Protéines d’insectes : avec sa levée de 15 millions, l’auvergnat Invers s’apprête à bâtir une filière régionale autonome

La PME auvergnate vient de lever 15 millions d’euros pour accroître ses capacités de production de larves d’insectes, alternatives aux protéines destinées à l’alimentation animale. Ce tour de table se combine à la création de la première filiale régionale d’Invers, montée avec trois coopératives du territoire (Limagrain, Eurea et Oxyane). Celle-ci doit permettre de booster, en Auvergne-Rhône-Alpes, l’implantation de bâtiments d’élevage de larves au sein même des exploitations agricoles, dans un modèle circulaire constituant le socle du fonctionnement de l’entreprise.
Grâce à sa dernière levée, Invers va pouvoir bâtir un nouveau couvoir de 4.000m², toujours dans le Puy-de-Dôme, qui lui permettra de multiplier d'ici un an ses capacités de production d'insectes par dix pour fournir des protéines destinées à l'alimentation animale.
Grâce à sa dernière levée, Invers va pouvoir bâtir un nouveau couvoir de 4.000m², toujours dans le Puy-de-Dôme, qui lui permettra de multiplier d'ici un an ses capacités de production d'insectes par dix pour fournir des protéines destinées à l'alimentation animale. (Crédits : DR)

Quelques jours après la méga levée de fonds de 250 millions d'euros d'Innovafeed, poids-lourd mondial de la production de protéines à base d'insectes, c'est au tour de l'Auvergnat Invers de boucler son tour de table. Plus modeste certes (avec ses 15 millions d'euros collectés auprès d'Idia Capital Investissement, Agri Impact, UI Investissement, Crédit Agricole Centre France et Limagrain), mais néanmoins révélateur de l'attractivité d'une filière française qui a su s'affirmer en quelques années comme le leader international du sujet avec le top 3 mondial (Innovafeed, Agronutris et Ynsect) dans ses rangs.

Dans cet environnement, Invers (qui avait déjà levé 3,3 millions d'euros en 2019 et qui avait bénéficié du plan France relance au printemps 2021) se différencie de la plupart des acteurs français par son modèle agricole. Modèle qui l'a guidé vers le choix de la production de vers de farine, plus faciles à produire dans un environnement agricole, lorsque ses plus gros concurrents, dans une démarche de production en environnement industriel, ont choisi plutôt la mouche soldat.

Modèle circulaire

Créée en 2019, Invers a mis au point un système circulaire appuyé sur une collaboration avec les agriculteurs pour qui elle a développé une solution et des outils clés en main.

Dans son couvoir de Saint-Ignat dans le Puy-de-Dôme, elle produit des démarrages d'élevage - des micro-larves de vers de farine (Tenebrio Molitor)- , qu'elle livre à des agriculteurs. Ceux-ci, grâce à l'utilisation de co-produits (de son notamment) élèvent ces insectes jusqu'au stade de larves (un mois environ) et utilisent les déjections des insectes comme fertilisants.

Dans ce système, ces exploitants agricoles en recherche de nouveaux revenus protégés des aléas climatiques investissent pour être propriétaires des bâtiments d'élevage « 0 énergie » et du matériel fournis par Invers. Une fois élevés, les vers sont collectés par Invers et transformés dans son usine pour une valorisation à destination de l'alimentation animale.

« L'insecte est une alternative très intéressante, en termes de qualité et de durabilité, aux multiples sources de protéines aujourd'hui majoritairement importées », explique Sébastien Crépieux, dirigeant et co-fondateur de la startup.

Multiplier par dix les capacités de production

Avec ses 22 salariés (chiffre d'affaires non communiqué) et son outil industriel actuel, Invers alimente deux exploitations agricoles auvergnates en microlarves et transforme chaque mois les 50 tonnes de larves élevées par ces agriculteurs partenaires en croquettes pour chiens, croquettes pour chats, en vers de farine déshydratés pour la basse-cour ou encore en granulés pour les poissons de bassin. Grâce à sa levée de fonds de 15 millions d'euros, elle va pouvoir passer un cap.

« Nous allons investir dans un couvoir de 4.000m², toujours dans le Puy-de-Dôme, qui sera opérationnel dans un an environ. Nos capacités vont ainsi être multipliées par dix pour assurer notre développement. Nous serons en mesure de livrer des microlarves à 25 unités d'élevage installées chez les exploitants agricoles. Dans le même temps, nous investissons dans notre usine de transformation », détaille le dirigeant.

Une première filiale régionale pour produire et distribuer en circuit court

Ce pallier de 25 bâtiments agricoles devrait être atteint grâce à la toute récente création d'Invers AuRA, lancée à l'occasion de ce tour de table. Cette filiale régionale fédère autour de la startup trois coopératives, poids-lourds du territoire : Limagrain (1.300 agriculteurs en Limagne Val d'Allier), Oxyane (7.000 agriculteurs en Rhône-Alpes) et Eurea (3.470 agriculteurs adhérents en AuRA). Cette filiale doit permettre d'accélérer le déploiement d'ateliers d'élevage parmi les agriculteurs coopérateurs de ces trois structures.

« Notre ambition est d'assurer une autonomie, en matière de protéines destinées à l'alimentation animale, à chaque région. Les vers de farine produits en Auvergne-Rhône-Alpes seront vendus dans la région et consommés par des animaux du territoire. Notre objectif est ensuite de dupliquer ce modèle de filiale territoriale à d'autres régions françaises. Nous sommes actuellement en discussion avec plusieurs régions ».

Pour Sébastien Crepieux, Invers veut participer à la résilience française et régionale de l'agriculture. « Il s'agit d'un sujet de souveraineté. Nous avons tous constaté ces derniers mois qu'en cas de conflit, de dérèglement des relations internationales, de pénuries, les territoires les plus résilients sont les moins dépendants ».

L'alimentation humaine en ligne de mire

Les produits Invers sont actuellement disponibles dans environ 500 points de vente de la région, à destination du grand public principalement pour l'alimentation de leurs animaux domestiques. Pour l'élevage, des tests sont actuellement en cours (pour les poulets notamment) mais il faudra attendre au moins 2024 pour que l'entreprise du Puy-de-Dôme se lance vraiment à l'abordage de ce marché. « Pour ce marché très conséquent, nous devrons nous mettre en capacité de produire beaucoup, beaucoup plus », sourit Sébastien Crépieux, qui se laisse deux ans pour arriver à ses fins.

Au-delà du potentiel déjà très important du marché des protéines alternatives pour l'alimentation des animaux d'élevage, le dirigeant et ses trois associés pensent déjà au coup d'après, à horizon de plusieurs années : l'alimentation animale.

« Nous y réfléchissons, nos insectes pourraient être utilisés comme ingrédients fonctionnels grâce à leur qualité protéïque et à leur facilité d'assimilation pour des personnes dénutries notamment. En réalité, les perspectives sont gigantesques. Nous savons tous désormais que, pour préserver la planète, la voie de la réduction de la consommation de viande est inéluctable », conclut l'entrepreneur.

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