Les doudounes françaises de Tranquille Emile, un levier pour la commande publique des villes comme Lyon ?

La startup lyonnaise, spécialiste de la mode made in France, ne cache pas sa déception. Elle n'a pas été consultée par la mairie écologiste de Lyon pour son achat récent de 450 doudounes destinées à ses agents, qui ont été fabriquées au Bengladesh, suscitant l'ire du syndicat Sud. Une hérésie pour Tranquille Emile, qui a justement lancé il y a quelques mois, la première doudoune en matière recyclée 100% made in France. Celle-ci illustre cette génération montante de jeunes pousses décidées à changer le visage de la mode, encore trop associée à la fast-fashion. Avec une notoriété de plus en plus importante, au moins en Auvergne-Rhône-Alpes.
Les capacités de production en France sont limitées, c'est vrai, mais seulement parce que les industriels manquent de commandes en volume pour investir, estime Quentin de Mauroy, co-dirigeant de la jeune pousse lyonnaise Tranquille Emile, qui a fait le buzz à l'occasion du MIF avec la sortie de sa première doudoune intégralement fabriquée en France à partir de matière recyclée.
"Les capacités de production en France sont limitées, c'est vrai, mais seulement parce que les industriels manquent de commandes en volume pour investir", estime Quentin de Mauroy, co-dirigeant de la jeune pousse lyonnaise Tranquille Emile, qui a fait le buzz à l'occasion du MIF avec la sortie de sa première doudoune intégralement fabriquée en France à partir de matière recyclée. (Crédits : DR)

Fruit de deux ans de développement, la doudoune Tranquille Emile présentée lors du tout récent salon du Made in France (MIF), s'affiche comme la première pièce intégralement fabriquée en France, à partir de matière recyclée.

« Hormis les zips, tout est à fait à partir de matière recyclée, notamment la ouate qui est issue de bouteilles plastiques », commente Quentin de Mauroy, co-dirigeant de la petite entreprise lyonnaise qui avait été créée en 2016, initialement près de Megève.

La fabrication de cette doudoune fait intervenir une dizaine d'industriels, situés pour la plupart sur le territoire de la région Auvergne Rhône-Alpes. La commercialisation est en cours de lancement, avec une production qui sera lancée dans la foulée en fonction des commandes, dans une logique de zéro-gaspi.

Cette veste, dont le développement a été soutenu par le fonds de solidarité créé en post-covid par le label Origine France Garantie et Tudigo (et soutenu en particulier par Kronenbourg), devrait permettre à Tranquille Emile de franchir les prochains paliers : un chiffre d'affaires de 500.000 euros en 2023 et d'un million d'euros d'ici trois ans. Contre 320.000 euros de ventes en 2021 avec quatre collaborateurs, effectuées en ligne et dans une cinquantaine de magasins revendeurs.

« Même pas consultés par la Ville de Lyon »

Tranquille Emile est une petite entreprise certes, mais sa notoriété grandit : elle a largement fait le buzz à l'occasion du MIF. Pourtant, elle n'a pas été consultée par la Ville de Lyon pour une commande récente de 450 doudounes, destinées à l'équipement de ses agents dans le cadre des mesures de sobriété énergétique. Commande qui s'est portée finalement sur des doudounes fabriquées au Bengladesh et fustigée par le syndicat Sud de la Ville.

« Nous n'avons eu aucun contact, aucune demande de prix », affirme Quentin de Mauroy. Le jeune entrepreneur est déçu. Vraiment très déçu.

« Depuis plusieurs mois, nous recevons de très nombreuses demandes d'entreprises privées avec des volumes très élevés - jusqu'à 15.000 unités- , que nous ne sommes pas forcément en mesure aujourd'hui de servir à des niveaux aussi élevés mais en tout cas, la prise de conscience et les efforts réels. C'est une excellente nouvelle. Mais dans le même temps, je constate qu'une collectivité locale de l'importance de la Ville de Lyon n'est pas capable de faire cet effort qui est indispensable pour la planète et pour le soutien de nos filières industrielles.... »

Dans un entretien accordé au Progrès, la première adjointe de la mairie de Lyon, en charge des finances et de la commande publique, a indiqué que la Ville avait dû « faire de son mieux dans un délai très court. (...) », tout en évoquant la question du prix : 30 euros pour les doudounes effectivement achetées, contre 250 euros pour une doudoune made in France, inabordable dans le cadre de son budget « vêtements de travail ».

