Depuis avril, l'eau du lac d'Annecy sert à chauffer 570 logements de la ville, mais aussi à climatiser un hôtel et bientôt une piscine municipale dans le quartier des Trésums. Une première pour la cité de Haute-Savoie. Conçu par le groupe Idex, un constructeur et exploitant d'infrastructures énergétiques locales, le système repose sur une boucle d'eau. « Pour 100 MWh (mégawattheures) de chaleur produite, le système utilisera 35 MWh d'électricité et 65 MWh d'énergie renouvelable directement issue du lac », explique le groupe dans son communiqué.

Cette boucle d'eau en compte en réalité trois : la station de pompage qui prend l'eau du lac d'Annecy, d'où partent deux autres boucles, l'une de chaud et l'autre de froid. « Nous ne mélangeons pas l'eau du lac avec les autres eaux des bâtiments », explique Olivier Eck, chef de projet pour cette opération chez Idex. La qualité de l'eau rejetée n'est donc pas altérée, selon l'entreprise basée en Ile-de-France.

L'eau est puisée à 20 mètres de profondeur, là où sa température varie le moins. Elle est prélevée à 7°C, convertie en énergie à 65°C par des pompes à chaleur et ensuite rejetée dans le lac un peu plus froide : entre 4 et 5°C de moins, car des calories ont été prises dans le processus. La température de l'eau rejetée remonte ensuite à la température de la profondeur, d'autant que les volumes prélevés sont assez faibles en proportion avec le débit du lac : au maximum de sa capacité, la boucle d'eau globale puise 240 litres d'eau par seconde. En comparaison, le déversoir du lac d'Annecy a un débit de 8m3 par seconde (environ 8.000 litres), en moyenne. Autrement, une goutte d'eau dans l'océan des besoins.

Réduire le CO2

Le système de climatisation utilise quant à lui directement la température de l'eau du lac. En d'autres termes : « pour une unité d'énergie électrique générée par la pompe à chaleur, on génère trois unités d'énergie. Deux unités d'énergie sont donc "gratuite", provenant du lac. Pour le froid, avec une unité d'électricité produite, on fournit quinze unités d'énergie », détaille Olivier Eck.

A terme, le système devrait  « permettre d'éviter l'émission de 2.600 tonnes de CO2 par an », assure, dans un communiqué, le groupe Idex.

Le financement du projet réunit le Crédit Agricole Immobilier, à l'origine d'un programme capable d'intégrer un mode de chauffage vertueux, et Idex qui s'est vu confié sa mise en oeuvre. Ce dernier a financé le projet, dont le coût total s'élève à 10 millions d'euros (dont 1,7 million d'euros de subventions de l'Ademe). Une enveloppe qui a quasiment doublé depuis les premières estimations, principalement à cause de la hausse du prix des matériaux, de la crise énergétique et du retard pris sur le chantier de la piscine municipale.

Les utilisateurs en bout de chaîne seront quant à eux abonnés à Ali énergie, la filiale créée par Idex pour ce projet. Avec un prix qui « suivra la conjoncture », mais avec des factures divisées par trois, au vu du faible besoin en production électrique.

Un projet extensible, voire duplicable

Totalement conçue sous terre, la boucle d'eau couvre 95% des besoins en chauffage et 100% des besoins en climatisation des bâtiments desservis. Elle est actuellement équipée de trois pompes à chaleur, mais « nous avons laissé la place pour une quatrième », fait savoir Dorothée Oliver, directrice régionale d'Idex.

Et si ce projet voit le jour en Haute-Savoie, ce n'est un hasard. Le département profite de sa proximité et de l'influence de la Suisse, déjà plus engagée dans la géothermie et qui utilise déjà une boucle de froid grâce au lac Léman. Le projet de boucle de chaleur générée par l'énergie du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) était d'ailleurs lui aussi très lié à la Suisse. « On espère que ça va ouvrir la porte à d'autres projet », ambitionne Dorothée Oliver.