Biotech : l’avenir s’éclaircit (enfin) pour Amoeba

Après plus d’une décennie de R&D et de blocages réglementaires, la biotech industrielle lyonnaise Amoeba enchaîne les bonnes nouvelles : un financement de près de 6 millions d’euros dans le cadre de France 2030 pour la construction de sa première usine près de Cavaillon, et surtout des feux verts qui commencent à s’allumer aux États-Unis et en Europe.
L'usine d'Amoeba permettra de traiter, sans pesticide chimique, 100.000 hectares de cultures.
L'usine d'Amoeba permettra de traiter, sans pesticide chimique, 100.000 hectares de cultures. (Crédits : DR)

« 2022 a été une année exceptionnelle. Nous additionnons les bonnes nouvelles ces derniers mois. » Fabrice Plasson, le président du directoire d'Amoeba, ne cache pas sa joie. Ni son soulagement. Car la biotech industrielle lyonnaise, cotée sur Euronext dès 2015, se heurtait depuis sa création en 2010 à un mur réglementaire freinant drastiquement son développement commercial et industriel. Les États-Unis et, dans une moindre mesure, l'Europe commencent désormais à lui ouvrir leurs portes.

Amoeba (28 salariés) a mis au point un biocide biologique destiné au traitement des eaux industrielles basé sur une amibe vivante, la Willaertia magna C2c Maky. Ses propriétés permettent de lutter contre le risque bactérien dans l'eau, sans traitement chimique. La biotech lyonnaise a également développé un agent de biocontrôle pour le traitement des plantes en agriculture, avec une amibe morte cette fois. Pour l'un comme pour l'autre, les perspectives se sont bien éclaircies dernièrement, permettant de croire en une pérennité d'Amoeba.

Deux autorisations de mises sur le marché

« Après 10 années de tergiversations, nous avons obtenu une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis pour notre application biocide. Elle concerne les systèmes de refroidissement fermés, c'est-à-dire les tours aéroréfrigérantes industrielles. Cette démarche a pris énormément de temps car nous sommes la première société à introduire une nouvelle substance active depuis 1974... », commente Fabrice Plasson.

L'enjeu est majeur pour Amoeba : le marché de ces tours en circuits fermés est estimé à plus de 200 millions d'euros aux États-Unis.

L'agence américaine a également donné son feu vert, fin 2022, pour la commercialisation du biopesticide Amoeba reconnaissant que « son mode d'action contribue à son attrait en tant qu'alternative viable aux pesticides conventionnels, ce qui en fait un ajout de valeur dans le panel des pesticides ». Le marché local est estimé à 1,6 milliard d'euros sur un marché global des fongicides chimiques évalué à 21 milliards d'euros.

Côté européen, la situation semble prendre une bonne tournure également puisque l'Autriche, - état membre rapporteur chargé de la demande d'approbation de la substance active d'Amoeba pour la protection des plantes -, a émis une recommandation positive. Recommandation qui devrait se traduire par une autorisation de mise sur le marché en 2024.

Cibles d'ores et déjà identifiées de ce biopesticide : le mildiou, la rouille du soja, la tavelure du pommier, la Sigatoka du bananier etc

Fin des investigations en Europe pour le traitement des eaux industrielles

En revanche, la start-up s'est heurtée, pour la deuxième fois, à un refus de l'Europe pour l'utilisation de son amibe dans le traitement des eaux industrielles, considérant que l'efficacité n'a pas été suffisamment démontrée et qu'un effet « Cheval de Troie » ne pouvait être exclu dans des conditions réalistes d'utilisation.

« Cette fois, c'est l'État de Malte qui était en charge de l'instruction. La première fois, c'était la France mais ils aboutissent aux mêmes conclusions. L'Europe est frileuse sur le sujet, elle ne veut pas de biocide biologique, elle n'a pas la même vision du risque réglementaire que les États-Unis. Nous en prenons acte et nous renonçons définitivement à cette application en Europe ».

En revanche, d'autres applications, comme le traitement des plaies chroniques, sont en cours d'analyse et pourraient être validées d'ici la fin de l'année.

Début de la commercialisation en 2025

Amoeba envisage un démarrage de la commercialisation début 2025. La biotech, en phase de précommercialisation, doit donc se mettre en ordre de marche pour produire son biopesticide et son biocide. Pour ce dernier, un partenaire (industriel et/ou commercial) est actuellement recherché aux États-Unis. En ce qui concerne le biopesticide, Amoeba va construire une usine de production près de Cavaillon. Ce site de 3.000m², qui emploiera 25 personnes dès son démarrage en 2025 (après obtention des autorisations de commercialisation définitives), permettra de produire, dans un premier temps, 40 tonnes de substance active par an, soit 200 tonnes de produit fini. Ce volume permettra de traiter quelque 100.000 hectares. Une extension à 200.000 hectares est d'ores et déjà envisagée. « Nous allons prendre notre pleine part dans les objectifs européens de réduire de 50% l'utilisation de pesticides d'ici 2030 », assure Fabrice Plasson.

Le montant de l'investissement, 23 millions d'euros, est soutenu par une aide de près de 6 millions d'euros de Bpifrance dans le cadre de l'appel à projets « Résilience et capacité agroalimentaire » de France 2030 (3,5 millions en subvention et 2,4 millions en avance récupérable).

Amoeba a levé 84 millions depuis sa création en 2010, dont 70 millions d'euros depuis son introduction en bourse via des opérations de dilution de capital. L'entreprise estime à 45 millions d'euros son besoin de financement pour les trois prochaines années (23 millions en investissement et 22 millions en dépenses opérationnelles). Elle a mandaté la société Redbridge Debt and Treasury Advisory pour l'assister dans sa recherche de financement. En attendant l'obtention de nouveaux financements, la start-up a obtenu un financement intermédiaire de 9 millions d'euros sous forme obligataire simple. En 2022, Amoeba a enregistré un résultat net de -8 millions d'euros.

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