Face à l'essoufflement des hypermarchés, Casino réoriente 20 magasins vers l'alimentaire

INFO LA TRIBUNE. Face à l'essoufflement du modèle des hypermarchés, en lien notamment avec la baisse des ventes dans le secteur non-alimentaire, le distributeur stéphanois a décidé de faire évoluer son parc de magasins. Il confie à La Tribune que pas moins de 20 hypermarchés Géant (sur 81) vont ainsi passer, dans les prochaines semaines et à l'échelle nationale, sous enseigne Supermarché Casino. Avec, au menu, une réallocation des surfaces en faveur de l'alimentaire.
Comme le Géant de Montélimar, 20 hypermarchés vont passer cette année sous enseigne Supermarché Casino. Avec comme driver de cette nouvelle stratégie,  l'essor du e-commerce qui est venu progressivement grignoter des parts de marché du secteur non-alimentaire, favorisant ainsi un recentrage du groupe.
Comme le Géant de Montélimar, 20 hypermarchés vont passer cette année sous enseigne Supermarché Casino. Avec comme driver de cette nouvelle stratégie, l'essor du e-commerce qui est venu progressivement grignoter des parts de marché du secteur non-alimentaire, favorisant ainsi un recentrage du groupe. (Crédits : Casino)

D'ici la fin de l'année, 20 hypermarchés Géant vont être transformés en supermarchés Casino. Dans les prochains jours, seront déjà concernés les magasins de Boissy Saint-Léger, Saint Pair sur Mer, Montélimar, Toulouse Basso Cambo, Briançon, Massena et Narbonne. Un changement d'enseigne qui traduit  la volonté du distributeur stéphanois de s'adapter aux nouvelles habitudes de consommation des clients.

"Il y a 15 ans, l'hypermarché était le temple de la consommation, avec tout sous le même toit. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas", note Tina Schuler, directrice générale de Casino Supermarchés, Géant et Proximité.

Le non alimentaire en souffrance dans les hypermarchés

La dirigeante pointe, comme explication, notamment l'essor du e-commerce qui est venu progressivement grignoter des parts de marché sur le non-alimentaire.

Les consommateurs ont désormais de nouvelles habitudes d'achat et ne souhaitent plus forcément faire tous leurs achats, alimentaires et non alimentaires, sur un même lieu.

Jean-Denis Deweine, cité par nos confrères de LSA en octobre dernier, alors que celui-ci était encore directeur général d'Auchan Retail France, en convenait lui aussi :  "le tout sous le même toit, c'est fini".

Selon les chiffres de l'institut IRI, le non-alimentaire a d'ailleurs perdu en France un milliard d'euros de chiffre d'affaires en GSA (Grandes Surfaces Alimentaires) entre 2016 et 2021.

A LIRE AUSSI | Lâchées par le gouvernement, les grandes surfaces veulent sauver leur peau face au e-commerce

Sandrine Heitz-Spahn, maitresse de conférences à l'Université de Lorraine et spécialiste du marketing et des comportements de consommation, observe : "Cela fait déjà une dizaine d'années que le modèle de l'hypermarché s'essouffle, en particulier pour le non-alimentaire. Le modèle du tout sous le même toit, sur lequel avaient été pionniers Carrefour et Auchan, est beaucoup moins porteur. Le temps consacré aux achats est de plus en plus réduit, car considéré comme une corvée. Résultat : ces établissements importants où foisonnent le nombre de références ne sont plus aussi prisés".

Difficile pour ces formats de se battre sur tous les fronts : la profondeur de l'offre et le prix.

Une réduction de surface déjà observée depuis 10 ans

Casino l'avait déjà anticipé en réduisant progressivement, depuis 10 ans, la surface de ses hypermarchés. Ceux-ci sont passés de 10.000m² à 8.000m² en moyenne aujourd'hui. Il y a une décennie, les hypermarchés Casino réalisaient ainsi environ 30% de leur chiffre d'affaires avec le non-alimentaire. Avant la pandémie, la quote-part n'était déjà plus que de 15-20%.

"Le Covid-19 a exacerbé davantage cette tendance. Certains de nos hypermarchés ont vu se réduire drastiquement leurs ventes de non-alimentaire et sont désormais à moins de 10%", confie la patronne de Casino France.

Ce sont ceux-là justement que Casino a décidé de cibler dans sa transformation. Ceux qui cumulaient une faible quote-part dans le non-alimentaire, une taille correspondant plus à un gros supermarché qu'à un hyper selon les standards Casino (5.000 m² en moyenne pour les 20 magasins concernés contre 8.000 m² en moyenne pour le parc Casino des hypermarchés).