Pour Quentin de Mauroy, ces arguments prix et délais s'entendent, mais auraient pu selon lui trouver un compromis :

« Notre prix doudoune sur notre site est effectivement aux alentours de 250 euros mais sur une commande ferme de 450 pièces, nous aurions pu descendre à 100 euros. Quant aux délais, nous aurions pu étaler les livraisons. En réalité, les capacités de production en France sont limitées, c'est vrai, mais seulement parce que les industriels manquent de commandes en volume pour investir... ».

Une somme qui demeure cependant encore trois fois plus élevée que le budget effectif mentionné par la Ville de Lyon. Reste que cette affaire, qui a fait boule de neige sur la scène lyonnaise, est selon lui l'occasion de lancer un appel à ce que les collectivités locales s'engagent. « Il faut qu'elles changent de paradigme et en terminent avec des commandes de produits sur catalogue, disponibles immédiatement car produites à l'avance (et donc avec du gaspillage), et à l'autre bout du monde ».

Tranquille Emile a cependant déjà réussi à séduire quelques collectivités : elle fabrique par exemple les tote bags du Département et a équipé récemment en pulls en laine made in France les agents de la communauté de communes de la Vallée du Garon (Rhône).

Des partenaires industriels régionaux

Olivier Amourous, entrepreneur lyonnais issu du secteur de la santé et son neveu Quentin de Mauroy, ont repris la marque Tranquille Emile en 2018. Créée deux ans plus tôt et tournée vers le made in France, elle arborait alors une vingtaine de références, principalement des sweats et des T-shirts. Elle en affiche aujourd'hui plus de 150 avec une diversification nette.

Au catalogue : des pulls fabriqués à Roanne (Jean Ruiz) mais aussi des casquettes, des bonnets, des chaussettes de Limoges (Broussaud), des polos confectionnés dans la Loire (Kraft Compagnie), des rubans de Neyret (42) ou Satab (43), et bientôt des jupes, des pantalons etc...

« Le fil de coton est importé mais ensuite l'intégralité des opérations est réalisée en France, pour l'ensemble de nos produits. C'est la priorité numéro 1. La seconde est l'impact environnemental. Nous travaillons de plus en plus sur des matières recyclées, comme pour la doudoune. On a aussi des bonnets et des pulls 100% recyclés mais nous ne cherchons pas à faire du recyclé à tout prix. Nous priorisons la traçabilité », insiste le co-dirigeant de Tranquille Emile, précisant s'orienter de plus en plus vers des matières naturelles comme la laine française ou le lin de Normandie.

Le frein de l'inflation ?

Dans le contexte d'inflation actuel, la startup est consciente que la hausse généralisée des prix associée à une baisse du pouvoir d'achat, rebat les cartes des priorités des consommateurs, mais elle reste confiante. Et droite dans ses bottes.

« Le contexte vient freiner notre développement, nous avons bien ressenti l'impact au début de la crise en Ukraine. Oui, nos vêtements sont plus chers que d'autres fabriqués à l'autre bout du monde avec des matières peu responsables, c'est certain : on peut être sur des ordres de grandeur du simple au double. Mais ils ne sont pas pour autant trop chers, 60% de nos coûts sont associés à la matière et non pas à des coûts marketing superflus. C'est un indicateur majeur de la responsabilité d'une marque », tacle Quentin de Mauroy, espérant que les consommateurs qui pourraient être freinés par le prix soient attentifs à la durée de vie des vêtements.

Et que les acheteurs publics prennent leur part pour donner les moyens aux industriels d'investir et donc d'améliorer la compétitivité du made in France.

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Commentaires 2
à écrit le 20/01/2023 à 18:12
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et bien bravo Faites ce que je dis et surtout pas ce que je fais Indice carbone de doudoune qui viennent du Bengladesh ????? Ca c'est écolo !!!

à écrit le 20/01/2023 à 18:11
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et bien bravo Faites ce que je dis et surtout pas ce que je fais Indfice carbone de doudoune qui vien net du BEngladesh ! Ca c'esr ecolo !!!

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