Rescapée du naufrage Arjowiggins, sa spin-off Arjobex veut conquérir le marché des étiquettes innovantes

En Isère, c’est cette fois une PME française qui a choisi de racheter son concurrent allemand il y a quelques semaines. Une marque de confiance en pleine crise sanitaire pour la spin-off de l’ex-papetier Arjowiggins, qui a évité le naufrage et se développe désormais avec une forte croissance du marché du papier synthétique. Avec l’objectif d’asseoir un leadership européen.
(Crédits : DR/arjobex)

Rescapée du naufrage d'Arjowiggins il y a tout juste deux ans, la PME iséroise Arjobex (35 millions de CA ; 155 salariés : 3 sites) n'a pas à se plaindre de sa propre histoire. Son dg, Arnaud Roussel, le résume ainsi : « Nous avions toujours été autonomes, que ce soit du point de vue de la recherche et développement, de la production, des ventes, ou encore de notre positionnement ».

Car sa technologie, issue d'un procédé venant tout droit de son site encore basé Royaume-Uni, consistait à étirer du polyéthylène de manière innovante, afin d'en faire un fil qui ressemble à du papier, mais beaucoup plus résistant. Conçue en 1968, elle a su traverser les années et se déployer sous la marque Polyart. « Cela peut sembler original pour groupe papetier à l'origine, mais nous nous sommes toujours positionnés par opposition au papier, car notre procédé nous permet de produire un film imprimable et plus résistant aux déchirures, mais également aux altération de l'humidité, etc ».

Même si Arjobex ne travaille généralement pas en lien direct avec les grandes marques, mais comme un sous-traitant de rang 2 ou 3, ses technologies se retrouvent en bout de ligne dans différentes filières  comme les étiquettes des fromages, de vins ou de champagnes, des jus de fruits, mais aussi des bidons d'huiles à moteur, des cartes sous-marines, étiquettes fiscales ou encore des bidons de peinture.

L'acquisition d'un concurrent allemand

Lors des difficultés qu'a connu le groupe papetier, aboutissant à sa liquidation en 2019, il a donc semblé "tout naturel" à Arjobex de sortir du groupe pour continuer son histoire seul.

Toujours basé à Rives (Isère), près de Grenoble (avec également un autre site en France et un site historique au Royaume-Uni), il a repris son autonomie depuis juillet 2019 en faisant entrer le fonds d'investissement français Prudentia à son capital. Cette opération avait également suscité l'intérêt de l'allemand MDV, dont les actionnaires souhaitaient eux aussi passer la main.

C'est finalement en décembre dernier, en pleine crise sanitaire, qu'Arjobex a pu racheter son concurrent outre-rhin, avec le concours du fonds Indigo, entré au capital (montant de l'opération : NC). De quoi développer désormais un acteur européen de 300 salariés et près de 65 millions d'euros de chiffre d'affaires en alliant les forces.

« L'ADN des deux sociétés était assez proche, et va nous permettre de réaliser des synergies industrielles intéressantes au niveau des machines, mais également des forces commerciales. L'idée est de mettre en commun le travail de nos deux laboratoires pour développer de nouvelles solutions, technologie d'impression, couleurs, procédés, etc », précise Arnaud Roussel.

Car selon lui, MDV dispose d'une maîtrise d'une technique de couchage sur son site allemand, qui permettrait à Arjobex de proposer des produits plus adaptés à la demande du marché, couplant l'aspect film à l'aspect couchage.

Pour autant, le français n'a pas l'intention de lancer une grande restructuration ni une intégration totale de l'allemand (28 millions d'euros ; 110 salariés ; 3 sites de production) qu'il vient d'acquérir. Et d'ajouter : « la dimension européenne consistant à combiner le savoir-faire français et européens est très intéressante ».

En l'occurrence face à des concurrents asiatiques (japonais et chinois notamment) qui produisent en grands volumes, toutes deux partagent la même philosophie : à savoir tendre plutôt vers une production à plus haute valeur ajoutée.

Vers des étiquettes plus « intelligentes »

Sur un marché de l'étiquette en croissance, estimé à + 8,3 % par an d'ici 2025 (selon Prudentia Capital), Arjobex penche notamment de plus en plus vers le marché des étiquettes intelligentes.

« Nous avons même développé un témoin d'effraction d'étiquettes, qui permet de déterminer si une bouteille de jus de fruit ou d'huile a par exemple été entamée, puis reremplie », affirme Arnaud Roussel.

Car de plus en plus, la demande du marché se tourne vers des solutions innovantes. « Il s'agit d'insérer par exemple des éléments de traçabilité ou de sécurité pour apporter une information supplémentaire. Nous travaillons notamment sur des étiquettes munies de puces RFID ou NFC afin de lutter contre la contrefaçon, mais aussi de permettre aux annonceurs de rentrer en contact avec leurs clients ».

Des pistes dont les déploiements avaient été toutefois retardés par le retrait de la technologie de lecture NFC au sein des environnements des smartphones Apple.

« Nous travaillons également avec la volonté d'intégrer cette interactivité dans un contexte d'économie circulaire, avec l'ambition de proposer des étiquettes avec plus de 30 % de matière recyclées. »

Le dg plaide en effet en parallèle en faveur de normes plus contraignantes, en vue d'inciter l'ensemble des acteurs de la chaîne aval à proposer des produits de meilleure qualité. « Plus on tendra vers du mono-composant, plus on facilitera le tri et le recyclage de ces produits ». Selon lui, la transition écologique de la filière ne pourra être réalisée qu'en mêlant une meilleure utilisation des plastiques recyclés avec une réduction des émissions plastiques.

Les bioplastiques, une fausse bonne idée ?

Face à une forme de plastique « bashing » qu'il sent monter, Arnaud Roussel oppose plutôt une utilisation raisonnée et réduite du recours à des sources plastiques, qui pourraient tendre davantage vers le monomatériaux et ainsi faciliter les circuits de tri.

« Le plastique n'est pas mort, mais il faut bannir le plastique à usage unique, en raisonnant son usage et en l'intégrant dans une optique d'économie circulaire, estime Arnaud Roussel. Mais il va certainement conserver sa place dans certains cas d'usages, en raison de sa souplesse, de son faible poids, et de sa résistance face à d'autres matériaux ».

Selon lui, les substituts au plastique, qu'il s'agisse de réactifs favorisant leur biodégradabilité, ou de composés organiques, ne sont encore actuellement pas une solution satisfaisante.

« Insérer des composants qui réduisent les plastiques en plus fines particules les rendent au contraire plus difficiles à trier, tandis que la question de produire du plastique à partir de la pomme de terre ou d'autres légumes n'est pas une solution, puisque cela consiste à prendre de la terre agricole qui aurait pu permettre de nourrir des gens ».

Avec une conviction : « Il existe d'abord un cycle de recyclage et une fin de vie à améliorer ».

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