Sous l'égide d'Alain Mérieux, un collectif d'entreprises lyonnaises veut lutter contre la précarité

SOLIDARITE. En pleine pandémie, l'initiative lancée il y a 18 mois par une figure lyonnaise Alain Mérieux, a trouvé tout son sens. En 2020, l'Entreprise des Possibles aura ainsi reçu 630.000 euros de dons de congés payés, abondés par les 55 entreprises adhérentes du territoire. Mais l'industriel lyonnais voit déjà plus loin et estime que seul 5 % du potentiel de l'agglomération lyonnaise a été mobilisé.
Alain Mérieux (à droite) avait voulu s'engager à rapprocher entreprises et association dès la fin janvier 2019 sous l'égide de l'Entreprise des Possibles. Un projet dont les besoins sont confirmés par la crise sanitaire actuelle.
Alain Mérieux (à droite) avait voulu s'engager à rapprocher entreprises et association dès la fin janvier 2019 sous l'égide de l'Entreprise des Possibles. Un projet dont les besoins sont confirmés par la crise sanitaire actuelle. (Crédits : DR)

Créée fin janvier 2019 à l'initiative d'Alain Mérieux, figure lyonnaise à la tête de l'Institut Mérieux (3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 20.000 salariés), l'Entreprise des Possibles est un collectif d'entreprises de la métropole lyonnaise qui se mobilise pour venir en aide aux sans-abris, notamment via des dons de congés payés abondés par les entreprises adhérentes.

Une initiative qui a trouvé un écho particulier au cours des derniers mois, face à la montée des situations de précarité, engendrées par la crise sanitaire.

"Nous avons eu des contacts très positifs avec le patronat, le Medef, les chambres de commerce, qui sont tous venus immédiatement à nos côtés, pour aider ceux que l'on appelle « les invisibles » car on ne les voit plus", se félicite Alain Mérieux.

Car à 81 ans, l'ancien président du laboratoire lyonnais Biomérieux, qui avait confié les rênes de l'entreprise familiale à son fils Alexandre en 2019, se concentre désormais sur l'Institut Mérieux ainsi que sur l'Entreprise des possibles, dont il assure la présidence. Et oeuvre à activer quotidiennement son réseau.

Lors d'une Fête de l'entreprise organisée par la CPME à la Halle Tony Garnier, il avait lancé un appel pour le moins direct :

"Le vieux chien que je suis est sorti de sa niche pour lancer un appel aux entreprises : ma vision est celle d'un capitalisme entrepreneurial qui se bat dans la société. Voir la précarité grandir dans notre pays constitue pour moi une grande inquiétude. Ce n'est plus supportable ; la société française ne peut plus laisser tous ces gens sur le bord du chemin !".

Treizième fortune de France selon le magazine « Forbes », ce grand patron de l'industrie pharmaceutique s'est engagé à titre personnel dans la démarche : "L'idée était de mobiliser le monde de l'entreprise et les collaborateurs de nos entreprises, pour faire face à ce défi sociétal dans l'agglomération de Lyon", raconte-t-il.

Mais aussi de "rapprocher deux mondes : le monde de l'entreprise et le monde associatif". Et Alain Mérieux d'ajouter à ce sujet : "Le bilan est positif mais il faut aller beaucoup plus loin, plus vite et plus fort. Nous n'avons qu'entamé le chemin, la route sera longue mais elle est belle et chargée d'espoir".

Réseau activé : 1,1 million d'euros levés depuis la création

Après 18 mois d'activité, c'est l'heure du premier bilan pour l'Entreprise des Possibles, et de son objectif affiché de "faire de Lyon une véritable terre solidaire en rapport avec les valeurs humanistes de la Ville".

Force est de constater que les besoins, accentués par la pandémie, mais également des éléments de réponse, sont déjà sur la table puisque sa démarche aura permis de mobiliser 55 entreprises et 32.000 collaborateurs. "Cela ne représente que 5 % du potentiel de l'agglomération lyonnaise, puisqu'elle compte 600.000 collaborateurs actifs", nuance toutefois Alain Mérieux. "Nous ne sommes qu'au début des opérations : nous voulons aller beaucoup plus loin et amplifier nos efforts".

Patrick Lepagneul, délégué général de la structure, ajoute pour sa part que 1.550 personnes ont été aidées et 550 personnes mises à l'abri grâce à l'engagement de l'Entreprise des Possibles. Les différentes campagnes de dons de congés payés de la part des collaborateurs, ainsi que des appels au mécénat auront permis de lever 1,1 million d'euros, depuis la création du collectif, début 2019.

