Jean-Louis Baillot : « Je regrette ces pratiques »

Jean-Louis Baillot, directeur général d'Ikea France de 1996 à fin 2009, sort de son silence. Il reproche à l'actuelle direction générale de l'avoir "lâché" et dément avoir été à l'origine ou avoir eu connaissance des pratiques d'espionnage.

Des faits graves se sont déroulés dans la société que vous avez dirigée de 1996 à 2009. Comment le directeur général que vous avez été pouvait-il les ignorer ?

 

Je n'avais pas connaissance des faits tout simplement parce que le responsable de sécurité est rattaché opérationnellement au directeur administratif et financier et ne répond pas au directeur général. Les faits qui sont reprochés à Ikea, les fichiers Stic, l'espionnage des clients, des salariés… non seulement je n'ai jamais demandé ces informations, mais en plus je n'en ai pas été destinataire. Elles ont été adressées par les prestataires extérieurs au directeur de la sécurité d'Ikea France, Jean-François Paris, qui les a ensuite, je pense, communiquées aux directeurs de magasin.


Ne vous êtes-vous pas étonné de la provenance de ces informations ?

 

Je ne savais pas que ces informations étaient en notre possession. Je n'étais pas destinataire de ces mails. Sauf ceux qui concernaient l'affaire Virginie Paulin, directrice adjointe du département Communication/Aménagement. C'est par elle que je suis rattachée à cette histoire. Virginie Paulin dépendait de la direction générale d'Ikea. Or j'ai appris que pendant son arrêt maladie, elle partait dans une résidence secondaire à Essaouira [Maroc]. J'ai donc demandé à la DRH de mandater des organismes habilités à opérer un contrôle à son domicile. J'ai aussi réclamé à la direction de la sécurité de s'assurer qu'elle était bien chez elle. Jean-François Paris a employé les moyens qui sont les siens et je considère comme acquis le fait qu'ils soient légaux. De là est né l'amalgame. Ce n'est pas parce que j'ai demandé une vérification que je suis à l'origine du reste.


Ce que vous avez demandé en terme de vérification, pensiez-vous être en droit de le faire ?

 

L'entreprise déplore entre 5 et 7 % d'absentéisme et pratique régulièrement des contrôles sur des personnes qui sont en arrêts maladie ; voilà pour ce qui relève de la responsabilité de la direction des ressources humaines. Comme directeur général, si je soupçonne un membre du comité de direction de fraude, je suis dans l'obligation de prévenir la direction du risque. Et je considère que le responsable sécurité connait le cadre légal des actions qu'il entreprend. Je lui fais confiance. Je regrette que ces pratiques aient eu cours dans l'entreprise, j'y aurais mis un terme si j'en avais eu connaissance. En tout cas je les condamne.


Une direction juridique ou un "déontologue" auraient-ils pu alerter la direction ?

 

Il est clair qu'il manque chez Ikea une structure juridique qui pourrait intervenir sur ce genre de pratiques. Nous ne sommes pas formés pour cela. Et c'est valable pour tous les pays où l'entreprise est présente.


Votre successeur à la direction générale, Stefan Vanoverbeke, annonce qu'il va réformer la gouvernance d'Ikea France parce que ces pratiques et cette "culture" n'ont pas court dans les autres pays dans lesquels l'enseigne est installée. Cela correspond-il à ce que vous connaissez de ces pratiques ?

 

Dans tous les pays où Ikea est présent, il existe la même structure. Et donc la possibilité des mêmes dérives. A cause de cela, Ikea est très souvent stigmatisé dans les médias. A preuve, tout ceci a continué après mon départ. Et mon successeur est confronté aux mêmes problèmes que moi.


Les services de sécurité existent dans tous les pays. Le reproche porte sur le fait que vous ayez obtenu des informations qui relèvent de la vie privée. Que répondez-vous à ces accusations ?

 

Je n'ai pas demandé ces informations. Ma mise en cause serait justifiée si le responsable sécurité avait été sous ma responsabilité. Mais je ne vois pas les rapports, je n'ai strictement aucun contact, je ne vois pas les factures ni les contrats qu'il engage au nom d'Ikea. Si je suis licencié, quel sort faut-il alors réserver à celui qui m'a succédé ? Le directeur général actuel Stefan Vanoverbeke est en place depuis fin 2009. Il était à cette fonction lorsque des faits très graves se sont déroulés dans les magasins de Franconville et de Thiais : une infiltration dans le premier et la surveillance d'un délégué dans le second. Mieux encore, il était, en plus de sa fonction, directement responsable de cinq magasins en France, dont ces deux là. Même question pour son adjointe, Catherine Bendayan, dont le nom figure en copie des mails publiés par la presse. Aucun d'eux n'a été inquiété d'une quelconque manière. Pourquoi ? Où est la cohérence ? 

 

 

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