La sécheresse, les restrictions d'eau probablement de plus en plus fréquentes à l'avenir, la prise de conscience de la nécessité d'une utilisation plus raisonnée d'une ressource précieuse... Jean-Louis Desjoyaux, le dirigeant de l'entreprise familiale éponyme, ne constate pour le moment aucun impact du changement climatique sur le business de son entreprise, alors même que cette semaine, la question des jets privés puis des piscines a à nouveau enflammé le débat politique.

Aucun impact négatif en tout cas. Au contraire même : « plus les étés sont chauds, plus les commandes de piscines sont nombreuses ». La preuve, cet été 2022, particulièrement chaud et sec, va se traduire par une augmentation significative des commandes dans les mois à venir.

« Depuis, le début de l'été, nous voyons déjà des prises de contact beaucoup plus nombreuses que d'habitude. Cela se traduira dans les chiffres du premier semestre de notre exercice 2022/2023 » indique le dirigeant.

Et d'ajouter : « Pour l'instant, les consommateurs voient au contraire dans la piscine une manière de mieux vivre le changement climatique. D'ailleurs, il faut reconnaître qu'ils continuent probablement de remplir leurs piscines, même en période de restrictions d'eau ».

A l'issue de cinq mois d'absence de précipitations, plusieurs départements ont en effet dû mettre en place cet été des mesures de restriction des usages de l'eau, à l'image du département du Rhône, où le remplissage ainsi que la mise à niveau des piscines sont tout simplement "interdits" sur les trois quarts du périmètre du département, en vertu d'un arrêté préfectoral mis à jour le 10 août dernier (tandis que l'extrême sud-est du département interdit le remplissage des bassins de plus de 1m2). Même tendance dans la Loire.

Face à ce qui ressemblait toutefois au début d'une polémique, la Fédération des Professionnels de la Piscine s'est d'ailleurs défendue de son côté en affirmant que « les piscines privées ne représentent que 0,12% de la consommation annuelle totale d'eau en France » et rappelle que la consommation d'eau des bassins se trouve désormais « réduite » grâce à la technologie.

Impact négatif du contexte international

Un climat qui n'inquiète donc pas, pour l'heure, les ventes du piscine ligérien, pour lequel seconde moitié de l'année 2022 devrait encore s'avérer bien meilleure que la première, selon ses prévisions.

Pour rappel, l'exercice 2020/2021 s'affichait déjà comme historique, avec un chiffre d'affaires établi à 161 millions d'euros (soit +40% par rapport au bilan 2019/2020, déjà en hausse de 12%). Il avait été porté par la crise sanitaire et l'absence de vacances pour de nombreux propriétaires de maisons mais aussi, par une tendance plus lourde d'un meilleur équipement des jardins.

Toutefois, l'exercice suivant (2021/2022), qui sera bouclé au 31 août 2022, se révèle moins performant.

Les chiffres évoqués par Jean-Louis Desjoyaux ne peuvent être encore trop précis, en raison des contraintes de communication financière liées à la Bourse, mais le dirigeant évoque une baisse du nombre de piscines vendues sur cet exercice par rapport au précédent (13.000 bassins équivalents 8 mètres par 4).

« Nous afficherons néanmoins une hausse de chiffre d'affaires car les prix de nos bassins ont augmenté. Nous avons été dans l'obligation d'appliquer des hausses de prix en raison de la flambée du prix des matériaux. Nous ne serons pas en mesure d'atteindre les 10% de croissance que nous visions initialement, nous serons plus probablement aux alentours de +5%. Nos marges seront par ailleurs en légère baisse en raison d'un effet ciseau ».

Jean-Louis Desjoyaux impute ce ralentissement des ventes, essentiellement constaté sur le deuxième semestre de l'exercice (c'est-à-dire février 2022/août 2022), à un été 2021 défavorable d'un point de vue météorologique mais aussi et surtout à un contexte international incertain.

« L'inflation et le climat anxiogène qui en résultent freinent les potentiels acheteurs. En France comme à l'international [l'export représente plus de 40% du chiffre d'affaires NDLR] ».

L'entrepreneur ligérien affiche toutefois son optimisme pour la fin de l'année 2022 avec une embellie très nette des prises de commandes ces dernières semaines.

Un investissement de 25 millions d'euros pour booster la compétitivité de l'usine

Dans ces conditions, l'investissement de 25 millions d'euros annoncé à l'été 2021 pour les trois prochaines années se voit confirmé. Voire même accentué.

La moitié de l'enveloppe prévue sera consacrée à l'immobilier avec une extension de 10.000m² notamment, la construction d'un nouveau bâtiment R&D et de nouveaux espaces à destination des salariés mais aussi à l'optimisation des flux avec une réorganisation majeure de la circulation sur le site (déplacement des quais, mise en place d'un train interne pour acheminer les marchandises, etc).

L'autre moitié de l'investissement sera consacrée à l'outil industriel. Avec un objectif : renforcer encore la productivité de l'usine et atteindre une capacité de production de 20.000 bassins par an (13.000 vendus sur le dernier exercice).

Pour Jean-Louis Desjoyaux, cela passe par une intégration encore plus poussée de toutes les étapes de production. Intégration estimée actuellement à plus de 90% du coût de revient. Parmi ces opérations de réinternalisation de process, figure la création d'un centre de tri du plastique, qui se fera directement sur place.

Devenir maître de sa matière première

En effet, une partie importante des structures des piscines Desjoyaux, fabriquée à partie de polypropylène recyclé, était jusqu'ici livrée déjà triée. Demain, après un investissement de 4 millions d'euros, ce seront des balles mélangées qui seront fournies par les filières de recyclage. Desjoyaux gérera ensuite lui-même en interne l'étape de tri, avant de broyer le plastique retenu et de l'extruder pour ses piscines.

« Nous avions externalisé cette étape il y a cinq ans, nous revenons sur cette décision, nous voulons être maître de notre matière première », explique le dirigeant, poussé en ce sens par l'envolée du prix des matériaux.

Cet investissement devrait lui permettre d'économiser entre 500.000 et un millions d'euros. Par ailleurs, ce plastique recyclé sera également bientôt utilisé pour la fabrication de palettes réutilisables. Elles seront injectées sur place, pour les besoins de l'entreprise, et remplaceront les palettes bois.

Jean-Louis Desjoyaux réfléchit par ailleurs à l'intégration d'une autre étape majeure de son process de fabrication : la production des feuilles de PVC nécessaires à la fabrication des liners. Ceux-ci sont aujourd'hui fabriqués sur place mais la matière première est achetée à un fournisseur. Demain, grâce à un investissement de 14 millions d'euros avec un industriel allemand, 5 millions de m² par an pourraient être produits à la Fouillouse. Le projet est actuellement en phase de discussion.