Bornes électriques : la France encore à la moitié de son objectif de 100.000 points de recharge (dont 5.163 en Auvergne Rhône-Alpes)

On savait déjà que l’objectif fixé par le président de la République des 100.000 bornes publiques d’ici la fin 2021 serait difficile à atteindre : mais qu’en est-il désormais en ce début 2022 à l’échelle de l’Hexagone, et plus particulièrement en région Auvergne Rhône-Alpes, qui avait déjà prouvé son appétence au cours des derniers mois pour l’achat de véhicules électriques ? L’UFE, qui propose une carte permettant de suivre le déploiement des IRVE au sein de chaque territoire, relève notamment que le tissu régional pâtit encore, paradoxalement, de son dynamisme à l’achat.
(Crédits : DR/ML)

Pour la première fois, la part de marché de véhicules électriques neufs commercialisés en France aura franchi la barre des 10 % des véhicules particuliers neufs (contre à peine 3% en 2019). Un chiffre qui témoigne du fait qu'en l'espace d'une année seulement, la France aura déployé quatre fois plus de points de recharges qu'en 2020.

Pour autant, malgré une année où se seront vendus près de 313.000 véhicules électriques neufs, on reste encore loin de la cible lorsqu'il s'agit du déploiement des bornes électriques accessibles sur l'espace public, qui suivent encore difficilement le rythme.

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Ce sont en effet 50.708 points de recharge ouverts au public qui auront été déployés au 1er janvier 2022 sur l'objectif annoncé des 100.000 (selon les données du Gireve, la plateforme d'interopérabilité européenne des acteurs de la mobilité électrique et de l'UFE), un chiffre qui correspondant cependant déjà à une hausse de près de 60 % en un an.

Au niveau régional, on dénombrait ainsi, au 31 décembre dernier, près de 100.000 véhicules électriques à batteries ou hybrides rechargeables au sein du parc régional (dont 41.500 nouveaux véhicules immatriculés en 2021) et en parallèle, un nombre de bornes supérieures à un peu plus de 5.163 bornes ouvertes accessibles au public (dont 1.680 nouvellement installées courant 2021).

« Il s'agit cependant d'une évolution brute, car il existe en réalité plus de nouvelles bornes effectivement installées, mais aussi, plusieurs qui sont sorties de ce calcul car elles étaient trop anciennes ou endommagées », nuance Mathias Laffont, directeur de la branche économie, mobilité et bâtiment chez Union Française de l'Electricité (UFE).

Cette association professionnelle du secteur de l'électricité, qui représente les entreprises de l'ensemble de la chaine de valeur du secteur électrique français (producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d'électricité, etc), constate par ailleurs une poursuite de cette accélération fin 2021, avec une augmentation pour les véhicules de +15% et de +8,9% pour les bornes sur le 4e trimestre 2021 par rapport au trois mois précédents.

Un indicateur à l'échelle régionale qui se dégrade

Du côté de la scène régionale, on assiste cependant à un double phénomène puisqu'Auvergne Rhône-Alpes se positionne à la fois au-dessus de la moyenne nationale en ce qui concerne l'achat des véhicules électriques, mais aussi à la traîne sur le terrain des bornes.

« Le dynamisme en matière d'achat des véhicules est plus important que celui de l'équipements en bornes de recharge, ce qui fait que notre indicateur à l'échelle régionale se dégrade, avec un retard par rapport à d'autres régions que l'on n'arrive pas vraiment à combler », observe Mathias Laffont.

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« Si l'on met de côté la région Ile-de-France, la région Auvergne Rhône-Alpes devient aussi moins dynamique qu'une région Occitanie par exemple, qui a au contraire affiché une politique volontariste, accompagnée par des structures comme ses parcs régionaux et départementaux, qui ont assuré un déploiement de bornes sur des points touristiques », note-t-il.

En effet, Auvergne Rhône-Alpes sera passée de 3.483 points de recharge publics à 5.163, là où l'Ile-de-France demeure bonne première (passant de 5.524 à 9.940), suivie de la région Occitanie (3.895 points de charge à 6.435).

Car en Auvergne Rhône-Alpes contrairement à d'autres territoires, les collectivités avancent encore en ordre dispersé, et sans réelle stratégie à l'échelle régionale.

« On a par exemple la Métropole de Lyon qui a lancé un programme de plus de 600 bornes mais il est vrai que l'on n'a pas forcément la même dynamique, pilotée au niveau régional que l'on peut voir ailleurs sur d'autres territoires », ajoute le directeur de la branche économie, mobilité et bâtiment à l'UFE.

En effet, le Grand Lyon qui est en charge depuis 2015 du déploiement des bornes de charge pour véhicules électriques, a par exemple annoncé l'accélération de son programme à l'été dernier, avec une première étape à 115 stations comprenant 750 points de charge installés depuis septembre 2021, en partenariat avec la filiale d'EDF Izivia, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), et Lyon Parc Auto (LPA).

