Verkor : "énergie à faible coût", "raccordement aux réseaux"... Ce qui a fait pencher la balance vers Dunkerque

ENTRETIEN. Après plusieurs mois de recherche et près d'une quarantaine de sites étudiés, la pépite iséroise Verkor, qui vient de faire son entrée au FT120, a confirmé le choix du site de Dunkerque pour installer sa gigafactory de batteries, en partenariat avec le constructeur Renault. Retour sur les facteurs de ce choix avec son cofondateur Benoît Lemaignan qui explique qu'au-delà de l'attractivité promise par plusieurs territoires, des critères purement « techniques » comme les raccordements aux réseaux, ou encore le coût de l’énergie sur place, ont primé pour une industrie électro-intensive qui vise une compétitivité à l’échelle mondiale.
Après une première sélection ayant mené à une short-list de 6 à 7 noms, les trois villes de Sandouville (Normandie), Dunkerque (hauts-de-France) et Châteauroux (Centre Val de Loire) faisaient partie du trio final de Verkor, qui avait également étudié deux sites (plaine de l'Ain et région de Tricastin) en Auvergne Rhône-Alpes.
Après une première sélection ayant mené à une short-list de 6 à 7 noms, les trois villes de Sandouville (Normandie), Dunkerque (hauts-de-France) et Châteauroux (Centre Val de Loire) faisaient partie du trio final de Verkor, qui avait également étudié deux sites (plaine de l'Ain et région de Tricastin) en Auvergne Rhône-Alpes. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Votre choix concernant l'implantation de votre future gigafactory était très attendu au cours des derniers mois. Pourriez-vous revenir en quelques mots sur le processus de sélection, quels ont été vos critères principaux ?

BENOIT LEMAIGNAN - Nous avions déployé depuis deux ans un processus de sélection comparatif, sur des critères essentiellement techniques, comme la qualité des sols, ou encore les capacités de raccordement aux différents réseaux, avant 2024. Car nous avons besoin de réseaux assez lourds, qui peuvent facilement prendre 5 à 6 années à être déployés sur certains sites...

Pour un industriel électro-intensif comme nous, il existait donc un réel enjeu technique, au-delà de la volonté même de s'installer quelque part.

Nous souhaitions aussi pouvoir disposer, sur place, d'un écosystème industriel afin d'avoir accès à de compétences de niveau cadres et opérateurs.

C'est pourquoi, sur les 40 premiers sites étudiés, ces critères nous ont conduit à en retenir 6 ou 7 dans une première short-list, puis finalement trois avec Sandouville (Normandie), Dunkerque (hauts-de-France) et Châteauroux (Centre Val de Loire).

On constate dans votre choix, ainsi que dans celui de deux autres gigafactories menées par d'autres constructeurs, que le Nord de la France remporte l'essentiel des suffrages. Est-ce que l'écosystème local a pesé ?

On peut dire que c'est la cerise sur le gâteau, mais ce n'est pas l'essentiel. Car l'important pour nous était également de faciliter notre travail avec notre partenaire stratégique Renault, qui dispose lui-même de plusieurs usines dans le nord de la France. Le site de Dunkerque facilitait donc les choses d'un point de vue logistique, et il se situait, de plus, à proximité d'un port important.

En tant que site « Choose France », le site de Dunkerque avait surtout fait l'objet de travaux préparatoires, dont le raccordement électrique, qui permettent un approvisionnement énergétique suffisant pour la première tranche de 16 GWh, à horizon 2025.

Dunkerque nous permettait, en outre, de disposer d'un coût de l'énergie très faible grâce à une très grande quantité de vapeur produite par un écosystème de partenaires autour, ce qui a pour effet de faire baisser aussi le coût de revient de nos batteries de manière significative.

Le projet de Verkor est cependant né en Auvergne Rhône-Alpes, comme son nom l'indique : aviez-vous tout de même conservé quelques sites sur place dans votre short-list ?

Nous avions étudié dans le détail deux sites en Auvergne Rhône-Alpes, dont l'un se situait dans la plaine industrielle de l'Ain, mais avec un sujet de taille pour une gigafactory comme la nôtre qui n'était pas simple à régler, ainsi qu'un site sur la commune de Tricastin (Drôme), qui était très intéressant, mais avec de fortes contraintes techniques en matière de raccordement, et notamment de calendrier pour le faire.

Or, le critère de vitesse concernant la mise à disposition du site est un déterminant pour nous, afin de pouvoir tenir nos propres délais annoncés en matière de production.

