La demande en métaux stratégiques comme le lithium ou le cobalt pourrait être multipliée par 40 dans les deux prochaines décennies. Ces deux matériaux sont en effet des ressources clés en matière de transition écologique, en particulier pour les batteries des véhicules électriques. Sauf que la France et l'Europe sont aujourd'hui dépendantes presque à 100% d'approvisionnements extérieurs (Chili, Chine etc).
Dans le cadre de son plan France 2030, le gouvernement a décidé de consacrer 2,9 milliards d'euros dans la sécurisation de l'accès à ces matières premières. En investissant notamment dans le levier du recyclage. Après une première vague de trois projets de recyclage de terres rares et métaux annoncée en novembre dernier (Eramet, Sanou Koura dans les Ardennes et WEEECycling en Seine-Maritime), le gouvernement vient de dévoiler le nom de deux nouveaux lauréats. Il s'agit de deux projets tournés spécifiquement vers les batteries de la filière automobile. Le premier concerne un dossier mené conjointement par Véolia, Solvay et Renault pour la construction d'un démonstrateur de recyclage par hydrométallurgie en Moselle capable de traiter 10.000 tonnes par an en 2023 et 30.000 tonnes de métaux à l'horizon 2028.
Le second est porté par deux startups grenobloises, Mecaware et Verkor, accompagnés de l'entreprise iséroise MTB et des laboratoires régionaux ICBMS (Lyon I/CNRS) et Lepmi. Au total, 30 millions d'euros vont être injectés dans ces deux projets, dont plus de la moitié pour le dossier grenoblois, selon nos sources.
Recycler les rebuts de production des gigafactories
Le projet ScrapCO2MET vise la construction d'une unité industrielle de recyclage des rebuts (les scraps) de production des gigafactories et leur réincorporation dans la chaîne de valeur de production des batteries. Cette unité, pilotée par la jeune pousse Mecaware (spin-off de l'Institut de Chimie et de Biochimie Moléculaire et Suprémoléculaire de Lyon), sera installée directement sur le site R&D de Verkor à Grenoble et aura une capacité de production de 50 à 100 tonnes de métaux rares par an. Dans un deuxième temps, après validation du procédé, Mecaware installera son usine directement sur la future gigafactory de Verkor à Dunkerque (horizon 2026) pour une capacité de production de 6 à 8.000 tonnes de métaux produits à partir des rebuts de production, avec une cinquantaine de salariés. Ces 6 à 8.000 tonnes correspondront à un équivalent de 200 millions d'euros d'approvisionnement en terres rares, selon leur cours actuel.
Mecaware, créée par Arnaud Villers D'Arbouet et le professeur lyonnais Julien Leclaire, s'appuie sur un procédé breveté par ce dernier en 2014. Il s'agit de valoriser le C02 présent dans les fumées rejetées par certaines usines, en le mélangeant avec des composés organiques capables de s'associer avec les différents métaux contenus dans les batteries. Ce procédé permet d'extraire de manière sélective les métaux critiques.
« Nous sommes capables d'extraire le lithium, le nickel, le cobalt, le manganèse, le cuivre, le fer et le graphite », commente le CEO de Mecaware, Arnaud Villers d'Arbouet. « Une fois extraits, le lithium, le cobalt et le manganèse peuvent retourner directement dans le circuit ».
Le CO2 nécessaire au procédé sera sourcé dans l'écosystème grenoblois pour la ligne pilote puis probablement sur le port de Dunkerque pour l'étape gigafactory. « Après ce passage à l'échelle industrielle, nous serons capables de dupliquer ce modèle sur d'autres usines de fabrication de batteries. Nous sommes déjà en discussion avec d'autres partenaires ».
Récupérer les métaux des batteries en fin de vie
En parallèle de ce projet qui vient d'être mis sous les feux de la rampe par le soutien France 2030, Mecaware planche sur son deuxième axe de développement : l'extraction des terres rares des batteries en fin de vie. L'enjeu s'annonce colossal dans les prochaines décennies. Baptisé Separ8, ce projet devrait, lui, prendre place en région Nord-Pas de Calais.
« Nous sommes en train de travailler à la caractérisation et d'identifier les gisements de batteries en fin de vie. Un premier site pilote capable de produire 50 à 100 tonnes par an sera installé sur un site en cours de sélection. Puis en 2027, nous pensons passer à l'échelle industrielle avec une capacité de production de 10.000 tonnes », poursuit le dirigeant de la startup.
Une levée de fonds de 15 millions d'euros en cours
Pour financer les pilotes de Grenoble et du Nord Pas de Calais ainsi que l'usine de Dunkerque, un investissement total de 100 millions d'euros est envisagé (n'incluant pas l'usine du Nord). Mecaware prévoit un financement à hauteur de 40 millions d'euros en aides et en dettes et 60 millions via des augmentations de capital.
Une première levée de fonds de 15 millions est en cours, en particulier auprès d'investisseurs français. Le « closing » devrait intervenir dans les prochaines semaines.
Mecaware emploie actuellement 13 salariés et devrait recruter une vingtaine de personnes d'ici la fin de l'année.
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