Auvergne-Rhône-Alpes sort le chéquier pour le pôle Nuclear Valley

En recevant un soutien financier par l’Auvergne-Rhône-Alpes, le pôle de compétitivité Nuclear Valley valide sa stratégie d'expansion en lien avec l’évolution de la filière. Cette contribution, véritable marqueur politique, pourrait bien annoncer du côté de l’exécutif régional, un grand plan de soutien au nucléaire. Redoutant une aspiration vers Lyon de cet établissement fort de 210 membres, et donc une possible perte d'attractivité sur son territoire, la région Bourgogne-Franche-Comté - berceau historique de l’ex PNB -, appelle, quant à elle, à la vigilance.
La centrale de Saint-Alban-du-Rhône à 50 km en aval de Lyon, en Isère, le long du Rhône.

Cette fois, le mariage entre la région Auvergne-Rhône-Alpes et le pôle Nuclear Valley (ex pôle nucléaire Bourgogne) est bien acté. La preuve de l'union est à trouver dans les délibérations de la dernière commission permanente du conseil régional. Lors de celle-ci, en date du 18 mai, la collectivité a décidé d'attribuer à l'établissement, pour l'année 2017, une subvention de 150 000 euros, soit 19 % de son budget de fonctionnement estimé à 830 000 euros. Une autre partie du budget de cette structure, qui fédère 210 acteurs de la filière nucléaire (dont 1/3 en Auvergne-Rhône-Alpes) est apportée par l'Etat (136 000 euros) et la région Bourgogne-Franche-Comté (134 000 euros), où est historiquement implanté le pôle depuis sa création en 2005. Le taux de financement privé est de 50 %.

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Un rapprochement stratégique

Une "dot" qui acte une volonté des deux parties de se rapprocher : pour la Région, il s'agit de soutenir une filière économique porteuse d'emplois, et à fort potentiel au vu des chantiers du "Grand Carénage" et des transformations auxquelles est confrontée cette industrie (sécurité, cyber-sécurité, IOT). Pour Nuclear Valley, cette enveloppe valide une stratégie d'expansion initiée en 2015, conséquence de l'étalement géographique de la chaîne de valeur de la filière le long de la vallée du Rhône. Alors qu'il était jusqu'alors concentré sur les métiers de fabrication et d'usinage de gros composants de pièces forgées et moulées (historiquement réalisés en Bourgogne), il souhaite désormais rayonner de l'ingénierie à la déconstruction, en passant par la conception et l'exploitation des sites nucléaires.

Et à ce titre, la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec ses quatre centrales et ses nombreux centres d'expertises devient le "pivot du nucléaire français", comme l'expliquait récemment un expert dans nos colonnes. Un nouveau positionnement notamment caractérisé par le changement du nom du Pôle nucléaire Bourgogne (PNB) en Nuclear Valley, mi-mars, comme nous le révélions.

Cette union est le fruit de plusieurs mois de séduction et d'intérêts croisés. Le pôle a démontré à plusieurs reprises sa volonté de s'installer sur ce territoire. Dès 2015, il ouvrait un bureau à Montélimar. Puis une antenne fin 2016 au sein de la délégation régionale d'EDF, à Lyon. Le changement de majorité politique - alors que l'ancienne était liée avec les écologistes hostiles par nature au nucléaire - a également redistribué les cartes.

Vers un nouveau rapport de force au conseil d'administration

"Cette subvention va nous permettre de développer davantage notre activité en Auvergne-Rhône-Alpes", assure un membre du conseil d'administration de la structure"Le centre de gravité opérationnel va se déplacer vers Lyon", éclaire un autre membre de l'équipe. C'est notamment le volet ingénierie qui devrait être développé à partir de la capitale régionale. Signe de la forte implantation à venir sur ce site, des recrutements sont à l'oeuvre. Un directeur technique serait notamment espéré. D'autres initiatives devraient être créées sur le territoire, à l'instar d'une convention d'affaires (qui pourrait se tenir le 4 octobre à la CCI de Lyon), de rendez-vous de l'innovation autour des sujets traverses (robotique, cybersécurité, numérique, etc.) ainsi que des actions collectives d'accompagnements des PME.