La bataille a cependant été rude entre les différents territoires qui souhaitaient tous accueillir un projet comme le vôtre : Auvergne Rhône-Alpes mais aussi l'Occitanie avaient par exemple montré leur intérêt. Des conditions préférentielles ont-elles également pesé dans le choix de ce site ?

Un projet comme le nôtre peut tout d'abord recevoir des aides indépendantes du territoire même où il s'installe, comme des aides de la part du gouvernement français ainsi que des fonds européens. Mais il existe également des sites où les collectivités s'engagent.

Nous avons forcément pris en compte les facilitations offertes par les collectivités, que ce soit en matière de subventions, d'équipement du terrain, ou encore d'accompagnement ou de portage à une partie de l'investissement. Certaines régions ont été plus agressives que d'autres, mais en bout de ligne, le plus important pour nous a été la dimension technique du projet.

Et à ce stade, il reste encore des éléments à caler, car après la phase de choix du site, s'ouvre maintenant une phase de travail avec les collectivités, l'État, et l'Europe, afin de mettre en place les conditions de performance économique nécessaires à notre projet. Nous entrons dans une phase où nous allons travailler et décomposer chaque élément du coût : les investissements annoncés de l'ordre de 1,5 milliards d'euros viendront au cours des 12 prochains mois.

Benoit Lemaignan Verkor

Comme nous le disions plus haut, le Nord de la France accueillera au moins trois projets de gigafactories au cours des prochaines années dont le vôtre. Ne peut-on pas craindre une forme de concurrence accrue sur ce marché ?

La plus grande concurrence qui existe actuellement se situe plutôt du côté des entreprises asiatiques, à l'égard de la production réalisée en Europe... Aujourd'hui, lorsque l'on interroge l'ensemble des acteurs de la filière, tous sont d'accords pour dire qu'il manque une production à l'échelle européenne.

Démarrons donc déjà les usines, et il sera ensuite largement le temps de devenir concurrents, même s'il existe tellement de batteries à produire pour répondre aux enjeux de décarbonation de la mobilité, que l'essentiel demeure déjà de proposer des solutions pour adresser ce marché.

Vous avez également annoncé que votre siège demeurerait cependant à Grenoble, de même que votre centre d'innovation (le « Verkor Innovation Center », VIC). Pour quelle raison et comment envisagez-vous les relations d'un bout à l'autre de la France entre vos deux sites ?

Le Verkor Innovation Center représente un très gros investissement en matière de recherche et développement (montant pour l'heure non communiqué, ndlr), qui hébergera à la fois une ligne de R&D ainsi qu'une ligne pilote.

Nous aurons l'occasion d'être plus précis très prochainement, mais il était important pour nous de faire de Grenoble, et plus largement de la région Auvergne Rhône-Alpes, l'une des principales zones de développement technologiques pour le monde de la batterie.

C'est là que nous formerons les équipes, que nous assurons le développement technologique avec nos partenaires, etc... Nous visons à terme les 250 emplois durables sur ce site, où demeurera le siège de l'entreprise. Car Grenoble est une terre d'accueil pour les compétences techniques, qui nous permet déjà d'accueillir une centaine de collaborateurs provenant de 20 nationalités différentes.

Pour terminer, quel est le calendrier et les cibles de production visées tant sur Grenoble, qui accueillera votre ligne pilote, que sur Dunkerque, où se trouvera ensuite la production en volume ?

Notre calendrier se décomposera en plusieurs phases, avec, dès cette année, un démarrage du VIC, comprenant l'arrivée des équipements et des équipes, ainsi que de premiers travaux en lien avec notre partenaire Renault.

Notre objectif est de produire à Grenoble de premières batteries dès la fin 2022, avec une montée en puissance pour atteindre des niveaux de pleine activité en 2023, sur une ligne qui représentera déjà une puissance de 150 MégaWatt (MWh).

En parallèle, le site de Dunkerque se trouvera en phase d'étude et de bouclage des financements en 2022, avec un déclenchement formel du projet en fin d'année et une construction du bâtiment qui démarra en 2023, pour une arrivée des équipements et un premier démarrage courant 2024.

Côté emplois, nous engagerons la montée en puissance dès 2022 avec une dizaine de personnes sur le site de Dunkerque, suivies de quelques centaines en 2023, pour atteindre ensuite les 1.200 collaborateurs sur place en 2025.

L'objectif étant de pouvoir produire 3.000 à 6.000 batteries par année sur notre site de Grenoble à travers notre ligne pilote, et de l'ordre de 300.000 batteries par année à travers notre gigafactory à Dunkerque.

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