Le futur est dans l’agroécologie

[2/6] Mal considérée pendant des années, l’agroécologie devient l’une des solutions que les professionnels envisagent et pourraient utiliser à l’avenir afin de répondre aux impératifs environnementaux et sociétaux, tout en conservant une logique de productivité. Un concept largement poussé par les établissements d’enseignement supérieur. Second volet de notre série consacrée à l'agriculture, l'agroalimentaire et l'environnement.
(Crédits : Fotolia)

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Au commencement de l'agroécologie était la science. Le terme est employé pour la première fois en 1928 par Basil Bensin, un chercheur américain qui entend appliquer les méthodes écologiques à l'agronomie. Dans les années 1960, des précurseurs s'emparent du concept pour forger des pratiques agricoles novatrices et impulser ce qui va devenir à l'orée du XXIe siècle un mouvement social globalisé.

"L'agroécologie est une technique inspirée des lois de la nature. Elle considère que la pratique agricole ne doit pas se cantonner à une technique, mais envisager l'ensemble du milieu dans lequel elle s'inscrit avec une véritable écologie. Elle intègre la dimension de la gestion de l'eau, du reboisement, de la lutte contre l'érosion, de la biodiversité, du réchauffement climatique, du système économique et social, de la relation de l'humain avec son environnement", écrit Pierre Rabhi dans son Manifeste pour la terre et l'humanisme publié en 2008 chez Actes Sud.

Ce paysan-écrivain français d'origine algérienne est l'un des pionniers de ce nouveau "mot d'ordre planétaire" qui entend "par la revalorisation des ressources naturelles et locales", dit-il, libérer les cultivateurs de "la dépendance des intrants chimiques et des transports générateurs de tant de pollutions et responsables d'une véritable chorégraphie de l'absurde".

Au cours des années 1980, la rupture avec les modèles d'exploitation intensive, dits conventionnels, est consommée, mais reste confinée à un cercle d'initiés. D'autant qu'elle suscite la controverse, certains dénonçant un "reverdissement" superficiel, car doutant de sa capacité à réformer en profondeur.

Les années 2000 vont marquer un basculement plus large en faveur de cette idée de souveraineté alimentaire : dans la foulée du Grenelle de l'environnement, "l'agriculture est de plus en plus perçue en des termes péjoratifs. On assiste à un rejet croissant, et dans le même temps, à la montée en puissance du bio", retrace Christophe David, directeur exécutif et scientifique de l'Institut supérieur d'agriculture et d'agroalimentaire Rhône-Alpes (Isara-Lyon).

Au-delà de la performance productive, s'impose l'impératif environnemental et sociétal, "avec la nécessité de recréer la confiance entre consommateurs et agriculteurs", pointe le chercheur.

Les sols, première victime

En s'emparant de l'enjeu démographique (comment nourrir neuf milliards de personnes en 2050 ?), de celui du réchauffement climatique (quoi qu'en disent les sceptiques, même les plus influents), l'opinion publique pousse les politiques à prendre la mesure de ces préoccupations. "C'est une tendance très progressive, constate Christophe David, mais il est désormais admis que le modèle d'après-guerre, s'il a permis de produire beaucoup plus, a aussi fait énormément de dégâts."  Première victime de cette marche forcée : les sols.

"Nous les avons beaucoup trop dégradés. Or, il s'agit d'un levier majeur pour aller vers une agriculture de conservation, souligne Grégory Dechamp-Guillaume, directeur de l'École nationale supérieure agronomique de Toulouse (Ensat). Nous menons aujourd'hui un important travail de formation et de recherche, en micro-biologie par exemple, sur les aspects vivants du sol."

En 2013, le ministère de l'Agriculture a inscrit pour la première fois l'agroécologie dans les politiques agricoles françaises. L'année suivante, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a instauré la création des groupements d'intérêt économique et environnemental, et prévoit une réforme généralisée de l'enseignement agricole.

La transmission est bien la clé de ce changement de paradigme. En France, le système d'enseignement et de recherche dissociait traditionnellement l'agronomie et l'écologie. "Il a fallu casser ce monde qui renvoyait dos à dos les écoles d'ingénieurs et l'université", explique Christophe David.

Ne pas exclure le conventionnel

Et cet engagement en faveur des agricultures alternatives a été porté par un nombre croissant d'institutions. Alors qu'il n'existait aucune chaire d'agroécologie dans le monde dans les années 2000, on en compte aujourd'hui une petite dizaine, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud.

Et les collaborations se multiplient. Lancée en 2011 par l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), AgroParisTech et l'Université de Lorraine, l'université virtuelle d'agroécologie (UVAE) rassemble aujourd'hui le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Agrocampus Ouest, AgroSup Dijon, l'Ensat, Montpellier SupAgro, et plus récemment l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) et l'Isara de Lyon.

Son objectif : produire en collaboratif des outils de formation à distance, à l'instar du MOOC "Agroécologie" porté par Montpellier SupAgro depuis 2016. Mais il demeure toutefois indispensable de "garder un équilibre avec ce qui se fait de conventionnel, il ne faut pas l'exclure pour autant, considère Grégory Dechamp-Guillaume. Pour accompagner l'agriculture dans ses mutations, et assurer la transition, il faut aussi comprendre ce qui se fait aujourd'hui".

Une mutualisation précieuse pour rétablir un lien vertueux entre le champ et l'assiette.

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