"Nous sommes inquiets et énervés, lance Étienne Piot, le président de Mont-Blanc Industries. Nous sommes fin novembre, et nous ne savons pas du tout comment les choses vont se passer en janvier!"
Territoire atypique
Au 1er janvier 2017, le pôle de compétitivité devra en effet se passer des 2,5 millions d'euros versés chaque année par le département de la Haute-Savoie. L'enjeu est de taille puisque le budget total du pôle de compétitivité s'élève à 3,5 millions d'euros. De son côté, la région verse 90 000 euros par an, précise M.Piot.
Auprès de ses 320 entreprises membres, qui représentent plus de 27 000 emplois et un revenu cumulé de 5,4 milliards d'euros, Mont-Blanc Industries anime deux filières technologiques d'excellence, l'usinage de précision et la mécatronique, ainsi que huit programmes liés à la performance globale des entreprises. Une spécificité et une qualité d'action qui lui a valu la reconnaissance, en 2012 par l'Etat, de "pôle très performant."
Or, en Haute-Savoie, "la situation est atypique, souligne Étienne Piot, lui-même président d'Aventics, spécialisé dans les entraînements pneumatiques pour l'automation industrielle. Nous ne disposons pas de métropole capable de nous soutenir, comme c'est le cas pour de nombreux autres pôles de compétitivité en France."
La région dans le viseur...
Faute de métropole, seule la région Auvergne-Rhône-Alpes aura la possibilité de remplacer le financement versé jusqu'à présent par le département, selon la loi NOTRe.
"Clairement notre salut passe par la région, affirme Étienne Piot. Soit elle dit qu'elle prend le relais et elle débloque des sommes équivalentes, soit elle passe un accord avec le département pour lui déléguer sa capacité de financement en vue de permettre une année de transition."
À un mois de la nouvelle année, l'attente de la décision de la région est mal reçue par Mont-Blanc Industries.
"Cela crée une incertitude, pointe M.Piot. Nous ne savons pas ce qui va se passer... Et si on nous dit qu'on ne finance pas, que fait-on? Nous posons ces questions depuis le début de l'année. Nous avons invité le nouveau président de la région, Laurent Wauquiez, en mars pour les dix ans du pôle. Il nous a dit que la Haute-Savoie est un modèle. Merci Monsieur le président, nous sommes très touchés... Mais voyez-vous, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour."
La patience "s'émousse"
En mars dernier, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes avait salué le travail de Mont Blanc Industries, lors de sa visite du Salon de la machine-outil et du décolletage (SIMODEC) à La Roche-sur-Foron.
"Ce que vous avez fait ici est un modèle, avait-il lancé aux industriels haut-savoyards. Votre territoire est un des très rares endroits en France où l'écosystème est comparable à un Land (allemand, ndlr) en terme de performance industrielle", avait lancé Laurent Wauquiez
Lire aussi : Les ambitions industrielles de Laurent Wauquiez
Depuis, Mont-Blanc Industries n'a reçu aucune garantie, poursuit M.Piot. "En juin, on nous a dit d'être patients jusqu'en septembre. En septembre, on nous a encore demandé d'attendre... La patience s'émousse."
L'exécutif régional n'a pas répondu aux demandes d'interview d'Acteurs de l'économie - La Tribune.
... Et la loi NOTRe visée aussi
Ce manque de visibilité inquiète les entreprises industrielles. "C'est prendre le risque de casser la dynamique de l'écosystème que nous avons mis dix ans à construire", prévient Jérôme Akmouche, directeur du Syndicat national du décolletage (SNDEC), dont la majorité des membres sont implantés en Haute-Savoie.
M.Akmouche fait part de son incompréhension. "Comment peut-on décréter une loi sans en mesurer au préalable les conséquences ? Et en l'appliquant partout de la même manière sans tenir compte de la particularité des territoires ?" interroge-t-il, en soulignant que jamais une entreprise ne prendrait de décision sans avoir une idée de son impact futur sur ses activités.
Des programmes sous l'épée de Damoclès
Faute de financement public à court terme, ce sont les programmes les plus légers de Mont-Blanc Industries qui sont les plus menacés. C'est le cas du groupement d'employeurs, qui permet de mutualiser des emplois, mais aussi le GIE Val'Essor 74 qui groupe les achats des entreprises pour obtenir des prix plus favorables.
"Ces structures ne passeront pas le premier trimestre" prévient Étienne Piot, qui cite également l'Observatoire stratégique de la sous-traitance. "Un outil comparable à celui dont disposent de grands groupes internationaux", affirme-t-il. Et dans un deuxième temps, même les programmes plus lourds pourraient souffrir si l'incertitude se prolongeait en 2017, s'inquiète M.Piot.
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