Numérique : où sont les femmes ?

Dans le numérique, les femmes représentent 27 % des effectifs. Un pourcentage encore plus faible dans les métiers à dominante technique de ce secteur, tels que l'ingénierie informatique. Parmi les causes identifiées : l'orientation. Pourtant, depuis quelques années, les lignes bougent. Dernier mouvement en date : le lancement du hashtag #JamaisSansElles.
Chez Simplon Lyon, sur 24 élèves, 11 sont des femmes. Dans les écoles d'ingénieur, elles ne représentent que 8 % des étudiants selon le Syntec Numérique.

Concentrée, Michèle s'attelle à son ordinateur. Autour d'elle, une vingtaine d'élèves assistent aux cours dispensés par Simplon Lyon. Tous ont le même objectif : se former aux métiers du numérique. Mathilde Aglietta dirige cette école pas comme les autres, où "des personnes habituellement peu représentées dans le numérique ont accès à une formation gratuite." Le seul réel critère de sélection repose sur la motivation.

À 37 ans, Michèle avoue avoir "fait plein de choses" avant d'intégrer Simplon en octobre. Mais lorsqu'elle a codé pour la première fois, "ce fut comme une révélation." Si bien qu'elle compte désormais en faire son métier : "Je voudrais plutôt me spécialiser dans du back end", détaille-t-elle. Autrement dit, dans le développement non-visible d'une application ou d'un site internet.

Prise de conscience collective

Dans sa promo de 24 élèves, 11 sont des filles. Étonnant lorsque l'on sait que "le numérique compte 27 % de femmes, alors qu'elles représentent 48 % de la population active", selon Fabienne Billat, responsable de l'antenne Femmes du numérique à Lyon, commission du Syntec numérique (Syndicat des professionnels du numérique), qui vise à promouvoir l'égalité entre hommes et femmes dans ce secteur.

Car, en termes de parité, les choses ne vont pas de soi dans le digital. On ne recense que 12 % de femmes au sein des développeur informatiques, un métier plus technique. Avec seulement "8 % de filles dans les écoles d'ingénieur" selon le Syntec numérique, ce sont essentiellement "les métiers les plus techniques, comme celui de développeuse, qui sont les plus touchés par le manque de féminisation", comme le souligne Agnès Crépet, membre de l'équipe Duchess France, une association destinée à promouvoir les développeuses et les femmes ayant des profils plus techniques, mais aussi co-fondatrice de Ninja Squad.

Depuis quelques années, plusieurs mouvements se sont donc créés pour favoriser l'accès des femmes aux emplois du secteur numérique. Dernier en date, cet appel, lancé sous le hashtag #JamaisSansElles par une vingtaine d'acteurs du numérique. Des hommes pour la plupart.

"Dorénavant, nous ne participerons plus à aucune manifestation publique ou événement médiatique [...] qui ne compteraient aucune femme", écrivent-ils par exemple.

Simplon

En tant que femme, Michèle avait des a priori sur le développement informatique. Mais elle les a rapidement abandonnés.

Pour l'association Girlz in web, dont une antenne se situe à Lyon depuis juin 2015, la tendance évolue vers une prise de conscience du besoin de féminisation du secteur. Avec pour preuve la multiplication des initiatives allant dans ce sens :

"Nous souhaitons mettre en avant les carrières de femmes du numérique, en les invitant à participer à des événements sur des sujets dont elles sont expertes", détaille la coprésidente Marie-Amélie Frere.

Alors pourquoi les femmes sont-elles si peu représentées dans ce secteur, qui englobe tout aussi bien le marketing numérique que les métiers d'ingénierie informatique ?

Formation : sensibiliser en amont

Pour nombre de professionnels, l'origine est à chercher lors du choix d'orientation dans l'enseignement supérieur. Selon Olivier de la Clergerie, directeur général du groupe LDLC, "comme le métier est nouveau, nous le rattachons à des clichés d'un univers masculin." Un problème qu'il connaît parfaitement : alors que le groupe a ouvert une école du numérique à Lyon en septembre 2015, sur les 26 étudiants, on ne compte aujourd'hui aucune fille.