Les freins qui demeurent côté utilisateurs

Le dynamisme serait plutôt à rechercher, pour l'heure, du côté des acteurs privés, à commencer par le réseau autoroutier « qui a poursuivi son maillage en 2021, avec, en Auvergne Rhône-Alpes, des axes principaux qui sont aujourd'hui bien desservis en comparaison d'autres régions comme l'Occitanie », constate Mathias Laffont.

Selon la cartographie « Watt the carte » établie par l'UFE qui recense le taux d'aires de service équipées de points de recharge, on voit par exemple par l'axe A7 qui remonte la vallée du Rhône jusqu'à Lyon voit ses aires de services équipées entre 61 et 80 % de bornes IRVE, de même que l'A43 qui relie Lyon à Modane (Savoie). Les scores sont toutefois un peu moins bons lorsqu'on remonte vers l'est de la métropole lyonnaise sur l'A72 et l'A89, ainsi que vers le nord (A6), dont les taux d'équipement des aires de services restent compris entre 41 et 60%.

A ce sujet, l'UFE rappelle que « les autoroutes font appel à des tiers de services pour assurer, comme pour la distribution de carburants et des aires de service, des sous-concessions ». A la différence près qu'après avoir été historiquement assurées par des pétroliers, des sous-lots concernant ces points de recharge peuvent être attribués à de nouveaux acteurs comme le consortium regroupant plusieurs constructeurs, Ionity ou FastNed, un acteur spécialisé dans la charge rapide.

En dehors des grands axes, les déploiements restent encore en partie assurés, en parallèle aux initiatives de certaines collectivités, par plusieurs types d'acteurs privés, qu'ils soient pétroliers, acteurs de la grande distribution, ou encore gestionnaires de parkings... « On reste sur un modèle où il y a encore beaucoup d'acteurs dans la recharge, notamment en voirie. Car même si le secteur est encore en train de se structurer, le nombre d'opérateurs reste très important », reconnaît Mathias Laffont.

Avec, parmi les freins du côté utilisateurs également, plusieurs améliorations à entreprendre, à l'échelle locale comme nationale, « concernant notamment la disponibilité des bornes, les facilités de paiement, etc » mais aussi une impression de complexité, face à une tarification encore éparse.

« L'interopérabilité existe dans les faits, mais nécessite encore de disposer de plusieurs cartes d'abonnement ». Et l'UFE d'ajouter : « au niveau européen, une directive qui vient justement encadrer les sujets d'infrastructures de carburants alternatifs, est en cours de révision et a vocation à harmoniser cela ».

Objectif : une borne pour 10 véhicules ?

L'UFE souligne qu'une forte complémentarité doit également demeurer entre, d'une part, la recharge dont un propriétaire peut disposer à domicile, et de l'autre, celle du réseau de bornes de recharge publiques, qui continuent de jouer un rôle clé pour les automobilistes qui n'ont pas accès à un parking. « Car l'un des points noirs dans la question du déploiement des bornes est celui de l'installation en copropriété, qui demeure plus complexe que dans le cadre d'une maison individuelle », ajoute l'union de la filière.

Le principal enjeu afin d'accompagner le développement des mobilités électriques à l'échelle du territoire ne sera donc pas tant le nombre « brut » de bornes disponibles, que sur la coexistance d'un réseau de bornes diversifié, correspondant aux différents usages.

« L'objectif des 100.000 tonnes avait été calé avec un critère d'une borne pour 10 véhicules électriques, qui a ensuite été introduit dans une directive en 2014, en cours de révision aujourd'hui. Il est vrai que l'on peut se demander s'il s'agit toujours de la bonne métrique ».

Aujourd'hui, Mathias Laffont confirme que ce sont finalement plutôt des critères comme la notion de puissance installée, qui permette d'apprécier la diversité des bornes mais aussi la densité de véhicules dans la région ainsi que la dynamique du nombre de bornes brutes, qui doivent être prises en compte. « La bonne solution sera un peu à la croisée des chemins », expose Mathias Laffont.

Avec au final, une question qui doit subsister selon l'UFE : parvient-on à répondre à la demande existante, et donc, à faire croître le réseau aussi rapidement que le parc de véhicules lui-même ?

La récente étude OpinionWay pour Engie sur les attentes des Français vis-à-vis du véhicule électrique est équivoque à ce sujet : plus de 2/3 tiers des sondés estiment ainsi que l'autonomie et l'infrastructure du réseau de charge constituent le principal frein au développement des véhicules électriques.

Et sur le dernier trimestre 2021, seule la région Nouvelle-Aquitaine aura par exemple par exemple réussi à avoir un meilleur dynamisme en termes de bornes qu'en nombre de véhicules électriques.

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