Plan de bataille

Le pôle de recherche et d'enseignement supérieur de Lyon : gestion et organisation d'un projet kafkaïen. Décryptage.

Le Pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) baptisé Université de Lyon, qui a adopté pour forme juridique l'Etablissement public de coopération scientifique (EPCS), est , de loin, celui qui en France agrège le plus grand nombre d'établissements : six « fondateurs », sélectionnés pour leur compétence à délivrer des thèses doctorales universitaires (universités de Lyon 1, Lyon 2, Lyon 3, les Ecoles normales supérieures Sciences et Sciences Humaines, l'Ecole centrale), et onze « associés » : l'Université Catholique, l'IPL (regroupant le CPE, l'ECAM, Isara, l'Itech), l'Ecole vétérinaire, l'ENTPE, l'IUFM, l'IEP, l'Enssib, l'INRP. La gouvernance a fait l'objet d'une âpre bataille. Chaque membre du premier « groupe » détient une voix au sein du conseil d'administration, l'ensemble des enseignes « associées » représentant trois voix. Au sein d'un CA riche de trente-quatre personnes siégeront également des personnalités qualifiées, et seront représentées les collectivités locales et les communautés scientifique, professorale, étudiante. Une fois opérationnel, dans les semaines qui suivront l'application du décret espéré fin mars, le PRES se constituera pour rassembler, d'ici trois ans, jusqu'à 80 salariés équivalents temps plein. Une vingtaine proviendra du Pôle Universitaire de Lyon, automatiquement absorbé, au mieux cinq postes devraient être financés par l'Etat, et le reste des créations d'emploi résultera de transferts  opérés par chaque établissement. Les budgets de fonctionnement et d'investissement, là encore, seront issus pour l'essentiel d'une réorientation d'une partie des budgets de chaque membre, complétés par l'Etat (à puiser parmi la cinquantaine de millions d'euros alloués à l'ensemble des PRES français) et le Contrat de projets Etat/Région. Quarante actions, hiérarchisées, ont été établies. Les principales portent sur la distribution d'une carte étudiante commune aux 93 000 bénéficiaires (coût estimé : 1 million d'euros), l'hébergement géographique et fonctionnel des dix-sept écoles doctorales - chacune, en fonction de sa matière, fait coopérer les enseignants-chercheurs de plusieurs établissements - désormais réunies sous le sceau d'un collège doctoral, la concentration au sein de Lyon Science Transfert des initiatives de valorisation de la recherche, la création de dix masters d'excellence transdisciplinaires impliquant plusieurs établissements (les premiers porteront sur la biosciences et sur les nanotechnologies), la promotion groupée du nouvel ensemble à l'international, enfin la double mention Université de Lyon/nom de l'établissement aussi bien pour la délivrance des doctorats que pour la signature des publications - cette dernière initiative ayant fait l'objet d'une impressionnante bataille sémantique, symptomatique de l'extrême fébrilité du climat et des égotismes en jeu - . Egalement au programme : la création d'un silo documentaire (coût : dix millions d'euros), d'un schéma directeur pour l'ensemble des bibliothèques, d'un système d'information unifié, d'une ingénierie de réponse aux appels à projets européens, de faculty clubs, de meilleures conditions d'accueil des chercheurs étrangers…


Kafkaïen

Le PRES et son cahier des charges devront prendre place dans - c'est-à-dire tout à la fois composer avec, s'intercaler dans, se soustraire à, se coordonner, dynamiser… - un paysage kafkaïen, qui entremêle, stratifie, parfois met en concurrence une myriade de structures (Alliance des grandes écoles de Rhône-Alpes, Conférence des grandes écoles…) et de dispositifs. Parmi ces derniers, destinés à soutenir, notamment financièrement la coopération recherche et enseignement inter-établissements : les pôles de compétitivité, l'Agence nationale de la Recherche (ANR), les Réseaux thématiques de recherche et de soins (trois viennent d'être élus à Lyon, dans les domaines neurologique, de transplantation, du cancer), les instituts Carnot, et les Réseaux thématiques de recherche avancée. Seuls deux RTRA sur les quatre postulant ont été labellisés, dans les domaines de l'infectiologie, et des sciences humaines et sociales (ce dernier ayant donné naissance à un institut d'études avancées qui compte parmi ses membres fondateurs des établissements qui, à l'instar d'EM Lyon, ont refusé d'intégrer le PRES). Au plan régional, le PRES de Lyon cohabitera avec celui de Grenoble. « Et surtout devra coopérer », réclame Roger Fougères, vice-président de la Région en charge de l'enseignement supérieur, qui exhorte le premier à se rapprocher de Saint-Etienne, et le second des Savoie. Vœu à ce jour chimérique, l'agglomération stéphanoise préférant lorgner vers le pôle clermontois.


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