Décarbonation, R&D, responsible chemistry... Le plan du chimiste de l’eau SNF pour atteindre la neutralité carbone

TRANSITIONS ECOLOGIQUES. Avec près de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 6.000 salariés à travers le monde, le chimiste ligérien SNF est un poids lourd dans le domaine de l'eau. Et pour la première fois, il s'est fixé des cibles concrètes en matière de réduction de son empreinte carbone et d'utilisation des ressources naturelles. Objectif : démontrer que son business n'est pas incompatible avec des engagements environnementaux, en utilisant plusieurs leviers combinant décarbonation de l'énergie, nouvelles technologies et responsible chemistry.
Au total, SNF va investir 280 millions d'euros en 2021, dont 70 en France. Une bonne part de ces 70 millions sera affectée au site ligérien, où travaillent 1.400 salariés.
Au total, SNF va investir 280 millions d'euros en 2021, dont 70 en France. Une bonne part de ces 70 millions sera affectée au site ligérien, où travaillent 1.400 salariés. (Crédits : DR)

SNF publie son rapport ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) depuis trois ans. Mais, pour la première fois, le groupe ligérien de chimie de spécialité de l'eau s'est aussi fixé des objectifs.

Son horizon est désormais officiellement aligné sur la Loi européenne sur le Climat, à savoir une neutralité carbone pour 2050. Avec un jalon en 2030 à moins 30% d'intensité carbone et à moins 20% d'intensité eau.

Leader mondial de la production de polymères hydrosolubles, SNF (CA 2020 : 3 milliards d'euros, 6.600 salariés) intervient en particulier sur les marchés de la production d'eau potable et du traitement des eaux usées. Mais aussi, et massivement, sur les secteurs des mines, de l'extraction de gaz et de pétrole ou encore de la fabrication de papier : autant de secteurs régulièrement pointés du doigt par les défenseurs de l'environnement.

Un business qui n'est pour autant pas incompatible avec des engagements environnementaux selon Pascal Remy, pdg du groupe cofondé en 1978 par René Pich, toujours actionnaire. "Tant que ces activités existeront, autant les accompagner à être le moins impactantes possible pour l'environnement", résume-t-il.

"Nos produits permettent de réduire par trois la consommation d'eau nécessaire à l'extraction d'un baril de pétrole par exemple. Aujourd'hui, la planète consomme 100 millions de barils par jour. En 2050, ce sera encore 60 millions, peut-être plus. Il y aura forcément une transition longue, quelles que soient les positions et les engagements des uns et des autres. Il vaut donc mieux travailler à une production propre".

Des émissions de C02 en baisse

Pour Pascal Rémy, les entreprises françaises de la chimie doivent montrer la voie de la transition, "même si elles sont déjà très vertueuses sur le sujet et ne représentent qu'une goutte d'eau, face au reste du monde et à d'autres activités bien plus impactantes".

Pascal Remy insiste ainsi sur les "seulement" 500.000 tonnes équivalent CO2 produites par SNF chaque année dans le monde, qu'il met en regard des volumes produits par ses pairs ou des millions de tonnes à inscrire au débit des cimentiers par exemple.

"Notre principal monomère est produit par voie enzymatique, un procédé biologique naturel, à température ambiante et sous pression atmosphérique, ce qui nécessite peu d'énergie. Nous partons donc déjà d'un point relativement bas".

Et de préciser : "nos émissions de gaz à effet de serre, par tonne produite, ont baissé depuis 2015, à périmètre constant. Sauf en 2020".

D'une base 100 en 2015, ces émissions sont passées à 88 en 2019 mais ont réaugmenté l'année dernière en raison d'un mix produits différent, moins vertueux en matière de GES, mais aussi et surtout en raison de la mise en route de deux nouveaux sites, en Inde et en Chine, faisant bondir de 9% les émissions de GES/tonne produite.

Le groupe chimiste a déjà engagé depuis plusieurs années une réflexion forte sur ces sujets et compte désormais accélérer ses efforts.

Usine pilote dans la Loire

Au-delà des bénéfices attendus de la décarbonation à venir probable de l'énergie utilisée par plusieurs de ses 22 usines à travers le monde, - notamment en Asie -, SNF mène de front plusieurs projets. Comment le chimiste compte-t-il réellement réduire son empreinte ?

L'entreprise met ainsi actuellement en place une nouvelle technologie d'échangeur thermique sur son usine historique d'Andrézieux-Bouthéon (siège social), pour la récupération d'énergie, qui représente un investissement de 500.000 euros.

"Si les tests en cours sont concluants, nous pourrons ensuite le déployer largement dans l'ensemble de nos usines, cela nécessitera alors plusieurs millions d'euros d'investissement". Même démarche concernant les unités de réfrigération. "Nous testons sur notre siège dans la Loire et si cela fonctionne, on applique ailleurs".

Concernant l'eau, les consommations ont été réduites déjà significativement depuis 4 ans, notamment grâce à la mise en place de buses de nettoyages haute pression. Une réflexion est engagée sur un système de récupération de la vapeur d'eau. Un essai est par ailleurs en cours sur la nouvelle usine indienne, devant mener au zéro rejet liquide. Essai qui sera déployé sur toutes les usines s'il s'avère concluant.

Autre piste d'amélioration : dans une optique de "responsible chemistry", avec une démarche R&D visant à améliorer les produits eux-mêmes, grâce notamment à des matières premières biosourcées. Avec néanmoins un frein non négligeable selon Pascal Remy : "les matières premières sont deux à trois fois plus chères".

Le Pdg de SNF poursuit : " Depuis plusieurs années déjà, nous prenons en compte l'impact environnemental dans tous nos investissements et cela sera de plus en plus le cas. Ce sujet fait désormais partie intégrante de nos projets de croissance ".

280 millions d'investissement en 2021

Le groupe chimiste, peu impacté par la crise Covid, poursuit son développement. Sa deuxième usine indienne vient ainsi d'être lancée et devrait monter en charge dans les prochains mois. Son usine brésilienne est par ailleurs en cours d'agrandissement. Quant au site russe, annoncé depuis plusieurs années déjà, " le sujet est toujours sur la table mais les dossiers avancent très lentement dans ce pays".

Au total, SNF va investir 280 millions d'euros en 2021, dont 70 en France. Une bonne part de ces 70 millions sera affectée au site ligérien, où travaillent 1.400 salariés, avec le déploiement de plusieurs lignes de production et la construction d'un nouvel entrepôt automatisé.

Le reste sera investi sur le nouveau site, en création, à Dunkerque. Les travaux initiaux viennent de démarrer.


  • Les suites judiciaires du dossier concernant la chloroquine

    En marge de ces engagements, SNF a fait l'actualité en cette rentrée sur un autre sujet : son fondateur et désormais directeur général adjoint de SNF, René Pich, vient d'être condamné à une amende de 5.000 euros pour acquisition et détention illicite de médicaments. Il a été relaxé, en revanche, de l'accusation d'exercice illégal de la médecine et d'exercice illégal de la pharmacie. Le délibéré a été rendu jeudi 3 septembre, soit presque trois mois, jour pour jour, après la première audience. René Pich était mis en cause pour avoir commandé en Inde, au printemps 2020 et en pleine crise du coronavirus, des cachets de chloroquine, qu'il avait proposé aux salariés de l'entreprise à travers une note interne. Outre l'amende de 5.000 euros, il devra régler près de 2.000 euros à la douane et verser un euro symbolique à l'ordre des pharmaciens.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.