Textile : avec sa technologie sans couture, le ligérien Henitex habille Le Slip Français

Le fabricant ligérien de tissus maille Henitex se pose comme le symbole d'une filière, à qui l'épisode des masques, a redonné son goût d'innover et d'exister en France. Il vient d'investir dans des métiers à tricoter seamless (sans couture), une technologie qui n'était pas présente en France. Un investissement qui a déjà séduit certaines marques comme le Slip Français ou Franc Jeu et qui permet de participer ainsi à la réduction du nombre de vêtements fabriqués à l'étranger.
Guillaume Gibault (à droite), le fondateur du Slip Français, s'appuie désormais sur Christian Schmitt et Henitex pour lancer une gamme de sous-vêtements sans couture, plus économique et plus écologique.
Guillaume Gibault (à droite), le fondateur du Slip Français, s'appuie désormais sur Christian Schmitt et Henitex pour lancer une gamme de sous-vêtements sans couture, plus économique et plus écologique. (Crédits : DR)

Tout confort, plus solides, plus économiques, plus écologiques, tout en étant bien entendu Made in France. Voici la promesse du Slip Français avec son nouveau boxer, sa brassière et sa nouvelle culotte lancés la semaine dernière en préréservation.

En quelques heures, plus de 500 exemplaires ont été vendus. La marque, porte-drapeau du made in France textile, avait à l'origine tablé sur 1.500 exemplaires pour les six premiers mois de commercialisation.

"Je crois que nous allons devoir revoir nos plans fortement à la hausse. Il va falloir mettre le turbo sur la production", sourit Guillaume Gibault, fondateur en 2012 de l'entreprise affichant désormais un chiffre d'affaires annuel de 23 millions d'euros avec 120 emplois directs (dont 60 au sein des boutiques de la marque) et 300 emplois induits dans la trentaine d'ateliers partenaires.

Plus économique et plus écologique

Ces nouveaux sous-vêtements sont produits avec la technologie "Seamless" (sans couture), réalisée à partir d'une technique bien particulière de tricotage circulaire.

"Elle permet d'obtenir 30% de déchets en moins et d'abaisser de 30% la consommation d'énergie et d'eau. De plus, le process est très automatisé, un slip est produit en moins de trois minutes avec le seamless, avec seulement deux petites opérations de couture. Même si la fabrication est automatisée, elle permet de produire en France, de créer de l'emploi localement, avec des progrès significatifs pour la planète ", poursuit le patron du Slip Français.

Avec cette nouvelle gamme, il vise un autre objectif : rendre ses produits accessibles au plus grand nombre en abaissant les prix grâce à un gain de productivité.

"Nous sommes conscients que tout le monde ne peut pas se payer un slip à 40 euros, même s'il veut acheter du Made in France. Avec le seamless, nous pouvons réduire nos prix, le nouveau boxer est à 35 euros. C'est un pas significatif pour nous. En étant plus compétitifs, nous espérons participer à la réduction du nombre de vêtements achetés en France et fabriqués à l'étranger (97% selon les chiffres de la filière NDLR). ".

Pour franchir ce pas technologique, Le Slip francais s'appuie sur la PME ligérienne Henitex (4,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021 avec 40 salariés), spécialiste du tricotage circulaire. "Début 2021, nous avons lancé un appel à la filière pour savoir qui faisait du seamless. Personne visiblement... Mais Christian Schmitt, le patron d'Henitex, nous a répondu deux jours plus tard qu'il était prêt à se lancer. L'histoire a commencé ainsi, il y a un peu plus d'un an". Le seamless existe en réalité depuis 20 ans, issu d'une innovation du fabricant de machines italien Santoni. L'essentiel des métiers sont installés en Chine, et une partie plus modeste en Turquie, en Italie et au Portugal mais... aucun en France.

Le symbole d'une résilience

"Lorsque j'ai reçu cette demande du Slip Français, je me suis décidé très vite c'est vrai", se souvient Christian Schmitt.

"J'ai saisi cette opportunité, j'ai choisi de prendre le risque de cette nouvelle voie plutôt que d'aller dans le mur que nous promettait notre activité historique".

