Renault Trucks : à Lyon, les syndicats dénoncent les conditions de la réorganisation

Un plan de départs qui suscite finalement beaucoup plus de candidats que prévu... Près de Lyon, le site du constructeur Renault Trucks, filiale du groupe Volvo, est en pleine réorganisation. La récupération in extrémis de 40 emplois n’a pas convaincu les syndicats, qui s’inquiètent à la fois du nombre de départs volontaires atteints, qu’ils estiment signe de malaise, ainsi que d’une stratégie de réduction des coûts, qu’ils estiment excessives compte-tenu des résultats annuels dévoilés par le groupe en pleine crise sanitaire.
Depuis le 16 juin dernier, le groupe AB Volvo a annoncé un grand plan de restructuration à l'échelle du groupe avec le départ de 4.100 salariés à travers le monde, dont 290 sur le site Renault Trucks de Lyon.
Depuis le 16 juin dernier, le groupe AB Volvo a annoncé un grand plan de restructuration à l'échelle du groupe avec le départ de 4.100 salariés à travers le monde, dont 290 sur le site Renault Trucks de Lyon. (Crédits : DR)

Ils sont mobilisés, mais sur différents fronts. Les syndicats du site lyonnais de Renault Trucks sont loin d'être convaincus par le plan de leur direction, actuellement en cours de négociation. Car depuis le 16 juin dernier, un grand plan de restructuration avait été annoncé, d'abord à l'échelle du groupe avec le départ de 4.100 salariés à travers le monde (dont près de 1.250 en Suède) assorti d'une baisse des investissements en recherche et développement, de l'ordre de 35%. En France, celle-ci devait se traduire par la suppression de 463 emplois, essentiellement parmi ses cols blancs, employés par sa filiale, Renault Trucks, à travers un plan de rupture conventionnelle collective (RCC).

Et sur le site de Lyon, à cheval sur les communes de Vénissieux et Saint-Priest (Rhône), près de 298 emplois seraient menacés sur 4.500. En parallèle, un nouveau centre de R&D doit cependant sortir de terre à Saint-Priest d'ici 2021. Et la récupération in extrémis de 40 emplois n'a pas convaincu les syndicats : la semaine dernière, la CFE CGC, syndicat majoritaire sur ce site, avait dégainé la première en s'inquiétant du nombre de dossiers déposés pour la RRC. Car la direction avait reçu, en l'espace d'une quinzaine de jours, près de 333 candidatures, alors que « seuls » 290 départs étaient envisagés.

« Nous nous attendions à ce qu'il y ait un certain nombre de candidatures en raison des mesures d'âge ou de départs à la retraite notamment, mais nous avons été très surpris par le nombre de dossiers déposés », confirme Pascal Blum, délégué syndical CFE CGC à Renault Trucks Lyon.

Inquiétudes autour du climat social

L'ensemble des 333 dossiers déposés doivent encore être étudiés plus en profondeur et ne pourront pas être tous acceptés, mais leur nombre dénote, selon Pascal Blum, d'un climat dégradé au sein de l'entreprise. « Qu'autant de gens souhaitent quitter l'entreprise n'est jamais une bonne chose. On n'a pas encore une analyse complète de la situation, mais le groupe a subi plusieurs transformations massives depuis 2014 qui n'ont eu de cesse de réduire les effectifs », juge-t-il.

Selon le syndicat, les postes visés seraient essentiellement des profils cadres, « qui travaillent sur des secteurs qui vont pourtant être stratégiques pour la transformation et l'attractivité du groupe », qui craignent désormais une déperdition des expertises.

« Parmi ces dossiers, il y a des talents qui ont 20 à 30 ans d'expérience, sur des métiers que l'on ne retrouvera pas ».

Un chiffre qui n'étonne toutefois pas son homologue de la CGT, Fabrice Fort. Selon ce dernier, le plan actuel traduirait un plus profond désengagement du groupe Renault Trucks sur les métiers d'études et de recherche, au profit d'un transfert auprès de sa maison mère, AB Volvo, basée en Suède.

« Les bureaux d'études de Lyon veut demeurer, mais le cœur de la conception et des études avancées ne sera plus là, comme en démontrent les postes visés par la RCC. Progressivement, nous allons passer d'un rôle de concepteur à celui d'assemblier ».

Des projets d'avenir transférés

Un changement de stratégie que les représentants des salariés voient synonyme d'appauvrissement pour le groupe : « Auparavant, nous étions encore responsables des gammes intermédiaires et basses mais étant donné que tout va être transféré en Suède, nos propres ressources n'auront plus à aller faire leur marché sur des étagères ». Selon lui, le groupe travaillait par exemple sur un projet dans le segment porteur de l'hydrogène, consistant à développer des véhicules avec une pile à combustible.

« Ce projet s'est arrêté subitement pour être finalement lui aussi confié à une joint-venture avec le groupe Daimler. Le responsable de ce projet a posé sa démission rapidement derrière, sans même attendre la RCC. Or, laisser des gens partir alors que notre carnet de commandes est plein, pour rembaucher des intérimaires ensuite n'a aucun sens », ajoute Fabrice Fort.

La pilule ne passe pas pour les syndicats, d'autant que le groupe, qui prévoit un plan de départ de 4.100 salariés à l'échelle mondiale, aurait récemment enregistré des résultats annuels jugés moins noirs que prévu en cette période de crise sanitaire.

Un appel à l'Etat pour le remboursement des aides

La CGT vient de faire partir un courrier au gouvernement ainsi qu'aux collectivités locales, afin d'alerter les pouvoirs publics et de demander au groupe Volvo le remboursement des aides perçues, au titre du chômage partiel des derniers mois notamment.

« Cela fait des années que le groupe bénéficie d'aides publiques, à commencer par le CIR, le CICE et désormais le chômage partiel, pour licencier. Et ce, alors qu'il vient d'annoncer qu'il disposait de 6,2 milliards d'euros de cash sur l'exercice 2020 et d'une marge opérationnelle de 8,4%, une période sur laquelle on a fait payer le contribuable pour des mesures de chômage partiel », affirme Fabrice Fort. La CGT a fait le calcul : elle estime que le groupe aurait touché 90 millions entre 2012 et 2018 rien qu'au titre du CIR.

La semaine dernière, le groupe Volvo Cars a annoncé un fort rebond au second semestre 2020, avec 151 milliards d'euros de ventes, assorties d'une hausse de 44% du bénéfice net. Mais son exercice annuel 2020 demeure toutefois plus mitigé, en baisse de -4% sur un an, à 262 milliards de couronnes et un bénéfice net en recul de -19%.

La CGT appelle néanmoins à ce que sa direction rembourse le montant des aides touchées lors du chômage partiel, « afin que ces aides soient redirigées vers ceux qui en ont réellement besoin ».

De son côté, la CFE-CGC déplore que « un recours unilatéral à la RCC, sans qu'un accord de transfert des compétences GPEC n'ait été prévu afin de limiter les pertes de compétences ».

Une commission de suivi devait avoir lieu ce vendredi afin de réaliser un premier point d'étape concernant ces candidatures au départ. Contactée, la direction n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant, compte-tenu de l'état de la procédure de RCC, où une analyse des dossiers demeure encore en cours.

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Commentaire 1
à écrit le 22/02/2021 à 12:10
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Merci pour cet article très intéressant. La prochaine fois, merci de vérifier l'orthographe du nom des personnes que vous interviewez ! Pascale Blum est une femme, avec un E à la fin du prénom !

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