Le modèle allemand est-il transposable aux ETI rhônalpines ?

Si Rhône-Alpes est parfois comparée à l'Allemagne au nom de son fort ancrage industriel, du dynamisme de ses clusters ou pôles de compétitivité et de sa capacité à l'export, la région n'en reste pas moins profondément marquée par sa culture française. Certaines bonnes pratiques peuvent cependant inspirer quelques dirigeants d'ETI.

"En France, le choix qui a été fait est celui d'accompagner et de mettre un coup de projecteur sur nos grands champions nationaux. Cela a connu un certain succès. Le problème est que ces grandes entreprises sont devenues mondiales et ne sont pas restées françaises, observe Alexandre Moulin, commissaire au redressement productif en Rhône-Alpes. En revanche, le pays n'a pas fait le choix conscient d'accompagner les entreprises du milieu, comme c'est le cas en Allemagne". Cinquante ans plus tard, Rhône-Alpes a-t-elle les moyens de renverser ce modèle culturel ?

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Le secret des ETI allemandes résiderait dans l'identification permanente de la demande du marché, permettant de proposer le bon produit. La raison ? "Leur grande force réside dans l'information. Les fédérations professionnelles exercent une formidable veille du marché. Des microfédérations aux branches globales, tout le monde est impliqué. Un mouvement impulsé par le bas, qui n'a rien à voir avec la veille des préfectures françaises pour les PME", observe Isabelle Bourgeois du centre de recherche et d'information sur l'Allemagne (Cirac) à l'université de Cergy Pontoise. Une toile invisible moins structurée en France, atteste Bertrand Rambaud, Pdg du groupe de capital investissement Siparex : "Les syndicats professionnels de certaines filières sont souvent puissants , mais les dirigeants agissent en général seuls. Connaissant bien leur marché, ils savent souvent qui fait quoi aux niveaux national et international. Leur vision est, en revanche, plus restreinte sur les autres filières". Les vrais lieux de rencontre sont encore rares. "En matière d'exportation, ceux qui ont réussi dans un pays devraient raconter leur histoire, crééer dans leur sillage des bonnes pratiques juridiques, de marché…", propose Elisabeth Ducottet, Pdg de Thuasne. Pour ce faire, les ETI allemandes peuvent aussi compter sur l'omniprésence des foires et expositions outre-Rhin, qui génèrent mobilité humaine et communication permanente. "Les entreprises échangent même avec des concurrents lors de ces manifestations, le contact est permanent et permet de se tenir au courant de la situation générale et des bonnes pratiques dans chaque pays, insiste Isabelle Bourgeois. La région, la CCI, les pouvoirs publics ne devraient pas intervenir directement mais plutôt encourager ces ETI et PME à toujours plus échanger, à faire de la formation, à accroître la présence sur les foires et salons. Ce qui commence à se mettre en place doucement dans des régions comme Rhône-Alpes", ajoute la rédactrice en chef de la revue Regards sur l'économie allemande. La tradition d'individualisme est d'ailleurs parfois rompue grâce aux contraintes économiques. "Songez à la vallée de l'Arve en Haute-Savoie pour le décolletage ou à celle du Haut-Bugey dans l'Ain pour la plasturgie. La crise, les pôles de compétitivité et les nouvelles générations ont favorisé les rapprochements", illustre Patrick Martin, Pdg du groupe Martin Belaysoud à Bourg-en-Bresse.

Stabilité des relations

Dissemblance de taille, les ETI allemandes disposent de marchés captifs grâce à leurs relations privilégiées avec des grands groupes, quand ceux-ci en France adoptent une vision beaucoup plus utilisatrice que partenariale. "Areva se comporte bien en Rhône-Alpes. Le groupe est un des rares à avoir compris qu'il avait besoin d'un Hinterland de fournisseurs ancrés territorialement", remarque Patrick Martin. En Allemagne, l'activité entrepreneuriale "du cru" est prépondérante. "Les acteurs économiques sont conscients d'appartenir à un même territoire et d'œuvrer à sa santé économique. En France cette notion de proximité a été oubliée. Les PME ne sont que des succursales à presser", déplore Isabelle Bourgeois.

Cordons solides de la bourse

Enfin le capital des ETI en France n'est pas assez protégé. "Les structures allemandes sont très peu cotées, et donc à l'abri des OPA et achats inappropriés", rappelle Jean-Luc Gaffard, directeur du département de recherche sur l'Innovation et la concurrence à l'OFCE. Car les banques régionales exercent un grand rôle. Les Länder sont actionnaires de référence des caisses d'épargne, qui aiguillent la manne vers les ETI locales. Les "Sparkassen" représentent 40 % du marché de financement des entreprises. Les grosses entreprises, elles, font appel aux banques publiques régionales ou aux banques commerciales privées. "Nous avons oublié ce système en France, la BPCE n'a plus ce même rôle", soutient Isabelle Bourgeois, convaincue que Rhône-Alpes dispose d'atouts à faire valoir, notamment au niveau des infrastructures de transport, sachant que les filières se développent sur les points nodaux. "Il lui faut simplement emprunter quelques bonnes pratiques au voisin allemand, en terme de réseaux et de collaboration "bottom-up". Comment voulez-vous que l'Etat, à distance, entretienne des filières et décide des pôles de compétitivité dans les territoires ?" 

 

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