Bachelors  : bienvenue dans la jungle

Face au déclin des classes prépa, l'offre de formations de type bachelor a explosé ces dernières années. Mais ce modèle post-bac en trois ans emprunté aux pays anglo-saxons est-il vraiment adapté aux besoins des entreprises françaises ? Et comment s'y retrouver dans un offre aussi pléthorique qu'illisible ? Décryptage.
L'EM Lyon va ajouter deux bachelors à son offre.

A la rentrée prochaine, l'ESC Saint-Étienne deviendra le troisième campus de l'EM Lyon. Un rapprochement qui permettra à la grande école lyonnaise d'ajouter à son offre actuelle les deux bachelors de sa petite sœur stéphanoise. Créneau sur lequel celle-ci est bien positionnée. « Notre intérêt est de développer un programme bachelor d'excellence », affirme Bruno Bonnell, président du conseil d'administration d'EM Lyon. Avec un objectif, à terme, de 2 000 étudiants, « l'ambition est de devenir l'un des premiers bachelors de France », renchérit Benoît Fabre, président du conseil de gouvernance de l'ESC Saint-Étienne.

Déclin des classes préparatoires

Dans un contexte de déclin structurel des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), l'EM Lyon (dont le directeur général Philippe Courtier a refusé de répondre à nos questions) a bien compris son intérêt. Rares sont aujourd'hui les écoles de commerce qui ne proposent pas une formation post-bac en trois ans. « C'est un moyen d'assurer des effectifs dans une période ou les classes prépa commencent à s'essouffler, observe Frédérique Dreux, responsable de la commission communication du réseau Bachelor EGC. Pour les écoles, le bachelor est un relais de croissance et une diversification. C'est pour cela qu'il a le vent en poupe. » En clair, les business schools françaises préparent l'après-prépa. Et pour cause, selon la Conférence des grandes écoles près d'un étudiant sur deux intègre désormais une grande école en passant par des voies parallèles. « Le comportement des étudiants a clairement changé, notamment parce que les passerelles entre les cursus sont plus visibles qu'auparavant », confirme David Weinling, directeur de l'Ifag (Lyon).

Le meilleur et le pire

Dans cet environnement en mutation, le bachelor séduit un nombre croissant d'étudiants. « Ce qui fait la différence, c'est la formule 'école', estime Thierry Debay, directeur des admissions à la CCIP et chargé d'organiser le concours Atout + 3. Les bachelors proposent des périodes de stage, des expériences à l'international, un accompagnement voire un coaching de l'étudiant. C'est ce qui plaît. » Autre atout : « le bachelor s'inscrit parfaitement dans une logique européenne organisée autour du LMD (licence - master - doctorat) », insiste Julie Arbeit, chargée de communication du groupe Ipac, présent notamment à Annecy, Chambéry et Annemasse.
Mais le développement effréné des formations bachelor ces dernières années a aussi son revers : l'offre est devenue illisible. Et dans cette pléthore, difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. En Rhône-Alpes par exemple, on peut recenser une vingtaine d'établissements proposant un ou plusieurs bachelors. Or, seules cinq de ces formations de niveau bac + 3 sont visées par l'Etat, summum en matière de reconnaissance académique. « Pour obtenir le visa, il faut un corps professoral permanent et de qualité, souligne Frank Bournois, président de la CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion). En dehors des établissements visés, vous pouvez rencontrer le meilleur et le pire. »
L'autre reconnaissance, nettement plus répandue parmi les bachelors, c'est l'inscription au Registre national des certifications professionnelles (RNCP). Moins prestigieuse que le visa, cette inscription ne préjuge en aucun cas de la qualité de la formation sur le plan académique. « Nos critères portent notamment sur l'opportunité de la qualification par rapport aux besoins de l'économie et sur l'insertion professionnelle des diplômés », détaille Habib Marande, chargé de mission pour la Commission nationale des certifications professionnelles (CNCP).

« Boîte à fric »

Illisible, l'offre de bachelors l'est à plusieurs égards. A commencer par la sélection à l'entrée, qui va du simple recrutement sur dossier au concours écrit. A ce titre, on comptabilise pas moins de quatre banques d'épreuves (EGC, Atout + 3, Ecricome bachelor et FBS) rassemblant chacune un nombre plus ou moins important d'établissements. Sans omettre les concours propres à certaines écoles. « Contrairement à ce qui existe avec les prépas, il n'y a pas d'organe centralisateur pour les bachelors », commente Thierry Debay.
Même hétérogénéité en matière de frais de scolarité, dont la fourchette varie du simple au triple avec un plafond proche des 10 000 euros par an. « Le bachelor est une boîte à fric », tranche Jean-Armand Barone. Le directeur de l'Institut Marc Perrot (Lyon) a, pour sa part, opté pour une autre solution afin de proposer des formations bac + 3. Il a mis en place des diplômes avec des universités étrangères (Grande-Bretagne et Canada). « Cela nous permet de contourner le système français », explique-t-il.
Difficile enfin de comparer les bachelors en fonction de l'insertion des jeunes diplômés et des salaires à la sortie. Là encore, les chiffres varient considérablement. Ainsi, le réseau d'écoles EGC avance un taux d'insertion de 75 % à moins de six mois et une rémunération comprise entre 18 et 25 000 euros bruts annuels. Pour le bachelor CMI de l'ESC Saint-Étienne, la fourchette va de moins de 20 000 à plus de 30 000 euros. Quant au bachelor International business de Grenoble école de management, il revendique un salaire moyen à l'embauche de plus de 38 000 euros !

Logique de diplôme

Reste qu'une grande partie -si ce n'est une majorité- des diplômés de bachelors choisissent de poursuivre leurs études jusqu'au master. La faute aux recruteurs. « En France, on embauche beaucoup sur une logique de diplôme, regrette Thierry Ravigneux, gérant du cabinet de conseil en ressources humaines HDA & S (Lyon). Il y a un gros travail à faire auprès des entreprises afin qu'elles accueillent plus facilement des profils bac + 3. Car ils peuvent faire des candidats extrêmement intéressants aussi bien pour les PME que dans les grands groupes. » C'est l'une des raisons qui poussent aujourd'hui Sylvie Chenivesse, directrice déléguée de Supdepub Lyon, à s'interroger sur la pertinence de la formule bachelor. « Les DRH croulent sous les CV de diplômés bac + 5 qui acceptent de travailler pour un salaire de bac + 3 », résume-t-elle brutalement.
Phénomène récent, le bachelor n'a pas encore fait sa place dans les entreprises françaises. « Pour l'instant, il y a très peu de recul sur les bachelors, note Yves Baillet, du cabinet Profil RH (Lyon, Annecy). Nous n'y sommes sensibles que depuis un an ou deux. » Une étude récente de l'Ifop pour le réseau Atout + 3, résume la situation en un chiffre : moins d'un recruteur sur cinq sait précisément ce qu'est un bachelor.

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