"Certains aussi avaient été construits initialement en périphérie et se trouvent désormais, au gré des évolutions urbaines, au cœur d'un quartier avec une fonction relevant plus du supermarché de proximité que de l'hyper", poursuit Tina Schuler. Après cette transition, le distributeur comptera encore dans son portefeuille 61 hypermarchés Géant.

Réorganisation de l'offre

Concrètement, au-delà du changement d'enseigne, l'organisation même de ces ex-Géant sera modifiée, avec une entrée des clients plutôt du côté de l'alimentaire, et non plus du côté du non-alimentaire. Les surfaces dédiées au non-alimentaire seront revues à la baisse, au profit de l'extension de l'offre alimentaire, avec un nombre de références revu à la hausse et une "premiumisation", laissant une place plus conséquente au circuit court et aux produits locaux.

"L'objectif est de proposer une offre plus en adéquation avec leur fonction de supermarché, c'est-à-dire de magasin de proximité", précise Tina Schuler.

La politique de prix sera désormais plutôt définie en fonction des autres supermarchés de la zone géographique, plutôt qu'avec les autres hypermarchés. Avec donc probablement à la clé, une hausse des tarifs à prévoir, même si Tina Schuler signale que, pour le moment, rien n'est acté sur ce point. Cette transformation devrait se faire sans impact sur l'emploi.

A noter : le changement d'enseignes opéré par le groupe Casino ne fait néanmoins pas basculer, réglementairement, les magasins concernés dans la catégorie des "supermarchés" puisqu'ils disposent encore tous de surfaces supérieures à 2.500 m², seuil défini par la nomenclature officielle.

Un contexte difficile pour Casino

Cette transformation s'inscrit dans un contexte plutôt difficile pour le groupe, engagé dans un plan massif de désendettement. Ses résultats 2021, publiés fin février, font état d'un chiffre d'affaires de 30,5 milliards d'euros (-0.8%) dont 14 milliards pour la France, en retrait de 5,4%. L'EBITDA s'est quant à lui réduit de 1,7%. Tous les formats du groupe reculent, en particulier les supermarchés (-6,8% en variation comparable), les Franprix (-7,3%) et... les Géant (-8,9%).

"Les hypermarchés ont été très impactés par divers facteurs exogènes liés à la crise sanitaire : la fermeture des centres commerciaux, de certains rayons en entier, par l'application des passe sanitaires etc", explique Tina Schuler.

Pour Thomas Meyer, délégué syndical groupe UNSA, pas sûr toutefois que cette action permette de renverser la vapeur.

" Nous savons que les hypermarchés sont en souffrance", explique-t-il. "Est-ce que ce changement d'enseigne va permettre de rebooster les magasins concernés ? Peut-être mais il n'y a pas de changement fondamental en réalité. Les prix seront probablement revalorisés, les offres promotionnelles différentes, est-ce que les clients suivront ? Nous n'avons pour l'instant pas de vision très précise sur ce projet".

Le représentant syndical voit toutefois un signal positif dans les chiffres du premier trimestre 2022, que la direction du groupe a présenté aux élus du personnel. "Les résultats 2021 étaient mauvais, c'est certain. Ceux du premier trimestre 2022 semblent meilleurs, la direction nous dit qu'elle est optimiste. L'intéressement est toujours à zéro mais nous espérons que la tendance sera meilleure cette année".

La fin des hyper Casino?

La stratégie de Casino ne surprend pas l'experte du sujet, Sandrine Heitz-Spahn. "Le métier historique de Casino a toujours été la proximité. Face à Carrefour, Auchan ou Leclerc, le groupe n'a jamais été le plus performant sur ce format des hypermarchés. Je pense que c'est un choix judicieux de revenir sur des formats plus modestes. D'autant qu'avec Cdiscount dans son giron, cela permet au groupe de conserver ses clients non-alimentaires ".

Pour autant, selon Tina Schuler, les hypermarchés Casino ont toujours toute leur raison d'être dans le groupe et un avenir. A condition de poursuivre leur digitalisation et leur transformation :

"Nous avons déjà beaucoup travaillé sur l'omnicanalité, la digitalisation de l'expérience client, les modalités d'encaissement. Il y a toujours des projets pour toujours mieux répondre aux modes de consommation mais nous sommes en avance sur un certain nombre de points par rapport à nos concurrents".

Les résultats 2022 et 2023 du groupe seront les juges de paix de cette politique.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 31/03/2022 à 16:30
Signaler
a 2 euros le litre d'essence les supermarchés devraient être sévèrement touchés. "No parking no business" disent les américains. Tout ces surfaces goudronnées avec lesquelles on va se retrouver... Et bravo aux opposants de NDDL qui ont fait d'une pie...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.