L'homme, qui avait repris l'entreprise en 1996, vivait depuis 2008 une érosion appuyée de ses marchés. Entre 2008 et 2019, son chiffre d'affaires s'était effondré, passant de 15 à 5 millions d'euros de chiffre d'affaires. "Notre marché historique du tissu maille pour la mode était en nette régression, car pour les marques cherchant seulement un prix, nous ne sommes pas compétitifs face aux pays à bas coût".

Lorsque la pandémie a fait irruption en 2020, Henitex - comme de nombreux autres industriels de la région (Les Tissages de Charlieu, Chamatex etc)-, s'est emparé du sujet.

La PME a développé un masque adulte, puis un masque enfants. Résultat : 4,5 millions de masques produits (dont 1,5 million pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes) et un chiffre d'affaires de... 17,6 millions d'euros. Trois fois plus qu'avant le Covid.

Un business qui, s'il s'est stoppé net dès que les masques chinois ont pu arriver de nouveau par millions jusqu'à la France, lui a donné les moyens d'investir dans huit machines Seamless afin de répondre à la demande du Slip Français. Puis de Chamatex ou encore d'Ixon et de Franc Jeu, la marque lancée l'année dernière par l'ex-tennisman professionnel Paul-Henri Mathieu et le drômois Thomas Huriez (1083).

Le symbole d'une filière textile, brusquement revalorisée, qui renaît

L'investissement, 1,3 million (dont 220.000 euros d'aides de la Région et 80.000 euros de l'Etat), peut sembler modeste au regard des enveloppes conséquentes dépensées ces derniers mois par des industriels d'autres branches d'activité, soutenus par France Relance.

Et pourtant, pour les dizaines de professionnels de la filière textile qui avaient fait le déplacement, pour certains depuis l'autre bout de la France, à l'occasion de l'inauguration des nouveaux équipements d'Henitex, ce vendredi 11 mars, il semble résonner comme un symbole. Celui d'une filière textile, brusquement revalorisée et remobilisée par l'épisode de la fabrication en urgence de dizaines de millions de masques. Celui d'une filière qui a décidé de se retrousser les manches pour ne pas laisser retomber le soufflé.

"L'épisode des masques a redonné confiance aux industriels du textile, nous voyons des chefs d'entreprise qui relèvent la tête, qui sont fiers et ont envie de continuer à avancer", observe avec satisfaction Guillaume Gibault.

Même son de cloche du côté d'Yves DUbief, le président de l'UIT (Union des Industries Textiles) : " Henitex est vraiment un exemple de la résilience de notre filière. Nous devons poursuivre ce cheminement de réindustrialisation de notre pays ".

Une capacité de production de 500.000 pièces par an

Cheminement que Laurent Wauquiez, - président de la Région et visiblement fervent soutien de la démarche d'Henitex -, estime indispensable. "Le Covid et le conflit en Ukraine sonnent comme deux leçons importantes. Notre économie peut être mise à terre car nous avons atteint des niveaux de dépendance surréaliste, ce n'est plus possible. La réindustrialisation est indispensable".

Henitex compte bien poursuivre sur ce chemin. Elle dispose aujourd'hui de 8 machines seamless, opérationnelles depuis la semaine dernière avec une capacité de production de 500.000 pièces par an, et vise les 12 et pourquoi pas les 30 machines au fil de la progression de ses clients. Elle a déjà recruté 7 personnes, un effectif supplémentaire de 20 personnes est envisagé à terme.

Malgré ces nouvelles perspectives plutôt bonnes donc, plane une inquiétude forte pour toute la filière : le prix exponentiel de l'énergie auquel sont très exposés les industriels de cette filière. "L'énergie peut représenter 15% du chiffre d'affaires de certaines entreprises du textile. Avec des prix multipliés par 5 ou 10, elles ne pourront pas faire face, c'est certain. Nous devons absolument être intégrés au plan de résilience actuellement en discussion et bénéficier d'un bouclier tarifaire", somme Yves Dubief. Réponse à sa demande, dans les prochains jours.

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