
À San Francisco, la loi du "pitch elevator" est une règle de vie. Les startuppers en quête d'argent doivent à tout moment pouvoir dégainer à un investisseur, en 3 minutes maximum, ce qu'ils font et combien il leur faut pour réussir. Le temps d'un trajet dans un ascenseur (elevator, en anglais)
"Les Américains sont des gens extrêmement naïfs qui veulent changer le monde. Si vous arrivez à les convaincre en quelques phrases, qu'avec votre projet, c'est possible, ils peuvent vous prêter beaucoup d'argent", décrypte le français Dominique Piotet.
La Silicon Valley, un endroit normé
Le dirigeant est installé depuis dix ans à San Francisco et est désormais président de Fabernovel, un "open incubator" qui héberge 70 startups.
"Pour les jeunes pousses françaises qui voudraient s'implanter ici, la première chose qu'il faut faire, c'est venir sur place pour connaitre l'écosystème, se faire un réseau, comprendre comment marche la Silicon Valley, qui est un endroit très normé, poursuit Dominique Pioter. On ne fait pas du business de la même façon ici. Tout le monde veut lever de l'argent et tout le monde est très bon. Il faut accepter que ce soit ultra compétitif."
A lire, le blog retraçant l'expérience d'une startup lyonnaise : L'aventure américaine de Tilkee
Dans l'ère post bulle internet, d'où émerge le miracle Google et Facebook, des milliers d'entrepreneurs venus du monde entier, tentent chaque jour leur chance en gardant à l'esprit que seul 1% d'entre eux va réussir. Un chiffre qui ne décourage pourtant pas. Car chaque année, les sociétés de capital-risque (les fameuses VC) investissent 15 milliards de dollars dans les high-tech.
Très présents dans la Silicon Valley, les Français se sont fait une belle réputation. "Ils ont souvent d'excellentes idées avec des concepts en béton. Mais ils sont très intellos et se heurtent au pragmatisme américain. Pourtant, s'ils ont la bonne équipe, le bon parcours et le bon produit, ils ont toutes les chances de faire leur première levée de fonds", poursuit Dominique Piotet.
French Tech Hub
Ces dernières années, des passerelles se sont créées entre San Francisco et la France pour venir en aide à ceux qui rêvent du grand jour. Parisoma, la Chambre de commerce ou l'Orange FAb œuvrent au quotidien pour accompagner les entrepreneurs français. Plus récemment, le "French Tech Hub", qui partage ses bureaux avec l'Atelier BNP Paribas, s'est installé à proximité du siège de Twitter. Cet incubateur de startups françaises, créé avec des fonds publics de la région Ile-de-France a ouvert en 2014, dans le quartier très branché de "DogPatch", en banlieue sud de San Francisco. Il assure être "devenu le plus grand accélérateur européen installé dans la Silicon Valley".
Lire aussi : Nathalie Doré : "BNP Paribas vient capter l'innovation à San Francisco"
"Notre mission est de prendre par la main les startups qui ont un potentiel de croissance, assure Xavier Wartelle, directeur du French Tech Hun, à une assemblée d'entrepreneurs d'Auvergne-Rhône-Alpes venus en mission d'exploration avec Laurent Wauquiez, président de région, pour mieux comprendre comment fonctionne l'écosystème.
"Nous proposons un parcours clé en main. De l'éducation au marché américain, en passant par la préparation du fameux "pitch" pour lever des fonds, jusqu'à la commercialisation et l'installation définitive de l'entreprise dans la Silicon Valley"
Un service facturé entre 30 000 et 400 000 dollars, selon la prestation !
500 000 dollars
Car venir aux US coûte cher. "Pour espérer réussir ici, il faut compter au minimum 500 000 dollars, assure Xavier Wartelle. Avant de commencer à se développer, la startup Critéo a mis 10 millions sur la table. Mais elle ne le regrette pas".
Même si la réussite n'est jamais garantie, les candidats sont toujours plus nombreux. 6 000 à 8 000 propositions d'affaires sont étudiées chaque jour dans la Silicon Valley par le VC et les business angels. À condition toutefois de se plier aux règles du jeu locales.
"L'Amérique, c'est Mars ! La France joue en division d'honneur et ici, c'est la Ligue des Champions", illustre Pierre Gaubil, serial-entrepreneur français installé à San Francisco depuis 15 ans, à la tête de l'incubateur "The Refiners". Son discours est cash, mais efficace.
"Les Français pensent qu'il suffit de parler anglais pour réussir ici. Mon métier c'est de leur dire que c'est faux et de leur expliquer les règles du jeu. On ne peut pas survivre dans la Silicon Valley sans réseau. On s'imagine que c'est fantastique et qu'on lève beaucoup d'argent très vite, mais non. En fait, quand un entrepreneur français arrive dans la Silicon Valley, nous commençons par faire une remise à jour de son logiciel avant de commencer à travailler ensemble. Ce qui fonctionne en France ne marche pas ici. Une fois qu'ils ont compris ça, ils ont fait une grande partie du chemin".
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