Dominique Foucard (Michelin) : "L'industrie du futur doit donner plus d'autonomie aux ouvriers"

Pour Dominique Foucard, directeur de la Performance industrielle de Michelin, l'intégration des outils de l'industrie du futur doit se faire de manière raisonnée et efficiente. Cela passe par une définition stricte des besoins, mais aussi par une intégration et un consentement des salariés. Le leader mondial des pneumatiques développe ainsi une nouvelle méthode de management visant à donner plus d'autonomie à ses ouvriers.

Acteurs de l'économie-La Tribune : Quel est le regard du groupe Michelin par rapport à l'industrie du futur ?

Dominique Foucard : Pour nous, l'industrie du futur n'est pas une rupture, mais une continuité. Nous avons toujours été en recherche de nouvelles technologies. La période actuelle est marquée par une accélération dans ce domaine.

Nous essayons de voir pour chaque technologie, séparément, en quoi elle peut nous aider dans l'efficience industrielle. Pour cela, nous devons avoir une idée claire de nos enjeux à venir : la productivité, mais pas uniquement.

Ainsi, notre réflexion autour du 4.0 est axée sur l'amélioration de la flexibilité de nos usines, grâce à la technologie, pour in fine, améliorer notre service au marché.

Par quels outils ?

Cela passe d'abord par une réflexion globale du fonctionnement de l'usine. En fonction de celle-ci, nous devons sélectionner les outils qui peuvent servir cette vision.

Par exemple, l'imprimante 3D. Nous l'utilisons, mais cela ne veut pas dire que nous avons déjà en tête de faire des pneus grâce à cette technologie.

Nous réalisons de l'impression 3D d'une façon particulière : pour nos pièces de moule de cuisson des pneus. Une fois cette technologie développée sur ce segment précis, nous étudions les possibilités de développement commercial. Cela a engendré une joint-venture avec le groupe Fives. L'impression 3D est pour l'instant, à court terme, utilisé dans ce cadre strict.

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L'usine du futur, à travers l'émergence des nouvelles technologies dans les systèmes de production, engendre-t-elle une nouvelle réflexion autour du management ?

Il faut réfléchir quelle est l'utilisation concrète de la cobotique. Il faut penser d'une façon globale : d'une part , il faut définir la stratégie de formation des salariés qui travailleront avec les robots. D'autre part, il ne faut pas oublier le sens de l'intégration du robot dans l'ensemble du système de production. Il s'agit surtout de donner envie au salarié de travailler avec ce nouvel outil.

Pour être efficace avec ces technologies, il faut d'abord avoir des gens qui souhaitent s'en servir. Pour être caricatural, le taylorisme a fait des salariés, des robots, enlevant leur capacité de réflexion dans le cadre de leur tâche.

Ce comportement-là n'a pas encore complètement disparu chez tous nos 50 000 ouvriers (*). Certains d'entre eux ont encore un comportement taylorien, et c'est à nous de changer cela.

Cette mutation passe par la volonté de donner envie aux salariés de travailler avec ces outils. Nous souhaitons donner davantage d'autonomie à nos ouvriers. Qu'ils se comportent davantage en "business man" et non plus comme des robots.

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Par quelle méthode de management ?

Cela passe par l'engagement des personnes. Nous continuons notre processus de "lean management", initié depuis plus de 10 ans. La partie responsabilisation a ainsi toujours été importante. Mais nous voulons aller plus en profondeur grâce à un processus plus ambitieux que Michelin est en train de développer : le Management autonome par les équipes de la performance et du progrès (MAPP).

Quel est sont principe ?

Aujourd'hui, dans 80 % de nos usines, les ouvriers, qui se succèdent  24h sur 24, 7 jours sur sept, travaillent les trois quarts du temps* sans présence de leur hiérarchie, qui elle travaille en journée, cinq jour sur sept. Cela donne de l'autonomie.

30 % des ouvriers ont des rôles de coordination dans leurs équipes, au-delà de leur rôle "normal" de producteur. Nous voulons aller vers 100 % des salariés ayant un rôle de coordination, c'est-à-dire que chacun se sent engagé dans la réussite, au-delà de la simple tâche effectuée.

Dans ce dessein, le MAPP a été lancé depuis 2014 dans six usines du monde. Ces sites tentent de mettre en place une étape de plus où l'on donne aux équipes davantage d'indépendance.

Avez-vous des indicateurs pour calculer les gains d'efficience et le bien-être au travail des salariés produits par cette nouvelle méthode ?

Les salariés sont incroyablement ouverts à cette démarche, partout dans le monde. Par exemple, en Pologne, ce sont des ouvriers qui ont expliqué ce processus aux membres du conseil de surveillance. L'adhésion est gigantesque.

En termes de résultat concret, c'est encore ponctuel. Cependant, on constate une accélération des progrès. Cette démarche n'est pas outil de plus pour gagner en efficience. C'est une méthode qui aide à une plus grande efficacité dans l'utilisation des outils et des technologies.

Quels sont les objectifs précis ?

C'est un doublement de la vitesse de progrès. En prenant à leur compte ces nouveaux outils, en les intégrant, les salariés auront une plus grande liberté pour s'adapter aux problèmes qu'ils rencontrent.

Quelle est la place du big data dans l'analyse de l'efficience et de la productivité industrielle chez Michelin ?

Au niveau industriel, Michelin n'est pas très avancé sur la place du big data, ni dans notre réflexion, ni dans notre système d'information. Nous savons que c'est un sujet à traiter, car on a bien conscience des potentialités, comme celle de croiser les données de différents secteurs de production.

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