"Nous devrons être en configuration de combat pour début 2019". André Marcon, directeur de Nexter Systems Roanne, utilise les éléments de langage du secteur pour illustrer le chantier à mener dans les deux prochaines années. Un chantier Ressources Humaines XXL lié au programme Scorpion qui vise à assurer la modernisation de l'armée française.
1772 véhicules Griffon (véhicule blindé multi-rôles) et 248 Jaguar (véhicules de reconnaissance avec tourelle) devront être produits dans les treize prochaines années. Ces nouveaux équipements vont progressivement remplacer les VAB ainsi que les AMX10RC, les ERC Sagaie et les VAB Hot utilisés intensivement par l'armée de Terre depuis plus de trente ans. Dans le cadre de cette commande, Nexter est associé à Thales et Renault Trucks Defense. A Roanne, le systémier est chargé notamment de la fabrication des caisses, de l'intégration électronique et de la partie essais. Depuis deux ans, il travaillait au développement de ces nouveaux engins.
Deux ans pour recruter 200 personnes
Pour mener à bien cette commande, la première de cette ampleur depuis les 630 VBCI produits entre 2007 et 2013, Nexter Systems Roanne va devoir booster son effectif. 200 nouveaux entrants vont rejoindre, dans les deux ans, les effectifs du site roannais aujourd'hui établis à 800 personnes. A pourvoir : des postes de soudeurs, de peintres, d'ingénieurs, d'industrialisation, de logistique...
Un challenge autrement plus enthousiasmant pour l'industriel que la gestion du trou d'air de ces deux dernières années. Une gestion sans plan social, tient néanmoins à préciser la direction.
Mais avec une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) "quasi nulle", rétorque Jean-Pierre Brat, délégué central CGT, deuxième syndicat de Nexter.
"Le plan Scorpion est notifié depuis quatre ans, la direction a attendu beaucoup trop longtemps. Pendant deux ans, les départs n'ont pas été remplacés et le bureau d'études a externalisé plus de 25% de sa charge. Aucun recrutement pérenne n'a été fait en production alors que nous sommes montés jusqu'à 100 intérimaires ! Evidemment, maintenant nous sommes au pied du mur pour recruter une telle masse de salariés".
Pourquoi une telle latence? "Il est évident que le rapprochement avec KMV est primordial dans cette question. Des groupes de travail étudient actuellement la mutualisation des charges de travail entre les deux groupes", affirme le délégué syndical.
Trois gisements de candidats
Pour atteindre les objectifs de recrutement, trois sources de candidats ont été identifiées et vont être exploitées. D'abord le vivier d'intervenants réguliers (stagiaires, intérimaires). "Nous avons connu une baisse de charge depuis 2015 effectivement mais avec quelques pics d'activité durant lesquels nous avons fait appel ponctuellement à du personnel complémentaire que nous allons solliciter de nouveau", détaille Arnaud Barret, DRH.
Deuxième source de recrutement : le marché régional. Si le DRH compte effectivement sur cette manne, il temporise en assurant qu'aucun pillage ne sera fait dans les entreprises du territoire afin de ne pas déstabiliser l'équilibre économique et mettre éventuellement en péril des sous-traitants. "Nous serons très attentifs à ne pas recruter trop de salariés issus d'une même structure".
Enfin, Nexter Roanne entend bien s'appuyer sur ses apprentis. "Nous avions 30 apprentis jusqu'à présent, nous allons passer à 50, avec un objectif de 50 % d'embauches en fin de parcours. Nous vendons aux jeunes le fait que nous faisons de l'aluminium forte épaisseur, que nos lignes sont connectées avec des opérateurs équipés de tablettes..."
60 personnes ont déjà été recrutées cette année, 50 autres doivent encore venir grossir les troupes roannaises d'ici à la fin de l'année. Pour un solde 2017 positif de 50 seulement en raison des départs naturels (retraite, démissions...).
Réorganisation industrielle
Cette phase de recrutement est doublée d'une réorganisation industrielle. "Une seule équipe était constituée jusqu'à présent. Nous allons passer en 2X8, voire en 3X8", annonce Laurent Monzauge, directeur industriel. Un réaménagement (retrofit) massif a également été opéré et plusieurs dizaines de milliers d'euros (montant non communiqué) ont été investis dans une salle de réalité virtuelle destinée à la conception, à la formation et au recrutement. Grâce à cette salle, le process de montage est expérimenté en conditions réelles ce qui permet d'apporter des points d'amélioration pour plus d'ergonomie et de productivité. Les candidats peuvent être évalués rapidement et les salariés formés en conditions "réelles".
Les trois premiers Griffon seront livrés en 2018, puis 92 autres en 2019. Les cadences monteront jusqu'à 120 par an en vitesse de croisière.
Sujets les + commentés