Les salariés de STMicroelectronics reçus à Bercy, la division numérique menacée

Une délégation intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CGT ert UNSA) des salariés de STMicroelectronics doit être reçue ce lundi 7 septembre par le cabinet du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Face à une annonce jugée inquiétante par les salariés concernant la division numérique du groupe, ces derniers attendent des engagements de l’État français et Italien, qui possèdent ensemble 27,5% du capital du leader franco-italien des semiconducteurs.
Les salariés craignent l'arrêt de la division numérique du groupe, qui emploie 2.500 personnes dont 1.500 en France.

C'est une rentrée placée sous le signe de l'inquiétude pour les salariés de STMicroelectronics : quelques mois après l'annonce du PDG du groupe, Carlo Bozotti, qui avait affirmé en mai dernier devant les investisseurs réunis à Londres que les pertes de la division numérique (DPG), devenaient "intenables" et que "le problème devait être réglé", les syndicats ont sollicité une rencontre à Bercy pour exposer leurs inquiétudes. Ces derniers mois, ils avaient multiplié les manifestations à Grenoble et Crolles, et mis en place une pétition qui avait recueilli plus de 4.000 signatures, craignant notamment une mise à l'arrêt de la division numérique du groupe, qui emploie 2.500 personnes dont 1.500 en France.

Le site de Crolles dans le viseur

Si ce scénario venait à se confirmer, le site de Crolles, qui emploie près de 3.900 personnes, pourrait être particulièrement touché.

"Aujourd'hui, Crolles est la fab du numérique, avec des produits comme la Set-Top Box. Si on enlève le numérique, on n'aura besoin du 28 nm FDSOI que nous développons que dans 15 ans, pour les produits restants tels que les microcontrôleurs et les cartes de sécurité", met en garde Jean-Marc Sovignet, délégué central CFE-CGC de ST Microelectronics.

Plusieurs sources estiment que ST pourrait profiter de cette réorientation pour accueillir à Crolles une partie de l'activité microcontrôleurs du groupe, jusqu'ici effectuée sur le site de Rousset.

La stratégie pointée du doigt

A travers cette rencontre, les syndicats souhaitent également remettre en cause la stratégie du groupe, dont les objectifs et les dividendes remises aux actionnaires plomberaient selon eux les comptes et les ressources nécessaires aux investissements.

"Si l'on continue à demander un rendement de 10 % de marge opérationnelle, le groupe va devoir se séparer de certaines entités, ce qui pourrait poser un problème de développement à long terme", annonce le délégué syndical Jean-Marc Sovignet.

Face à une possible réorientation de ST sur le marché du numérique, les syndicats brandissent aussi la menace d'une perte de l'indépendance technologique de la France. "Pour nous laisser le temps de sortir les nouveaux produits, il nous faudrait un répit de un an et demi", glisse M. Sovignet.

A LIRE| STMicroelectronics : les syndicats demandent un changement de stratégie

L'État français, qui redoute les pertes d'emplois que pourraient susciter un tel revirement de stratégie, sera-t-il à même de taper du poing ? Apprécié de l'autre côté de la frontière, il se murmure que l'Italien Carlo Bozotti qui dirige le groupe depuis 11 ans pourrait bien à terme perdre le soutien de Bercy, s'il ne range pas du côté de la croissance durable voulue par l'État français.

Des investissements colossaux

Une chose est sûre : dans une industrie très gourmande en financements, et où les cycles de renouvellement des technologies de plus en plus rapides, ST peine à suivre la course. Cette année, le groupe franco-italien a été relégué en dehors du top 10 des vendeurs mondiaux de semi-conducteurs, publié par le cabinet IC Insight.

Alors qu'il a enregistré une perte de 22 millions de dollars au premier trimestre, le groupe a lancé fin 2014 un plan d'économies de 100 millions de dollars, comprenant la suppression de 450 postes dans le monde, dont 150 en France, sous forme de départs volontaires. D'après un article de Bloomberg, son chiffre d'affaires aurait même baissé de 17% depuis 2005 , entrainant plus de 8500 pertes d'emplois entre 2007 et 2011.

"L'abandon de la technologie traditionnelle sur silicium épais dans les années 2000 a généré des besoins en recherche monstrueux. Mis à part Intel, les autres groupes sont passés fabless ou se sont regroupés", constate Arnaud Bournel, responsable du master Information, Systèmes et Technologies à l'Université Paris-Sud et expert en Nanoélectronique pour l'Observatoire Français des Micro et Nanotechnologies (OMNT), dans une interview au magazine Acteurs de l'Economie à paraître en octobre.

Ce dernier estime toutefois que la technologie FD-SOI développée sur le site de Crolles en partenariat avec le CEA Leti et Soitec a tout de même permis de redoper les investissements, suscitant même chez certains concurrents des alliances, comme entre IBM Albany et GlobalFoundries.

Des aides qui pèsent lourd

Mais l'État français pourrait avoir un autre levier de négociation avec le groupe, dont il détient près de 12% du capital -tout comme le gouvernement Italien-. Instauré pour restaurer la compétitivité française dans le domaine, le plan français Nano 2017, dont ST est le chef de file, a reçu une enveloppe de 3,5 milliards d'euros, dont près de 600 millions d'euros sont financés par l'État (contre 1,3 milliards d'euros financés par ST).

S'il ne comportait pas d'engagements concernant l'emploi, ce plan prévoyait la création d'une nouvelle ligne de production permettant de passer de 4.500 à 7.000 plaques par semaine. Bien que le terrassement ait déjà été effectué, ce projet demeure pour le moment en stand-by. "Tout va dépendre des prévisions de ventes. Mais si nous n'avions pas eu l'investissement de Nano 2012 puis de Nano 2017, la FD-SOI ne serait jamais née et serait restée une belle idée française, aboutissant seulement à quelques prototypes comme le Concorde", nuance M. Sovignet.

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Commentaire 1
à écrit le 07/09/2015 à 21:24
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La perte sur le 1er trimestre était bien sûr de 22 millions de dollars et non milliards...

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