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L'entrée de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans cette structure d'élite, labellisée par l'Etat, devrait engendrer des modifications organisationnelles. "Chaque financeur rentre au conseil d'administration. Ce nouvel acteur, et le montant de sa contribution, ne sont pas anodins. Des nouveaux équilibres vont donc être opérés", assure un fin connaisseur du dossier. Un vice-président issu de la région Auvergne-Rhône-Alpes pourrait être désigné au conseil d'administration. La composition des différents "collèges" (PME, Recherche, Formation, etc) devrait également être alignée avec le poids de ce nouvel administrateur. Si l'assemblée générale qui s'est déroulée mi-mai a sans doute acté ces nouveaux équilibres, rien ne devrait filtrer avant le 7 juillet, nous explique-t-on.

Inquiétude en Bourgogne

Mais cette union peut apparaître en réalité comme un mariage de raison à plusieurs, avec, en tête, la région Bourgogne-Franche-Comté. Une union qui peut générer quelques interrogations. Selon nos informations, les discussions avec ce soutien historique, qui accueille le siège du Pôle à Chalon-sur-Saône, n'ont pas été toujours simples. "Mais la région a compris que l'avenir stratégique de la structure passait par cette orientation vers l'Auvergne-Rhône-Alpes", poursuit un connaisseur du dossier cité plus haut. Contacté par Acteurs de l'économie - La Tribune, Jean-Claude Lagrange, vice-président en charge du développement économique de Bourgogne-Franche-Comté explique :

"Si cet élargissement permet de faire rayonner Nuclear Valley au niveau national et international, et que cela renforce l'ensemble des sous-traitants, c'est un excellent point pour lequel nous avons un avis favorable. Nous ne sommes pas dans une opposition, mais dans une attitude de vigilance. Le Pôle doit rester également présent auprès de ses entreprises historiques. Le centre de décision ne doit pas être déplacé", assure l'élu PS, qui est également vice-président de la Communauté urbaine du Creusot-Montceau, autre soutien institutionnel du pôle.

Un enthousiasme tout mesuré, également partagé par d'autres acteurs. "Le point négatif éventuel, potentiellement à redouter, c'est de voir l'administration du pôle basculer vers la région lyonnaise, qui est économiquement plus développée, plus puissante. Cette crainte n'est pas justifiée pour le moment, mais nous restons vigilants", détaille Martine Gragnier, responsable entreprise et territoire au sein de la mission développement économique de l'agglomération Grand Chalon, qui subventionne à hauteur de 22 000 euros la structure.

"Cet élargissement résulte avant tout d'une grande complémentarité entre ces deux grandes régions du nucléaire. De toute façon, le pôle veut rayonner encore plus largement, jusqu'en Paca. Nous sommes multicéphale", veut rassurer un membre opérationnel de Nuclear Valley.

De là à lever le spectre d'une aspiration totale vers Lyon, voire d'un transfert du siège social ? Les doutes ne sont pas tous dissipés. Les soutiens institutionnels historiques en Bourgogne mettent en avant une possible perte d'attractivité du territoire en cas de départ de ce pôle d'excellence. "Il est l'une des structures majeures qui fédèrent les entreprises du territoire", rappelle Martine Gragnier. "C'est une filière stratégique pour nos emplois", reprend M. Lagrange, avant d'ajouter :

"Nous pouvons travailler avec nos voisins sans se disputer le leadership", espère-t-il.

Prélude d'une grande stratégie régionale dans le domaine du nucléaire ?

Du côté de la région Auvergne-Rhône-Alpes - qui n'a pas souhaité commenter davantage l'information -, cette "prise" pourrait renforcer ses ambitions dans la filière nucléaire. Une première fondation qui pourrait ensuite être musclée par des volets formation, et autres soutiens à ce secteur. Mais rien, là, aussi, ne devrait être annoncé avant la fin des élections législatives, devoir de réserve oblige. Il sera ensuite temps de célébrer cette union et de passer à la suite des opérations.

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