Vicat siège depuis quelques semaines au conseil d'administration de France Hydrogène, ainsi que dans le tout nouveau conseil national de l'hydrogène, créé ce début d'année par le gouvernement, pour structurer les échanges entre l'Etat et les industriels acteurs de la stratégie hydrogène française. Le cimentier rhônalpin aux 10.000 salariés et aux quelque 2,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires veut ainsi affirmer clairement sa place de leader sur le sujet, et s'engager sur un terrain où on l'attendait pas, à l'origine.

Car le groupe travaille sur les questions d'hydrogène depuis plusieurs années et mène de front plusieurs projets.

"Nous sommes engagés dans une démarche de transition écologique. Avec un objectif : une empreinte carbone neutre à l'horizon 2050. Dans cette perspective, l'hydrogène apportera une contribution d'envergure", explique ainsi Marie Godard-Pithon, directrice performances et investissements du groupe.

Convertir le CO2 émis par ses cimenteries

"Nous travaillons depuis longtemps avec le CEA sur le sujet de la conversion du CO2 présent dans les fumées émises par nos usines. En associant la molécule d'hydrogène au CO2, il est possible de le convertir en méthane et méthanol, des substances utilisées par d'autres industries. Il s'agit donc de capter ce CO2 et de le réutiliser utilement", explique Marie Godard-Pithon.

Pour déployer cette technologie, encore en cours de développement, Vicat aura donc besoin d'hydrogène. Dans cette optique, le groupe de l'Isle d'Abeau avance de front sur plusieurs projets visant à lui faire accéder, à moyen terme, au statut de producteur d'hydrogène.

Genvia : valoriser la chaleur fatale des fours

L'industriel participe ainsi à la toute nouvelle société Genvia, portée notamment avec le CEA, Schlumberger, Vinci et l'AREC, la société d'investissement de la Région Occitanie.

Approuvée il y a quelques jours par la Commission Européenne, Genvia (dont la gigafactory est implantée à Béziers et le centre de transfert technologique au CEA Grenoble) vise à développer et déployer une technologie de rupture de production d'hydrogène décarboné par électrolyse haute température à oxyde liquide.

"Genvia fabriquera les électrolyseurs qui nous permettront de valoriser la chaleur fatale de nos fours", précise la directrice performances et investissements.

Relocaliser la production de méthanol en France

Vicat est par ailleurs engagée dans un autre projet avec Hynamics, filiale d'EDF. Il s'agit de mettre en œuvre sur son site de Montalieu, un des plus importants du groupe, un électrolyseur de très grosse puissance (330 megawatts NDLR) fourni par l'isérois McPhy. "Il utilisera la technologie alcaline, plus mature que celle basée sur l'électrolyse haute température. Il doit nous permettre de produire suffisamment d'hydrogène pour convertir notre CO2 en méthanol", annonce-t-il.

Vicat estime que la quantité de méthanol qui sera produite sur Montalieu correspondra au quart de la consommation française.

"Aujourd'hui, il n'y a pas de production en France. Tout est importé, sachant qu'en plus, ce méthanol étranger est fabriqué à partir d'énergies carbonées. Non seulement notre projet permettra une relocalisation et donc d'éviter les flux de méthanol mais en plus, il sera produit à partir de CO2 réutilisé".

Ces deux aspects confondus, Vicat précise que ce projet, baptisé Hynovi, permettra d'éviter l'émission d'un million de tonnes de CO2 par an. Estimé à 500 millions d'euros au total, Hynovi se concrétisera notamment par la mise en place d'une usine de fabrication de méthanol, en proximité immédiate. Avec une mise en route prévue pour 2027.

Hynovi a d'ailleurs été présélectionné tout récemment par la DGE pour être éventuellement présenté dans le cadre d'un tout nouveau programme de financement européen. L'IPCEI Hydrogène (Important Projects of Common European Interest), validé en décembre dernier, vise à débloquer plusieurs milliards d'euros pour soutenir la création d'une chaine de valeur autour de l'hydrogène vert.

Hydrogène et mobilité

En parallèle, Vicat planche également sur le réemploi de l'hydrogène, produit par le groupe, à destination des sujets de mobilité.

Dans le cadre du programme Zéro Emission Valley lancé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes en 2017, et visant à déployer 20 stations hydrogène ainsi qu'une flotte de 1.000 véhicules, Vicat se prépare à installer une station de distribution, près de son usine iséroise de Saint-Egrève (Isère).

Un accord serait sur le point d'être validé avec Hympulsion, la joint-venture créée en 2019 par la Région, Michelin, Engie, la Banque des Territoires et le Crédit Agricole pour assurer la production et la distribution d'hydrogène.

"Cette station permettra d'alimenter les véhicules hydrogène du territoire identifiés dans le cadre du programme ZEV. D'ici à 2023, nous équiperons par ailleurs notre filiale transport en véhicules hydrogène, cette station servira donc aussi à nos propres besoins", détaille Marie Godard-Pithon.

L'ensemble de ces projets visent à alimenter la trajectoire bas carbone du cimentier, qui nourrit désormais l'objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050 grâce à ces différents leviers.