Boostheat : le plan du nouvel actionnaire principal pour remettre les gaz

Boostheat tourne définitivement la page de l’industrialisation. Son nouvel actionnaire principal, Hugo Brugière, vient de circulariser son projet de plan de sauvegarde et espère obtenir une validation du Tribunal de commerce d'ici fin avril. Il prévoit la transformation de l’ex start-up industrielle en bureau d’études. D'ici là, une audience est prévue ce vendredi, elle devrait déboucher sur la prolongation de la période d'observation de 30 ou 45 jours.
Boostheat s'est recentrée sur son compresseur.
Boostheat s'est recentrée sur son compresseur. (Crédits : DR)

Hugo Brugière, le nouvel actionnaire principal de Boostheat, vient de circulariser son projet de plan de sauvegarde, il espère pouvoir le présenter au tribunal de commerce d'ici fin avril. S'il est approuvé, il mettra fin à la procédure de sauvegarde et permettra à l'entreprise de se projeter dans son plan de continuation.

Un plan qui reflétera la mue totale à venir (et déjà bien amorcée) de celle qui a dégringolé, en trois ans, du statut de pépite industrielle innovante aux multiples brevets et introduite avec succès en bourse (36 millions levés sur Euronext Growth en 2019) au statut d'entreprise en difficulté contrainte de se mettre sous la protection, à l'automne dernier, d'une procédure de sauvegarde.

Hugo Brugière, via son holding HBR, a acquis plus de 20% du capital et une grande partie des dettes de Boostheat en début d'année.  A 35 ans, l'homme est spécialisé dans le retournement d'entreprises en difficulté. Il est déjà aux manettes de l'armurier stéphanois Verney-Carron ou encore du groupe Cybergun (45 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022).

Une chaudière gaz innovante mais mal industrialisée

Créée en 2011 et installée en 2016, dans un grand bruit politique, sur l'ancien site Bosch de Venissieux, Boostheat a développé une chaudière thermodynamique basée sur une technologie innovante de compression thermique, protégée par sept familles de brevets. Une chaudière présentée comme capable de réduire de 30% la consommation d'énergies et les émissions de C02.

Forte de sa centaine de collaborateurs et de son outil industriel capable d'assembler jusqu'à 20.000 chaudières par an destinées au marché de l'habitat individuel et des petits immeubles collectifs, Boostheat annonçait en 2019, à l'occasion de sa cotation sur Euronext Growth, une ambition de 4.500 chaudières vendues par an sous trois ans. Un quota qui devait permettre d'atteindre l'équilibre financier, confiait à l'époque à la Tribune Luc Jacquet, directeur général et co-fondateur de l'entreprise.

Mais c'était sans compter sur des problématiques majeures d'industrialisation qui ont rendu insuffisantes les performances de sa chaudière. L'entreprise a dû revoir fortement à la baisse sa feuille de route et réduire la voilure, tout en réussissant à assurer la R&D nécessaire au réajustement. Malgré les corrections apportées et validées par le marché, le conflit en Ukraine (avec la réorientation des états européens vers les technologies liées à l'électricité plutôt qu'au gaz, et l'augmentation du prix du gaz) a finalement joué les arbitres en assombrissant nettement le panorama des potentiels de ventes de l'entreprise. Boostheat a dû solliciter son placement en procédure de sauvegarde, après une perte de 4,5 millions d'euros sur le premier semestre 2022, faisant suite à un total de pertes 2021 de près de 9,5 millions d'euros.

Innover sans industrialiser

Dans ce contexte, le plan de match d'Hugo Brugière, le nouvel actionnaire principal de l'entreprise dont la prise de gouvernance a été validée le mois dernier en assemblée générale, est déjà assez bien dessiné : stopper définitivement la production pour se transformer en bureau d'études. Avec deux pôles d'activité, d'une part la solution de compression thermique développée par Boostheat (applicable à d'autres fluides que le gaz) et, d'autre part, le développement d'un logiciel de pilotage de la performance énergétique issu du travail mené initialement par les équipes de Boostheat pour améliorer l'efficacité énergétique de ses pompes à chaleur internes.

Sur ces deux pans, des preuves de concept devraient être déployées d'ici fin 2023.

« En ce qui concerne l'activité compresseurs, je pense que nous devons nous tourner vers des installations de plus grande envergure que l'habitat résidentiel. L'option 1 est de nouer un partenariat avec un intégrateur ou un fabricant. L'option 2 est de céder la technologie et les brevets. Dans tous les cas, il n'y a pas d'option de retour à l'industrialisation en interne », indique Hugo Brugière.

Pour l'activité logiciels, l'entreprise vient de créer son pôle « Solutions et Services » pour commercialiser sa solution IoT Edge auprès des industriels. Elle vient tout juste d'être proposée au marché, en test, avant la définition d'un modèle commercial abouti.

« Cette entreprise n'a certainement pas dit son dernier mot. Elle a cramé 120 millions d'euros en raison de problèmes d'industrialisation, pas de technologie ni de compétences. Elle dispose d'un très beau potentiel de retournement », martèle le spécialiste du retournement qui déroule au pas de charge les premières étapes de son plan.

L'entreprise a déjà quitté son gigantesque bâtiment, devenu démesuré pour ses 10 derniers collaborateurs, afin de rejoindre des bureaux voisins aux dimensions plus raisonnables (soit une économie annuelle de 450.000 euros de loyer). Si cinq opérateurs ont dû être licenciés, du fait de cette nouvelle orientation en bureau d'études, dix autres collaborateurs ont été recrutés ces dernières semaines portant l'effectif actuel à 20 salariés. Le nouveau dirigeant de Boostheat rappelle par ailleurs que si elle s'est effectivement tournée prioritairement vers d'autres fluides que le gaz en raison de la guerre en Ukraine, l'entreprise est loin d'abandonner cette voie. « Les Etats-Unis et la Canada sont de gros consommateurs de gaz, nous n'avons pas dit notre dernier mot sur le gaz ! ».

D'ici là, les moyens financiers nécessaires au retournement jusqu'à fin 2023 sont estimés à 7,9 millions d'euros. 500.000 euros en compte courant ont d'ores et déjà été injectés par HBR, 500.000 autres euros ont été annoncés. D'autre part, 1,5 million d'euros a été accordé par ITTO (groupe Alpha Blue Ocean), dans le cadre d'Obligations Remboursables en Actions. Ce dernier mode de financement pourrait conduire à une forte pression à la baisse de la valeur des actions de Boostheat mais présente l'avantage d'offrir rapidement à l'entreprise les moyens de son retournement.

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