Et la montée en puissance se confirme déjà :

"En 2020, nous avons collecté trois fois plus de fonds qu'en 2019. Au total, 630.000 euros de dons de congés payés ont été abondés par les entreprises tandis que lors de la crise Covid, où les besoins des sans-abri ont été considérablement accrus, nous avons levé 320.000 euros de fonds, principalement issus de dons exceptionnels", détaille Patrick Lepagneul.

Des projets mêlant entreprises et associations

A chaque fois, la recette est la même : mêler l'action des entreprises, susceptibles d'apporter financement et compétences, avec celle des associations présentes sur le terrain.

Parmi les actions menées cette année, figure par exemple l'ouverture d'un Centre d'hébergement pour 35 femmes et enfants sans-abri dans le 2e arrondissement de Lyon, avec le support du laboratoire pharmaceutique Sanofi et le Foyer Notre Dame des Sans-Abri. Ou encore le déploiement d'un village mobile de containers aménagés, pouvant accueillir 80 personnes, sur un terrain mis à disposition par Bouygues Immobilier (membre du collectif), en lien avec Habitat & Humanisme et le support du Crédit Agricole Centre-Est.

Durant le premier confinement, Veolia, également membre du collectif, a mis à disposition une cinquantaine de chambres de son centre de formation à des jeunes isolés, suivis par l'association Le Mas. Un centre d'hébergement de 80 personnes a également ouvert à Lyon, avec le soutien du groupe immobilier JLL et du groupe de prévoyance Apicil, tandis que plusieurs appartements ont été mis à disposition par le promoteur immobilier DCB, à destination de jeunes en grande précarité accompagnés par l'association Terramies.

Plus récemment, les Chalets de Montcelard ont vu le jour dans l'Ouest lyonnais : il s'agit de 7 logements destinés à des femmes sans-abri et leurs enfants, créés grâce aux spécialistes des chalets Huttopia et Hekipia, ainsi qu'à un financement de la Fondation Christophe et Rodolphe Mérieux et un accompagnement par Habitat & Humanisme.

Répondre à l'urgence post-Covid

Des projets qui, s'ils font face à l'urgence, ne suffisent pas aux membres du nouveau collectif, compte-tenu de la période actuelle : "Face à l'augmentation des besoins, nous souhaitons amplifier notre action pour mener à bien des projets de plus grande ampleur", annonce Patrick Lepagneul.

L'Entreprise des possibles se fixe de nouveaux objectifs, comme le recrutement de nouvelles entreprises adhérentes afin de collecter davantage de dons de congés payés, ainsi qu'une facilitation de l'accès au bénévolat des collaborateurs des entreprises adhérentes à travers un nouveau portail web.

Pour le collectif, qui veut être "un moteur d'innovation sociale en permettant à des mondes qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble de pouvoir se rencontrer", l'enjeu sera notamment d'agir sur les besoins non couverts au niveau du territoire, à l'issue d'un nouveau travail d'identification des besoins qui reste à mener.

Il est déjà prévu qu'en 2021, 11 nouveaux projets, principalement dédiés à l'accompagnement des femmes et des enfants à la rue, voient le jour. En effet, 30 % des sans-abris sont des femmes et 3/4 d'entre elles ont des enfants, Or, il existe peu de structures d'hébergement adaptées pour elles. "L'ensemble des projets déployés en 2021 devrait permettre de venir en aide à plus de 1.000 personnes supplémentaires", prévoit Patrick Lepagneul.

11 projets à venir en 2021

Parmi ces projets, on retrouve la création d'un hôtel social, la Halte des femmes,  permettant d'accueillir des mères sans domicile avant qu'elles n'accèdent à un logement autonome, porté par l'association lyonnaise Alynea.

"D'ici un ou deux ans maximum, nous aimerions qu'il n'y ait plus aucune femme qui sorte de maternité sans solution d'hébergement", espère Patrick Lepagneul.

Mais aussi le lieu d'hébergement et d'accompagnement Inkermann (mêlant insertion, social, et parentalité), pensé par le Foyer Notre Dame des Sans-Abri et destiné à des femmes seules ou avec enfants. Ou encore un village mobile de chalets en bois La Base, visant à accueillir des jeunes isolés et des femmes seules avec enfants et soutenu par l'association Le Mas.

Enfin, pour accompagner les jeunes majeurs sortant de l'Aide Sociale à l'Enfance, le projet Le Mousqueton, des Foyers Matter, devrait leur permettre d'accéder à un logement pérenne indispensable à leur insertion.

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Commentaire 1
à écrit le 16/12/2020 à 0:10
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Quelle hypocrisie !

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