Bien-être au travail, la quête du Graal

Le bien-être semble être le nouveau Graal dans le monde du travail. N'est-ce pas une ambition démesurée et inaccessible, car forcément liée à la subjectivité de l'individu ? Pour l'heure, on parle surtout de qualité de vie au travail, un but plus raisonnable, autant pour les grandes organisations que pour les PME.

« Comment se porte votre moral ce matin ? » Sur son ordinateur, le salarié volontaire - et anonyme - clique sur un lien et répond à cette question. Cinq pictogrammes lui permettent de graduer sa réponse. Il est invité à s'exprimer sur son travail, ses attentes, ses plaintes, ses propositions, etc. « On s'aperçoit que les gens qui n'aiment pas parler ont des choses intéressantes et constructives à écrire. Les salariés expriment aussi des choses difficiles. Dans ce cas, ils sortent souvent de l'anonymat. Cet outil a été conçu pour lever les inhibitions, car j'observe qu'en entreprise les gens ne se parlent plus. »

Climat dégradé dans le travail

Jean-Philippe Luas, fondateur à Lyon de l'International Mindfulness Institute, dédié à la formation managériale et en particulier à la prévention des risques psycho-sociaux, décrit ainsi son dernier né, Temperprise®. Il le définit comme une « station météo interne et collaborative » cherchant à pister, au plus près et en temps réel, le ressenti des équipes. Considéré comme innovant, Temperprise® a bénéficié d'une aide financière d'Oseo et a déjà séduit une dizaine d'entreprises, de taille variable. « La nécessité d'un tel outil montre à quel point le climat s'est dégradé dans le travail », remarque Jean-Philippe Luas.

Multiplication des burn-out, absentéisme ravageur, turnover inquiétant, risques psychosociaux, manque d'attractivité pour la génération Y : les signaux de détresse clignotent à tous les étages dans le monde du travail. En cause, cette mondialisation qui stresse l'économie, ces outils numériques qui bousculent les organisations, harassent les individus. Et bien sûr, la crise noircit encore le tableau.

« Non seulement le travail change, mais aussi les exigences du marché, les attentes des salariés. Nous restons agrippés à des modèles anciens. Nous tentons de faire entrer des ronds dans des carrés, d'où les risques psychosociaux, les burn-out », déplore Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail).

bien être au travail

Crédits : Laurent Cérino/ADE

Pour sortir de cette impasse, une réponse émerge, la quête du bien-être au travail, avec un corollaire évident : si les salariés sont heureux au travail, alors leur entreprise sera performante, compétitive. Pas si évident toutefois, car comment définir le bien-être, notion impalpable, subjective, conditionnée au ressenti de chaque individu ? Et surtout comment le mettre en œuvre dans le monde du travail ?

Des Jeunes Dirigeants concernés

Voilà six ans que le Centre des jeunes dirigeants planche sur le sujet. Antoine Pivot qui pilote au CJD ce groupe de travail cite plusieurs points clés favorisant le bien-être en entreprise : gouvernance, management, convivialité et lien social, engagement sociétal, conditions matérielles... Il insiste en particulier sur l'importance du sens du travail et sur celle de l'apprentissage :

« Chaque jour, il se passe quelque chose de différent ; les salariés
se confrontent à des problèmes et doivent apprendre à les résoudre. Cela induit des enjeux de formation, d'organisation. »

Un jeune dirigeant veille, par exemple, à ce que ses équipes restent hyper-formées, polyvalentes et affiche de fait un turnover quasi nul, alors qu'il œuvre pourtant dans le secteur difficile de l'intérim. Un autre, soucieux de donner du sens à son entreprise, consacre 10 % de ses résultats à un fonds géré par les salariés pour soutenir des projets culturels, environnementaux. Pour Antoine Pivot, de telles pratiques s'avèrent positives.

Conditions matérielles bénéfiques

Machines à café en quantité, sièges ergonomiques, luminosité et niveau sonore soignés pour les espaces collectifs, etc. Des conditions matérielles confortables semblent également bénéfiques. Mais induisent-elles vraiment du bien-être ?

« Il est démontré que ces efforts matériels portent leurs fruits en termes de performance économique. Pourtant, personne ne cherche à savoir s'ils génèrent réellement du bien-être. Dans la plupart des études, le bien-être est une problématique de performance économique, et non de performance globale. Autrement dit, c'est très souvent un calcul », lit-on dans un document récent du CJD.

bien être au travail

Crédits : Laurent Cérino/ADE

Ce dernier s'engage donc dans une nouvelle étape, après avoir identifié des pistes favorisant le bien-être en entreprise. Il veut en mesurer la réalité et démontrer que ces pratiques ont un impact sur la performance globale de l'entreprise. Un questionnaire pour les dirigeants est en cours d'élaboration, tutoré par Stéphanie Arnaud, chercheuse spécialisée en « humanisme dans le management ». La tâche se révèle ardue, illustrant la complexité de l'ambition : « Nous ne sommes pas encore sûrs de toutes nos variables. Les résultats devraient sortir en mai prochain. »

A suivre, la deuxième partie de notre enquête sur le bien-être au travail.

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