"Je m'insurge contre cet état de fait : le numérique n'a aucune raison d'être discriminant."

Pour faire bouger les lignes dans les années à venir, il faut, selon lui, "commencer par sensibiliser dès le plus jeune âge". Dans ce sens, l'école organisera plusieurs journées portes ouvertes - la première a lieu le 6 février - "pour amener les parents à prendre connaissance de ce secteur".

Pour Olivier de la Clergerie, "les métiers du numérique ne sont plus autant typés, car ils incluent le marketing et la communication."

Au sein de l'école d'informatique Epitech Lyon, le ratio filles/garçons est légèrement plus élevé. En première année, on compte 8 filles au sein d'une promotion de 150 étudiants. "Dans ma promotion par contre, il n'y en a qu'une seule", détaille Alexandre Roullier, étudiant de troisième année.

Ratio différent, conclusion identique. "Les filles se mettent des freins", analyse Catherine Schatz, directrice du développement régional au sein d'Epitech Lyon. Aussi, face à ce constat, une association a-t-elle été créée au sein du campus Epitech, à Paris : E-mma. Le but ? Favoriser l'intégration des filles, dans cet univers essentiellement masculin.

À Lyon, Alexandre Roullier a pris cette problématique à bras le corps. "Dans ma promotion, les autres garçons ne se posent pas tant que ça la question des inégalités. Pour ma part, je trouve le sujet important." Aussi, a-t-il décidé de se rapprocher d'autres associations lyonnaises, qui elles aussi s'engagent pour davantage de parité dans le secteur du numérique. Parmi elles, Girlz in web.

Les femmes en réseaux

Afin de promouvoir le secteur digital auprès des femmes, des Rails Girls sont organisées à Lyon. Importées des pays nordiques, ce sont "des journées de formation gratuites, où la priorité est donnée aux filles et au cours desquelles elles développent et mettent des sites en ligne", explique Mathilde Aglietta.

Le manque de main d'œuvre féminin impacte directement ce secteur pourtant en plein développement. "Le numérique est devenu un métier transversal, explique Olivier de la Clergerie. Toute entreprise a désormais besoin d'intégrer cette problématique." Plus concrètement, "il manque environ 3 000 diplômés dans le numérique", estime Fabienne Billat.

"70 % des femmes sont des cadres"

Cependant, si les femmes restent peu représentées dans le numérique, leur capacité de croissance dans la hiérarchie n'est pas la même que dans les autres secteurs. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, elle est meilleure :

"Environ 70 % des femmes sont des cadres, contre 16 % dans le reste de l'économie", indique Fabienne Billat.

À titre d'exemple, ce dernier mois de janvier en Auvergne Rhône-Alpes, deux femmes ont été nommées à des postes stratégiques : Myriam Bardinet à la directrion générale du pôle de compétitivité Imaginove, et Juliette Jarry, vice-présidente de la Région en charge du numérique.

Cette bonne dynamique pourra-t-elle faire irruption dans les hiérarchies des structures économiques "classiques" ?

"Pour que les entreprises traditionnelle restent pérennes, 50 % de l'exécutif devrait être composé de femmes", expliquait Catherine Schatz, citant Joël de Rosnay, prospectiviste, lors de son intervention au salon l'Entreprise du futur.

Comme quoi, le débat autour des femmes dans le numérique, et plus largement dans le monde de l'entreprise, ne se résume pas uniquement à l'équité, mais aussi à la performance économique.

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Commentaires 2
à écrit le 05/02/2016 à 15:31
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27%, c'est quasiment la parité si l'on considère que 30 % des mecs sont gay de nos jours :-)

le 06/02/2016 à 12:37
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une phrase aussi intelligente méritait un smiley à la fin...

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