Réseaux sociaux d'entreprise  : la révolution est en marche

Un nombre grandissant de sociétés déploie un réseau social en interne. Cette innovation managériale favorise l'intelligence collective et l'émergence des talents en cassant les silos au sein de l'entreprise. A condition d'accompagner le changement et de mettre en place des garde-fous.
Les réseaux sociaux d'entreprise accélèrent le passage d'une communication verticale à un modèle horizontal.

Très vite adoptés par le grand public, les réseaux sociaux imprègnent désormais le cœur de l'entreprise au point d'opérer un véritable changement de paradigme. « La crise actuelle est un basculement clair et net au sein duquel un nouveau modèle doit émerger », analyse Richard Collin, professeur à Grenoble école de management et président du cabinet de conseil Nextmodernity. Ce modèle en émergence se traduit par un rapport nouveau des individus à l'information. « De plus en plus, la jeune génération réfute le modèle top-down qui consiste à relayer la voix de son maître », constate Richard Collin. Les réseaux sociaux d'entreprise (RSE) sont un symptôme majeur de cette transformation qui met à mal le modèle hiérarchique pyramidal en cassant les silos au sein de l'entreprise.

Intelligence collective

Ces réseaux internes, qui permettent aux salariés de créer des communautés et de partager leurs savoir-faire, accélèrent le passage d'une communication verticale à un modèle horizontal basé sur l'autonomie et la confiance. Cet échange transversal entre les collaborateurs favorise la cocréation et l'émergence d'une intelligence collective au sein de l'entreprise 2.0. « Rappelons que 25 % des innovations proviennent de la R&D et que le reste naît de l'interaction entre les salariés, souligne Antoine Hébert, directeur marketing de l'agence web Novius (Lyon). De la même manière, 80 % de la formation en entreprise se fait de manière informelle. » Chaque collaborateur devient ainsi un intrapreneur en puissance. « Le réseau social d'entreprise permet l'identification et la gestion des talents au sein de l'entreprise, note Benoît Pain, fondateur de la société de conseil Komunote (Lyon). Il renforce le sentiment d'appartenance du salarié, contribuant ainsi à réduire le turnover. »

Communication « pull »

L'agence de communication Insign (Lyon) a récemment mis en place un réseau ouvert à sa centaine de salariés. Une expérience concluante. « L'avantage du RSE c'est qu'il s'agit d'un mode de communication « pull » et non « push », à l'opposé du harcèlement par mail, estime Vincent Pontier, responsable RH de l'entreprise. L'information est disponible sur le réseau et je peux la consulter si elle m'intéresse. Au final, elle arrive précisément là où elle doit aller. C'est le contraire d'une sur-communication. Ainsi, avec le temps, le réseau constitue une base de connaissances incroyable, une sorte de petit Google interne que l'on peut consulter via un moteur de recherche. » Pour Bruno Michel, Pdg de la société de courtage en assurances MVRA (Lyon), le déploiement d'un RSE a changé l'ambiance générale de l'entreprise. « Cela a humanisé les rapports entre les salariés car sur le réseau ils ne parlent pas que de travail. »
Pour autant, le nombre d'entreprises ayant franchi à ce jour le pas du réseau social interne reste marginal. Mais ces « early adopters » sont de plus en plus nombreux. Jérôme Chirat, dirigeant de la SSII Web2m (Saint-Étienne) éditrice du réseau Oolaop, constate une « très nette accélération » de la demande, notamment de la part des PME et des grands groupes. Les entreprises intermédiaires semblent pour leur part rester en retrait. « Elles ont souvent des méthodologies de travail très établies, cela rend l'outil d'autant plus difficile à installer », avance Jérôme Chirat.

Nouvelle sphère d'influence

Mais posséder l'outil ne suffit pas. En effet, selon une étude réalisée auprès de 1 000 entreprises dans le monde, et publiée au mois d'avril par le cabinet Gartner, seuls 10 % des projets de déploiement d'un RSE réussissent. Cet écueil est souvent lié à l'absence d'objectif stratégique et le manque d'accompagnement des salariés dans l'appropriation de l'outil. « Il est nécessaire en amont de déterminer pourquoi je souhaite mettre en place un réseau social d'entreprise et quelles en seront les applications concrètes (synergies commerciales entre filiales, pure communication interne...), insiste Benoît Pain. En fonction de cela, il sera possible de mettre en place des indicateurs de mesure. »
Les freins à la mise en place d'un RSE tiennent essentiellement à la culture de l'entreprise. « Si le management reste dans un mode pyramidal, alors il y a incohérence totale, note Benoît Pain. Cela signifie que la culture de l'entreprise n'a pas évolué avec son ambition. » Les réseaux sociaux impliquent un aplatissement du schéma hiérarchique et la constitution d'une nouvelle sphère d'influence que redoutent bon nombre de managers. Selon Laurence Magaud, consultante en web-marketing à Saint-Étienne : « Au-delà des titres et fonctions, un RSE vient révéler les vrais influenceurs dans l'entreprise. C'est en quelque sorte une nouvelle grille hiérarchique qui se superpose à l'ancienne, ce qui, pour certains salariés, peut s'avérer dangereux. » Le nouvel influenceur est celui qui va apporter une valeur ajoutée dans la production de contenu ou une expertise sur un sujet. Il ne s'agira pas forcément d'un manager. « Il faut bien comprendre que dans ce nouveau contexte, le pouvoir consiste avant tout à être capable de rayonner, ajoute Antony Bleton, Pdg de Novius. C'est quelque chose qui ne se décrète pas par un galon mais se construit au fil du temps. Et cela, pas mal de cadres ne l'ont pas encore intégré. »

Bonnes pratiques

Pourtant, à l'opposé d'une circulation anarchique et incontrôlée de l'information, un réseau social d'entreprise bien pensé en amont multiplie les garde-fous. A commencer par la rédaction de bonnes pratiques qui définit clairement ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Un cahier des charges dont il faut constamment s'assurer du respect afin d'éviter les débordements. « Comme en externe les entreprises ont un community manager, il faut un équivalent en interne, estime Coryne Nicq, dircom freelance à Lyon. Mais il est important que le salarié désigné pour endosser ce rôle dispose d'un degré d'information suffisant sur la stratégie de l'entreprise et qu'il ait les mains libres. A l'idéal, il faudrait qu'il s'agisse d'un membre du comité de direction. Je suis toujours interloquée de constater que l'on confie ce genre de poste à un jeune salarié voire à un stagiaire. » Il est également recommandé de désigner un animateur pour chaque groupe ou communauté du réseau.
Une fois le dispositif en place, la clé du succès réside dans l'exemplarité de la direction dans l'utilisation de l'outil. « Dès le lancement, le Pdg doit poster sur le réseau afin de montrer que tout le monde doit y être, confirme Bruno Michel. C'est un système qui doit arriver par le bas et ne pas être imposé par le haut. »

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