Agriculteur ou l’art de cultiver la polycompétence

[5/6] Les mutations du secteur et les contraintes environnementales génèrent des besoins de formation continue renouvelés et accrus pour les responsables d’exploitation agricole. Parmi les contributeurs au fonds d’assurance formation des actifs non-salariés agricoles, ce sont environ 110 000 agriculteurs qui se forment chaque année. L’occasion de trouver des réponses concrètes à leurs problématiques de production et d’acquérir les compétences de chef d’entreprise. Cinquième volet de notre série consacrée à l'agriculture, l'agroalimentaire et l'environnement.
L'exploitant agricole est d'abord et avant tout un chef d'entreprise, il se forme donc tout au long de sa carrière.
L'exploitant agricole est d'abord et avant tout un chef d'entreprise, il se forme donc tout au long de sa carrière. (Crédits : Fotolia)

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"Commercialisation et services", "Techniques de production et transformation des produits", "Stratégie et pilotage de l'entreprise agricole", "Ressources humaines" et "Territoire et développement". C'est autour de ces cinq pôles de compétences que les huit chambres départementales d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes, acteurs majeurs de la formation continue, ont conçu leur catalogue de formation professionnelle à destination des chefs d'exploitation agricole. Un catalogue dont la diversification répond à un impératif : accompagner les entreprises agricoles face aux défis et aux enjeux de l'agriculture de demain.

"Nous cherchons à répondre le plus largement possible aux besoins de formation des exploitants agricoles et à couvrir tous les pans de leur activité. Or, selon le type de production, la taille et l'activité de l'exploitation, le besoin de formation est très divers", décrit Florence Chuzeville, conseillère formation au sein de la chambre départementale d'agriculture du Rhône.

"Les parcours de formation professionnelle continue sont multiples et varient dans la forme selon l'organisme qui les proposent, dans la durée et dans la finalité, diplômante ou non", abonde Séverine Cavret, responsable pédagogique au sein de la direction des formations de l'Institut supérieur d'agriculture et d'agroalimentaire Rhône-Alpes (Isara-Lyon).

Chaque année, environ 110 000 agriculteurs, sur les 600 000 contributeurs du fonds d'assurance formation des actifs non-salariés agricoles Vivea, suivent au moins une session de formation.

Le taux d'accès à la formation professionnelle apparaît plus élevé pour les agriculteurs exploitants que pour les artisans et les commerçants. Ils y accèdent aussi un peu plus souvent que les ouvriers, mais un peu moins à l'inverse que les employés, et encore moins souvent que les professions intermédiaires et les cadres et professions intellectuelles supérieures.

Enjeux

En 2014, les ministres chargés respectivement de l'Agriculture et de la Formation professionnelle ont confié à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) une mission d'évaluation visant deux objectifs principaux.

D'une part, il s'agissait d'analyser l'évolution récente de l'activité de formation professionnelle des exploitants agricoles, ainsi que l'efficience de la gestion des fonds par Vivea.

D'autre part, il était demandé de porter une appréciation sur les besoins de formation des agriculteurs au regard des niveaux de qualification, de l'adaptation des compétences aux enjeux stratégiques du secteur agricole et agroalimentaire, et des objectifs des politiques publiques. Dans leur rapport de mission, les membres de la commission d'évaluation établissent un diagnostic clair :

"L'évolution de l'activité agricole et des politiques publiques induit des enjeux importants en termes de besoins de compétences et de formation des agriculteurs."

En effet, relèvent les auteurs du rapport, "les exploitations agricoles poursuivent leur mutation, avec une tendance à la concentration et à la spécialisation mais aussi à la diversification des activités, un développement des formes sociétaires et un recours accru aux salariés permanents".

Cette mutation du secteur est synonyme de nouvelles problématiques économiques et sociales pour les exploitants. Les évolutions sectorielles, souligne le rapport conjoint de l'Igas et du CGAAER, "ont des implications en termes de besoins en compétences : exigences techniques renforcées et évolutives ; management économique et financier des exploitations ; capacités à anticiper les fluctuations de l'environnement économique et à mettre en œuvre des processus de diversification ; gestion des ressources humaines, mais aussi des conditions et de l'organisation du travail".

Mutations sectorielles

"Dans un contexte de mutation du secteur agricole et des activités multiples de l'exploitant, la formation professionnelle continue est devenue une nécessité, voire un impératif, ne serait-ce que du seul point de vue technologique et en matière d'innovation.

Par ailleurs, les contraintes environnementales qui s'imposent aux agriculteurs les obligent à ne plus exercer à l'échelle unique de leur exploitation, mais bien à l'échelle d'un territoire et au sein d'une filière. La prise en compte des préoccupations relatives au développement durable impose à l'exploitant agricole d'adopter une vision globale de son activité, intégrée à un espace géographique et à une filière de production", prolonge Séverine Cavret.

Les formations dont peuvent bénéficier les chefs d'exploitation agricole permettent donc de trouver des réponses concrètes à leurs problématiques de production et de gestion, notamment.

Elles sont l'occasion d'acquérir et de développer des savoir-faire, de s'adapter aux évolutions des marchés et des attentes de la société, mais constituent également le lieu d'échanges d'expériences et de pratiques entre stagiaires.

"Les sessions de formation professionnelle continue sont conçues pour favoriser les rencontres entre exploitants et accentuer l'échange de bonnes pratiques. Dès lors, elles sont synonymes pour le chef d'exploitation qui y participe d'une remise en cause et d'un questionnement de son activité de production", témoigne encore Florence Chuzeville.

Vision entrepreneuriale

"La formation professionnelle continue permet de s'adapter à toutes les nouvelles compétences que nous devons avoir en tant que chef d'entreprise. Hier, il fallait produire ; aujourd'hui, il faut aussi savoir communiquer sur nos pratiques. Il faut concilier performances à la fois techniques, économiques, sociales et environnementales. Cela ne s'invente pas : la formation continue est là pour ça", établit Marianne Dutoit, présidente du fonds d'assurance formation Vivea depuis juin 2017, à l'occasion de la présentation du projet gouvernemental de transformation de l'apprentissage, de la formation professionnelle et de l'assurance-chômage en octobre dernier.

Le besoin de formation continue en agriculture s'est à la fois amplifié et transformé au fur et à mesure des mutations du secteur et de l'évolution des demandes sociétales en matière de sécurité sanitaire et d'environnement. Une exploitation agricole est d'abord et avant tout un outil de production, mais celui-ci se révèle de plus en plus complexe. Aussi, le chef d'exploitation se doit-il de posséder une véritable vision de son entreprise et d'adopter une stratégie efficiente de développement.

"Les agriculteurs doivent aujourd'hui acquérir et développer des compétences managériales propres à tout chef d'entreprise. En outre, leurs activités se diversifient : ils ne sont plus seulement éleveurs ou cultivateurs, mais assurent parfois la transformation et la commercialisation de leurs productions. Ces nouvelles activités exigent de nouvelles compétences, qu'ils peuvent acquérir via des sessions de formation", estime encore Séverine Cavret.

"L'exploitant agricole est d'abord et avant tout un chef d'entreprise, souligne aussi Florence Chuzeville. L'activité de production agricole se complexifie, tant sur le plan technique que sur le plan administratif et réglementaire. L'agriculteur, aujourd'hui, se doit de posséder des compétences transverses qui ne relèvent plus seulement de l'activité de production : il lui faut tout à la fois être manager, décideur, négociateur et gestionnaire." Polycompétent en somme.

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