"L'ubérisation ne doit pas toucher l'enseignement de la conduite automobile"

Patrice Bessone, président de l'Education routière du CNPA qui tiendra son 54 congrès national à Lyon, du 2 au 4 juin, s'insurge contre l'ubérisation pratiquée par des plateformes mettant en relation des moniteurs de conduite et des jeunes. Il attribue l'augmentation du nombre de tués sur les routes à des enseignements bâclés. Au plan économique il dénonce une distorsion de concurrence.

Acteurs de l'économie-La Tribune. Le 54e congrès national du CNPA (Conseil national des professions de l'automobile)* qui s'ouvre ce vendredi à Lyon pour trois jours, sera marqué par la signature d'une charte européenne destinée à promouvoir une éducation routière professionnelle de qualité. Cette "déclaration de Lyon", ainsi que vous la présentez, est-elle défensive ou offensive ?

Patrice Bessone. C'est offensif. Notre propos n'est pas de défendre un pré carré corporatiste. Nous voulons combattre l'ubérisation : elle a certainement du bon dans certains domaines mais elle n'a pas sa place dans l'enseignement de la conduite automobile. On n'imagine pas l'ubérisation de l'éducation nationale. Une auto-école doit être une école qui respecte un programme européen. Quand cet enseignement est bâclé le nombre de tués sur les routes augmente. En un an, d'avril 2016 à avril 2017, il a crû de 10 points en France. Et les jeunes sont les premières victimes. D'où cette déclaration qui sera adressée à Bruxelles. A Lyon seront réunis des représentants d'une quinzaine de pays : Europe du Nord, du Sud, Grande-Bretagne.

Vous dénoncez ce phénomène d'ubérisation. Les auto-écoles traditionnelles ne regardent-elles pas passer un train qui va dans le sens de l'histoire ?

Le sens de l'histoire c'est une trajectoire avec une direction. Non, les auto-écoles traditionnelles ne sont pas ringardes. Elles sont présentes sur le Net et dispensent des cours en e-learning. Nous nous attaquons à ces plateformes Internet qui mettent en relation des moniteurs avec des jeunes. C'est interdit. On ne peut tolérer ce principe : des enseignants faisant de la maraude au coin des écoles pour récupérer des clients. Il faut une totale traçabilité de ces personnes. Ont-ils un diplôme ou sont-ils des usurpateurs ?

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Ces plateformes de mise en contact, combien sont-elles ?

Difficile de les comptabiliser. Leur nombre est de plus en plus important. Cela prend une ampleur exponentielle. D'ailleurs, il y a quelques semaines - c'était avant l'élection présidentielle - nous avons été informés d'une instruction co-signée par trois ministères - Bercy, l'Intérieur et le Travail- rappelant que ces plateformes et leur enseignement, sans agrément, sont formellement interdits. Des consignes ont été transmises aux Préfets de faire procéder à des contrôles. Le problème est donc pris au sérieux au niveau de l'Etat.

Au-delà du nécessaire agrément des auto-écoles vous allez évoquer leur labellisation. N'est-ce pas déjà le cas ?

Si, mais il faut progresser dans cette démarche de labellisation. Nous ouvrons trois chantiers : introduire dans la pédagogie un corpus d'éléments labellisés, exiger des locaux corrects ainsi qu'une transparence eu égard au personnel et à la sécurisation des paiements effectués par les élèves. Il ne s'agit d'opérer façon Madoff et que l'argent des clients soit dépensé avant même d'avoir commencé leur instruction. Avec cette labellisation, qui sera prête en janvier 2018, nous voulons apporter les meilleures garanties aux consommateurs.

N'est-ce pas aussi une question de survie pour les auto-écoles traditionnelles ?

Ces plateformes, je le rappelle, pratiquent un travail illégal. Elles ne payent pas de charges sociales et peuvent ainsi annoncer des coûts de formations totalement irréalistes. Ceci crée une distorsion de concurrence. Depuis le début de l'année, il disparaît deux auto-écoles en moyenne chaque semaine. En janvier et février 2017 ont été recensées autant de fermetures que durant les douze mois de 2016.

*Le CNPA, qui se présente comme une filière dédiée à la sécurité routière, regroupe 130 000 entreprises de proximité totalisant 400 000 emplois.

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2017 à 20:58
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Les auto-écoles représentent un secteur particulièrement attaqué, et est plongé dans une grave crise existentielle pour ces entreprises comme pour leur 25.000 salariés !! On reproche aux auto-écoles d'être trop chères . Mais soyons réaliste : quel ...

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