Lyon, le quart d'heure américain

Lyon tourne de plus en plus le regard vers l'Ouest. Précisément vers Boston. La capitale rhônalpine veut s'inspirer de l'exemple américain des laboratoires urbains, des centres de R&D et des "usines" à startups pour gagner en attractivité, notamment dans les domaines du numérique, des biotechs et des cleantechs. Mais si le pragmatisme économique est essentiel, les coopérations politiques constituent un ressort non négligeable pour envisager la réussite du plan lyonnais.
A gauche, le maire de Boston Marty Walsh et Karine Dognin Sauze, vice-présidente en charge de l'innovation à la métropole de Lyon.

C'est une scène digne du théâtre politique américain, à l'heure où Donald Trump fait le show lors des primaires. Dans le bureau du nouveau gouverneur du Massachusetts, Charlie Baker, Karine Dognin Sauze, vice-présidente de la Métropole de Lyon se présente. C'est la première rencontre entre les deux élus.

La discussion, d'abord assez formelle, prend alors un tour inattendu, lorsque le grand Américain, toisant de 25 centimètres la Lyonnaise, provoque un "gimme five". L'objet de cette tape amicale spécifiquement étasunienne ? Le fait que Karine Dognin Sauze ait entamé un second mandat. Comme si, par cette "victoire politique", la responsable de l'innovation avait déjà gagné une part de considération de l'édile américain, au pays où les luttes de mandat font rage.

Une situation politique particulière

Cette première rencontre était déterminante. Car à Boston, capitale mondiale de l'innovation, où grands comptes côtoient startups à fort potentiel et généreux investisseurs, Lyon cherche à s'implanter. Et aussi parce que la cité du Massachusetts est en pointe sur le numérique, les biotechs et les cleantechs, des domaines au cœur de la politique économique métropolitaine. Avec les relations politiques d'un côté, le pragmatisme économique de l'autre, Lyon doit à présent tisser sa toile.

La défaite du gouverneur Patrick Duval (Démocrate), avec lequel la métropole de Lyon avait noué les premiers contacts avec l'État du Massachusetts en 2014, a rebattu les cartes. Il faut désormais composer avec le nouveau dirigeant républicain Charlie Baker. Une instabilité politique renforcée par le changement de municipalité de Boston, après l'élection de Marty Walsh (Démocrate).

"Ces rencontres politiques entre les responsables locaux et la Métropole de Lyon arrivent à un moment particulier, souligne Vincent Michelot, ex-directeur de Sciences Po Lyon et grand spécialiste de la politique américaine. Ces deux nouveaux dirigeants -gouverneur et maire - se posent dans une forme de rupture."

Pour appréhender ces changements, les équipes lyonnaises ont pu compter sur la présence et le dynamisme du corps diplomatique, en la personne de l'ambassadeur français aux États-Unis, Gérard Araud, et le consul de France à Boston, Valéry Freland.

Mise à part une maladresse - offrir en cadeau un livre sur Paris au gouverneur alors même que ce dernier reçoit une délégation lyonnaise ! -, ils ont été des entremetteurs importants pour la Métropole.

De nouvelles perspectives économiques

S'il faut refonder des liens de confiance, ces mutations politiques ouvrent ainsi de nouvelles perspectives de coopération. Au niveau de la municipalité, l'arrivée en janvier 2014 du résilient Marty Walsh, issu de la classe ouvrière catholique de Boston - victime d'un cancer à sept ans et ancien alcoolique -, doit engendrer une nouvelle politique à l'égard de l'international, après 21 ans de mandat de son prédécesseur, Thomas Menino.

"Le maire Menino estimait que l'internationalisation de sa ville passait uniquement par le secteur privé. Cela résultait d'une vision politique traditionnelle de l'establishment démocrate", estime Vincent Michelot.

À 48 ans, le nouveau maire, également démocrate, opte pour une approche différente de celle de son aîné, souhaitant, notamment, renforcer les liens avec les métropoles mondiales.

"C'est un moment idéal pour Lyon de se positionner, même si la concurrence est rude", estime l'ancien patron de Sciences Po Lyon.

En signant un mémorandum de coopération avec la ville de Boston, Lyon a montré son ambition et la ville américaine, son intérêt pour la ville rhônalpine. Au programme de ce document à dominante économique, le souhait de renforcer l'entrepreneuriat et les implantations d'acteurs économiques dans chacune des deux villes, sans oublier une dimension culturelle et sociale, vecteur de coopération et d'amélioration des niveaux de vie respectives des deux cités.

Boston Lyon

La bonne stratégie lyonnaise ?

La différence de couleur politique entre la Ville et l'État pousse la Métropole à composer avec les deux parties. Mais si les divergences entre le maire démocrate et le sénateur républicain peuvent exister, ils savent également travailler ensemble, comme l'a démontré le "gros coup" réalisé par deux collectivités avec l'implantation du siège social de General Electric, à Boston.

"C'est une collaboration ponctuelle et non pas structurelle, mais lorsqu'il le faut, ils savent se mettre d'accord", affirme Vincent Michelot. Lyon a, semble-t-il, bien compris cela et adopte donc la bonne stratégie en jouant sur les deux tableaux."

Mais si les relations politiques permettent de cadrer des coopérations, au pays du pragmatisme, rien ne vaut les réalisations pour les renforcer. En somme "passer rapidement du cadre théorique aux actions pratiques", analyse Vincent Michelot.

Passer un cap : la création d'emplois et d'activités

Dans ce domaine, la métropole de Lyon a semble-t-il adopter cette stratégie. La signature d'un partenariat avec le Massachusetts en 2014, puis la création du programme Big Booster d'accélération de startups entre Lyon et Boston, en témoigne, notamment en s'appuyant sur un acteur clé de l'écosystème local, le MassChallenge.

Et selon nos informations, elle souhaite approfondir ses liens, en lorgnant notamment sur deux autres entités à forte valeur ajoutée : le Cambridge innovation center et le Lab Center. Cependant, une fois la volonté politique affichée, c'est désormais aux acteurs privés de chaque territoire de trouver les termes des implantations, afin de faire fructifier les premières touches. Et c'est bien là l'enjeu :

"La collaboration doit aboutir à de la création d'emplois, d'activités, et d'intelligence", insiste Vincent Michelot.

Pour passer ce cap, les fortes relations politiques peuvent jouer.

"Peu de projets se réalisent sans le secteur privé. Celui-ci peut être sensible aux signaux politiques. Des accords de coopération entre les villes en sont. Cela donne une dynamique plus forte", estime le chercheur.

Si le politique est bien entré en scène, reste encore aux acteurs économiques à écrire le prochain acte.

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