Ils ont franchi le premier cap. Les équipes du projet Koesio-Kinetic ont réussi à faire décoller, mercredi 7 juin au petit matin, leur dirigeable Lélio, au cœur de la Vallée du Grésivaudan, à une quinzaine de kilomètres de Grenoble, en Isère. Une aventure lancée il y a déjà dix ans par Pierre Chabert, fondateur de la société Airstar, leader mondial des ballons éclairants, basée au Champ-Près-Froges, rejoint par Pieric Brenier, passionné de challenges sportifs, à la tête du groupe drômois Koesio. Le premier avait déjà réalisé, en 2013, la traversée de la Manche, à bord d'un autre dirigeable électrique.

Les deux hommes, installés dans des sellettes de parapente, sous le dirigeable, ont pu s'élever dans les airs pour la première fois. « Nous étions suspendus dans le temps », raconte Pieric Brenier.

Une rétro-innovation

Pour parvenir à ce résultats, plusieurs centaines de personnes travaillent sur le dirigeable à propulsion électrique, qui mesure 32 mètres de long pour seulement 10 kg et une puissance de 115 chevaux. « C'est une rétro-innovation, explique Pierre Chabert. On revient sur quelque chose qui a pu paraître has-been mais est aujourd'hui tellement d'actualité ». Le dirigeable Lélio, dont le profil est inspiré du thon pour optimiser la pénétration dans l'air, est en effet très peu consommateur d'énergie. Il fonctionne grâce à de l'hélium et des batteries électriques qui lui permettent d'actionner ses quatre moteurs.

Par mener un tel projet, l'association Transoceans a vu le jour. Et plusieurs entrepreneurs de la vallée et de la région se sont pris au jeu, fournissant textiles ou équipements divers. Le budget de Lélio atteint quant à lui déjà 1,5 millions d'euros.

L'hiver prochain, après plusieurs mois de prise en main de l'appareil, les deux hommes tenteront de battre le record détenu depuis 2004 par le milliardaire américain Steve Fossett. Avec son dirigeable thermique, il avait réussi à voler à 115 km/h. Un défi qui se tiendra encore dans la vallée du Grésivaudan, entre 200 et 300 mètres au-dessus du sol. Les pilotes seront alors allongés à plat ventre, dans une cabine pressurisée en textile, avec un système de pilotage sensitif.

« Redonner une tribune à cet engin »

Après la tentative de record du monde de vitesse, Pierre Chabert et Pieric Brenier souhaitent traverser la Méditerranée, de Monaco à Calvi, sans doute à l'été 2024. Puis, construire un nouvel engin, plus gros, pour traverser l'Atlantique. « Il s'agira d'une machine de 8.000 ou 10.000 m2, avec quatre ou cinq places, détaille déjà Pierre Chabert. Elle sera équipée de panneaux solaires, qui permettront de refabriquer de l'hydrogène en vol.»

« Au-delà du record, nous souhaitons redonner une tribune à cet engin. On pense que ce projet pourra permettre au monde entier de constater qu'on peut se déplacer en dirigeable », appuie l'inventeur.

Pierre Chabert se projette ainsi sur les applications possibles d'un tel engin : « il pourrait être utile pour le travail aérien, la surveillance dans les zones protégées par exemple. Il tient en l'air sans motorisation et ne fait quasiment aucun bruit quand les moteurs tournent ». La version plus grande pourrait également permettre du portage, et, pourquoi pas, des croisières. « Pour l'instant, nous faisons nos démonstrations, la preuve que c'est possible. Après notre traversée de l'Atlantique, on pourra envisager une industrialisation et proposer le dirigeable à des clients. »