé, et plus récemment, la reprise des activités de tuyauterie métallique de Daher en 2018, et notamment de son site industriel de Luceau (72).

De quoi conduire Tecalemit Aerospace à passer d'un chiffre d'affaires de 6 millions d'euros (lors de sa reprise au début des années 2000) à 67 millions d'euros, à l'aube de la crise sanitaire.

Un regroupement et une recapitalisation pour avancer

Mais face à cette trajectoire qui semblait toute tracée, deux facteurs inattendus ont contraint Tecalemit a revoir sa feuille de route : un premier revers important a été enregistré avec l'arrêt du programme 737 Max de Boeing, suivi de la chute d'activité brutale de l'industrie aéronautique, clouée au sol par la pandémie. "Nous avons bien entendu fait appel au PGE, mais notre priorité a été rapidement de sauvegarder les emplois et les compétences en adaptant le groupe aux évolutions très fortes de cette crise, qui étaient annoncées comme durables", souligne son président.

Le fabricant de canalisations souples pour l'aéronautique et le spatial a donc entériné une première mesure majeure, avec le regroupement de son site historique de Blois (Loir-et-Cher) et celui repris à Daher à Luceau (Sarthe). Une étape jugée comme un "passage obligé pour assurer la pérennité du groupe" par Franck Colcombet, mais qui n'a pas été sans impact : un recours des salariés avait été déposé en justice à l'encontre du PSE tandis que le maire PS de Blois, Marc Gricourt, s'était lui même indigné dans la presse de ce déménagement, qui demandait à ses équipes de parcourir une distance de 100 km.

Cette fois, c'est désormais un nouveau virage s'amorce sur le plan du capital : car pour se donner les moyens de saisir la reprise, et notamment de sortir d'un épisode de crise sanitaire qui aura amputé jusqu'à 70% de son chiffre d'affaires -à l'image des données évoquées par l'ensemble de l'industrie aéronautique-, la société a choisi de réouvrir les discussions avec l'un de ses actionnaires historiques, Tikehau Ace Capital, en vue de mener une nouvelle recapitalisation (montant : NC).

Avec comme première conséquence, une montée en position majoritaire du fonds Tikehau Ace, une structure privée gérant des fonds investis par des acteurs industriels comme Safran, Airbus ou Thales. Celui-ci prend désormais le contrôle du groupe, signant ainsi la sortie du fonds Garibaldi Participations (Banque Populaire) et le passage en minorité de la famille Colcombet, qui détenait jusqu'ici le capital de l'entreprise. Pour autant, celle-ci en conservera la direction avec le maintien de Franck Colcombet à son poste de direction.

"Les changements de gouvernance vont être par définition limités, le comité stratégique déjà présent sera maintenu, même si sa composition va nécessairement évoluer avec la sortie de Garibaldi Participations, tandis que les équipes vont se renforcer pour maximiser les chances de pouvoir saisir le rebond", explique Franck Colcombet.

La cession de son activité liée aux composites

L'autre pilier de cette stratégie sera celui du recentrage de l'entreprise, avant de pouvoir à nouveau déployer ses ailes et songer à nouveau à une croissance externe ciblée : car son président vient d'annoncer en même temps la cession des activités de thermocompression composite au numéro 2 mondial des infrastructures aéronautiques, Airbus Atlantic, avec lequel il travaillait en réalité depuis plusieurs années sur un projet de recherche et développement en sous-main pour le développement d'un procédé particulier de moulage par compression exclusif.

"Nous avions repris cette petite startup, Carbone Forgé, il y a 10 ans au sein du groupe, et différents projets d'innovation ont ensuite été menés avec le repreneur, Airbus Atlantic, dont on peut aujourd'hui évoquer le nom. C'est pourquoi, au moment où nous avons souhaité céder cette entreprise, nous voulions le faire à un acteur conforme à son ADN, afin de lui offrir l'écrin le plus favorable", ajoute Franck Colcombet.

Ce sont ainsi une petite dizaine de personnes provenant de Tecalemit Aerospace qui devraient rejoindre la grande maison Airbus à travers cette opération. Avec déjà, la volonté affichée par l'équipementier de plancher sur deux principaux axes de développement, à savoir la réutilisation de matières issues de chutes de matériaux composites, ainsi que la fabrication de pièces complexes à forte valeur ajoutée.

La flambée des coûts et le recrutement, deux axes majeurs

De son côté, Tecalemit Aerospace se prépare pour sa part à la remontée en charge, avec deux défis majeurs qui se dressent devant lui : à commencer par la hausse du coût des matières premières et de l'énergie, qu'il partage avec les différents acteurs de son industrie.

"Les coûts de l'énergie ne sont pas particuliers à notre domaine, mais il est certain que la crise ukrainienne a accéléré les problématiques en matière d'approvisionnement, y compris de matières premières. Aujourd'hui, nous traitons cette question avec le soutien de nos clients", assure Franck Colcombet.

Bien qu'il ne lui soit pas possible, contrairement à d'autres industries, de substituer certaines matières premières en tension pour soulager ses approvisionnements compte-tenu des certifications étroites encadrant le secteur de l'aéronautique, Tecalemit Aerospace a lancé des réflexions pour "trouver des réserves de matières et varier ses sources d'approvisionnements", tout en réfléchissant à "redéfinir les priorités" avec ses clients", souligne son président, qui rappelle qu'à l'heure actuelle, ce sont surtout l'inox et le titane qui demeurent clés pour le secteur de la tuyauterie aéronautique.

La main d'oeuvre sera également l'autre enjeu de la reprise d'activité, puisque Tecalemit annonce qu'il va devoir à nouveau recruter des profils spécialisés et déjà rares sur le marché  (soudeurs, équipes de contrôle non destructif, etc) afin d'accompagner la montée en puissance de son carnet de commandes (dont la durée n'est pas précisée à ce stade). Avec l'objectif affiché de "reconstituer ses niveaux d'effectifs avant-crise, qui s'élevaient entre 400 et 500 salariés".

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