La ruée vers l'e-sport

L'e-sport, c’est-à-dire la pratique du jeu vidéo en compétition, est en pleine expansion. D'ici à deux ans, il pourrait générer 1,2 milliard d'euros de revenus au niveau mondial. De quoi attirer l'appétit des grands comptes. Zoom sur cette activité, alors que se déroule ce week-end à Lyon, la 9e édition de l'E-sport Lyon.

Ce week-end, le Palais des sports de Gerland (Lyon) devrait afficher complet. Pourtant, ce n'est pas une équipe sportive professionnelle qui se produira, mais une compétition d'e-sport. Comprendre : du sport électronique, une pratique en plein boom médiatique et populaire en France. L'activité est sortie des garages obscurs pour les lumières des grandes salles.

"Notre objectif est de démocratiser l'e-sport. Nous souhaitons montrer que ce n'est pas une si petite bulle que cela, et qu'il existe un nombre important de fans", souligne Nicolas Di Martino, président de l'association Lyon E-Sport, qui organise la 9e édition du tournoi éponyme.

1,2 milliard de dollars de revenus

Avec 500 millions d'euros de dollars de chiffre d'affaires attendus en 2016 au niveau mondial, et 1,2 milliard d'ici à 2018 selon le cabinet Deloitte, cette discipline aiguise les appétits.

"Les aspects économiques à venir de la discipline sont gigantesques", assure Nicolas Di Martino.

En France, le phénomène prend de l'ampleur. Pour assurer le développement de la discipline, les acteurs ont besoin de financements, qu'ils peuvent notamment trouver chez les partenaires privés. Il faut simplement se pencher sur les partenaires de l'événement lyonnais - le plus important en France en termes de "cash prize" (15 000 euros de gain) - pour le comprendre : Coca-Cola, Orange, etc.

Pour ces acteurs privés, l'e-sport représente une forte cible commerciale, d'autant plus que cette communauté est très homogène.

"Les sponsors, particulièrement non issus de ce monde, visent ce public jeune", estime Nicolas Di Martino.

"Nous cherchons à toucher cette jeunesse urbaine dynamique, et également les familles de quadras avec des adolescents", dévoile Marie-Claude Foucré, déléguée régionale Lyon Orange. Coca-Cola a bien compris cela, trouvant dans cette discipline les valeurs de partage et communautaires qu'elle utilisent régulièrement dans ses campagnes publicitaires.

Niche pour les sponsors

En équipant techniquement le Palais des Sports, l'opérateur téléphonique souhaite "démontrer la performance de (ses) réseaux, notamment de la fibre optique alors que l'e-sport a besoin de stabilité et de gros débits. C'est une vitrine", estime Marie-Claude Foucré.

Une vitrine qui peut convertir de nouveaux clients.

"Les joueurs sont capables de changer d'abonnements et donc d'opérateurs pour quelques millisecondes de performance", souligne un acteur du secteur.

Du côté de LDLC, site de vente en ligne de produits informatiques, également partenaire, l'engagement est considéré comme "logique", sans toutefois cacher les retombées en termes de visibilité et de légitimité :

"Il s'agit d'accompagner les acteurs de l'univers dans lequel on évolue. Le but n'est pas de faire grossir notre chiffre d'affaires, mais d'entretenir l'esprit communautaire", explique Philippe Sauze, directeur général de LDLC.

En somme être au plus près de ses membres pour connaitre leurs besoins...

L'enjeu des droits de diffusion

Autre source de financement pour l'e-sport, la retransmission des compétitions. Le modèle est assez particulier : les éditeurs de jeux ont la main sur les diffusions en tant que producteurs. Il faut donc que les créateurs d'événements se mettent d'accord avec les éditeurs pour assurer la retransmission.

Si le modèle est encore à trouver, les acteurs privés ont déjà compris l'intérêt : celle de toucher une audience de masse. Exemple : l'achat du site spécialisé Millenium, et de ses équipes professionnelles de jeux vidéo, par le nouveau mastodonte Webedia.

"C'est pour eux un nouveau canal de diffusion pour leur régie publicitaire afin d'écouler leur forte demande", estime un connaisseur du secteur.

En effet, ces événements attirent de nombreux curieux. Par exemple, l'événement 2015 de Lyon E-Sport avait généré plus de quatre millions de vues. Chaque mois, 180 millions de vues sur Dailymotion concernaient déjà des vidéos relatives aux jeux.

Signe de l'appétence pour ce créneau, Amazon s'est emparé de Twitch, la plus importante plate-forme mondiale de diffusion de jeux vidéo en streaming, pour 970 millions de dollars (758 millions d'euros). Autre exemple de l'engouement, l'Équipe 21 assure désormais chaque vendredi soir la diffusion de rencontre d'e-sport football.

Cadre législatif

Alors que ce secteur est en pleine explosion, il n'a pour le moment pas de reconnaissance légale. Certes, depuis 2014 et la loi Hamon, l'e-sport est parfois affilié aux jeux d'argent et de hasard, une dénomination qui ne convient pas aux acteurs du secteur.

"L'enjeu est d'assurer une vraie reconnaissance de la discipline, en tant que sport, égal au football", plaide Nicolas Di Martino.

Les compétitions se déroulent dans une sorte de zone grise, notamment la distribution des fameux "cash prize", les récompenses financières attribuées aux vainqueurs.

Celles-ci se déroulent sous l'égide "d'une tolérance acceptée", assure le sénateur Jérôme Durain. Le parlementaire a justement été missionné par Axelle Le Maire, qui a ajouté un article sur l'esport dans la loi pour "une république numérique", pour réfléchir à un cadre réglementaire.

Notre mission s'inscrit dans deux volets : le premier est un enjeu d'ordre public : protection des mineurs, prévention contre le risque d'addiction, lutte contre le blanchiment d'argent, etc.

Le second est de donner un cadre pour favoriser le développement économique de la discipline, autour de laquelle rayonne tout un écosystème. Dans ce contexte globalisé, la France peut prendre une place intéressante", estime l'élu.

Mais pour assurer le développement de l'activité en France, il y a la nécessité d'organiser davantage l'écosystème estime le parlementaire :

"D'une manière générale, il manque un cadre fédérateur".

Jérôme Durain avance l'idée d'une "structure souple qui permettrait à tous les acteurs - éditeur, joueurs, associations, partenaires, etc. - d'être rassemblés autour de la même table".

De quoi assurer, d'une part l'essor économique de cette discipline, mais aussi de conserver son authenticité et le travail des acteurs historiques.

"C'est le monde associatif qui a construit l'émergence de l'e-sport, grâce à une forte autoproduction", rappelle Nicolas Di Martino.

Une piqûre de rappel, histoire de ne pas être mis hors-jeu.

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