Comment la coentreprise Suez-Renault Indra anticipe le sujet du recyclage des véhicules électriques

Chez elle, la question du recyclage automobile ne date pas d’hier. A Villefontaine (Nord-Isère), Indra Automobile Recycling opère depuis 1985 des activités de sourcing, revente et démantèlement des véhicules en fin de vie, vient désormais d’ouvrir un nouveau centre de formation. Objectif : accompagner la professionnalisation de la filière, y compris désormais sur la question des véhicules électriques, en plein essor. Cette co-entreprise Suez/Renault compte aussi accélérer sur le marché du réemploi des pièces d’occasion, dont la démocratisation se poursuit.
Avec Aureca, Indra propose le premier centre de formation au recyclage automobile en France, qui intègrera notamment des modules sur la gestion des véhicules électriques, appelés à devenir un enjeu majeur du démantèlement automobile au cours des 10 prochaines années.
Avec Aureca, Indra propose le premier centre de formation au recyclage automobile en France, qui intègrera notamment des modules sur la gestion des véhicules électriques, appelés à devenir un enjeu majeur du démantèlement automobile au cours des 10 prochaines années. (Crédits : DR)

Depuis sa création en 1985 à Villefontaine (Nord-Isère), d'abord sous la forme d'une entreprise familiale, Indra Automobile Recycling (194 salariés ;  56 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020) faisait office de précurseur, en France comme à l'international.

Reprise en 2008 sous la forme d'une co-entreprise bâtie entre Renault et Suez après un dépôt de bilan de son précédent propriétaire, elle traite désormais plus de 600.000 véhicules par an pour des opérations de dépollution et valorisation, sur ses deux sites de démantèlement. Soit près de 40% du marché, estimé à 1,8 million de véhicules en fin de vie en France, chaque année.

Elle a également monté un réseau de concessionnaires-démolisseurs de 350 membres afin de fédérer la filière, et met son expertise sur l'ensemble de cette chaîne au service des pays étrangers, à travers une activité de consulting pour les gouvernements, qui souhaitent établir un diagnostic et à bâtir une filière de recyclage des véhicules hors d'usage.

C'est par exemple le cas au Maroc, un pays avec lequel Indra a débuté un travail de diagnostic en 2017 qui, après avoir été stoppé par la pandémie, est en passe d'évaluer vers la constitution d'un schéma directeur sur cinq ans.

« Chaque pays a un environnement complètement différent. Dans le domaine du démantèlement, la technique ne représente que 20% du problème : tout le reste dépend de comment on organise la filière, comment transformer notamment le business invisible en visible, car on ne lutte pas directement contre la filière sauvage », explique Loïc Bey-Rozet, Ceo d'Indra.

L'un des premiers défis sur ces marchés demeure le sourcing des véhicules en fin de vie : « Au Maroc, la durée de vie moyenne des véhicules est de 16 ans, mais elle va en réalité jusqu'à des véhicules qui ont jusqu'à 40 ou 50 ans d'âge : or, plus ces véhicules vieillissent et sont revendus par des particuliers, plus on perd en traçabilité ».

Prochaine cible : accélérer sur le marché de la pièce de réemploi

Enjeu montant pour la filière, les pièces d'occasion, qui font partie des principales sources de valorisation des rebuts automobiles. « Les constructeurs eux-mêmes s'y intéressent de plus en plus, car ils ont compris que les pièces d'occasion ne concurrent pas directement les pièces neuves, car elles n'adressent pas le même marché. Mieux : elles leur permettent même de vendre en parallèle des pièces neuves en complément », atteste Loïc Bey-Rozet.

recyclage automobile Indra

Estimant que la demande des consommateurs est "tellement forte et diversifiée qu'elle ne pourra jamais être à 100% satisfaite", celui-ci affirme que les recycleurs et démanteleurs devront monter en puissance sur le marché de la pièce de réemploi. Et pas uniquement pour des raisons écologiques, mais également économiques :

« En France, le marché de la pièce neuve pèse 15 milliards d'euros et la pièce d'occasion faisait environ 300 millions d'euros il y a cinq ans, contre 500 millions d'euros aujourd'hui. C'est un domaine qui grimpe, même s'il ne représente encore qu'un faible pourcentage », affiche Loïc Bey-Rozet. Aux Etats-Unis, où le marché de l'occasion est plus mature, il pèse déjà 35% du marché, soit près de 20 milliards de dollars.

L'enjeu résiderait en premier lieu dans le nombre de pièces que l'on peut retirer d'une voiture amenée à être démantelée : « aujourd'hui, on retire en moyenne 14 pièces d'un véhicule en France, un chiffre qui va bien au-delà pour les voitures que l'on rachète auprès des assurances. Mais lorsqu'on regarde la Suède par exemple, où les voitures accidentées n'ont pas le droit d'être revendues sur le marché de l'export et doivent donc demeurer sur place, on arrive à près de 100 pièces récupérées par véhicule ».

Et de murmurer : « La France se dirige vers cet objectif, car la pièce d'occasion n'en est encore qu'au début de son histoire », estime le Ceo d'Indra.

Le traitement des véhicules électriques en fin de vie à anticiper

Pour cela, Indra aura besoin, tout comme le reste des acteurs de la filière, de travailler sur plusieurs fronts : à commencer par investir encore dans la digitalisation des plateformes, pour assurer à la fois la traçabilité et la qualification des pièces, au moyen de leur référence constructeur. « L'enjeu est bien de pouvoir commercialiser ces pièces d'occasion à l'échelle nationale afin de s'assurer d'un marché suffisant, tout en limitant les retours au service après-vente », explique Loïc Bey-Rozet.

La formation demeure également un axe de travail, en vue de démonter davantage de pièces sans les casser, mais aussi de les stocker, nettoyer, ou de gérer les stocks au plus près.

Indra matières premières recyclage

« Il faut également changer les habitudes des démolisseurs, qui préfèrent parfois revendre les voitures sur le marché de l'export, plutôt que de les démanteler, pour des raisons de trésorerie et de rotation plus rapide de cash. Mais ce constat peut aujourd'hui être nuancé car lorsqu'on rachète un véhicule à 1.500 ou 2.000 euros, le démantèlement devient plus rentable que la vente en l'état », estime-t-il.

Avec à l'avenir, un autre défi pointe le bout de son nez : celui du démantèlement des véhicules électriques accidentés, auquel Indra se prépare déjà :

« L'un des gros sujets sera celui de la batterie : tous les assureurs et constructeurs s'y intéressent, car après une phase où la batterie était louée, elle est aujourd'hui vendue avec une grande partie des véhicules. Ce qui veut dire que d'ici 10 ans, il sera nécessaire d'avoir des batteries d'occasion, qui pourraient partir des modules encore en bon état, qui seraient ensuite remontés dans un nouveau produit. Or, aujourd'hui, cela n'existe pas encore », affirme le Ceo d'Indra.

De même que pour l'instant, les pièces de réemploi destinées aux véhicules électriques demeurent globalement peu nombreuses, compte-tenu de la faible proportion que ces mêmes véhicules occupent encore sur le marché (95% des véhicules en fin de vie demeurent à motorisation thermique). « Mais cela va être amené à changer au cours des 10 prochaines années », certifie Loïc Bey-Rozet.

La création d'un nouvel organe de formation, pour combler un "vide"

Un domaine qui demandera également des expertises complémentaires, auxquelles Indra commence déjà à se former, mais aussi à former les autres, notamment à travers la création de son tout nouvel organisme de formation Aureca.

Installé sur son site de Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), cet organisme vise à accompagner la professionnalisation de la filière, tant sur les aspects techniques que réglementaires : « Il existait jusqu'ici une forme de vide sur la question du recyclage automobile. Nous dispensions nous-mêmes déjà des formations depuis une dizaine d'années, mais l'idée était de regrouper des modules en thématiques et axes d'avenir comme la digitalisation, le démantèlement, ou encore la gestion des véhicules en fin de vie. »

Certifié Qualiopi, Aureca se positionne comme le premier centre de formation au recyclage automobile en France, faisant appel à des ressources internes à Indra, spécialisées dans leurs domaine (véhicules électriques, gestion des risques incendie, etc), mais également externes issues, notamment issues de ses sous-traitants.

Après 150.000 euros d'investissement pour le mettre sur pied, « l'objectif est de former près de 400 à 500 personnes par année dans un premier temps, pour atteindre ensuite les 1.000 personnes d'ici l'an prochain », confirme Loïc Bey-Rozet. Avec la volonté de former à la fois des employés des sociétés de démantèlement automobile, mais aussi des services de l'Etat à certains procédés clés comme la Dreal, les pompiers ou encore la police.

Exemple avec un module destiné à former les servcies de l'ordre à mieux connaître les propriétés des véhicules électriques en cas d'accident, car ces derniers peuvent produire des arcs électriques qui nécessitent de réaliser une mise en sécurité. « L'idée n'est pas de dire que ces véhicules sont plus dangereux en cas d'accident que les véhicules thermiques, mais d'expliquer que le danger est ailleurs », affiche le Ceo d'Indra.

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