Biotechs : Vidium Solutions, ce lyonnais en marche pour devenir le Waze de la recherche médicale

La startup lyonnaise Vidium Systems Biology Solutions est partie d'un principe simple : adapter les modes de calcul haute performance de l'industrie aéronautique à un autre domaine, celui de la santé. Après avoir reçu un prix des Entretiens Jacques Cartier, la biotech est en train de lever 25 millions d'euros avec une cible : devenir en quelque sorte le "Waze" de la recherche médicale, en accompagnant jusqu'à 50 projets de recherche clinique à accélérer et mieux cibler les réactions des cellules du corps humain. Avec en premier lieu, des travaux axés sur la lutte contre le cancer ou la maladie de Parkinson.
Avec une levée de fonds en cours des 25 millions d'euros depuis juin dernier, la pépite lyonno-bostonienne veut se mettre en capacité d'accompagner une cinquantaine de projets de recherche avec sa technologie, qui accélère et cible les voies d'innovation les plus prometteuses dans la recherche médicale.
Avec une levée de fonds en cours des 25 millions d'euros depuis juin dernier, la pépite lyonno-bostonienne veut se mettre en capacité d'accompagner une cinquantaine de projets de recherche avec sa technologie, qui accélère et cible les voies d'innovation les plus prometteuses dans la recherche médicale. (Crédits : DR)

Fondée en 2018 à Lyon, la biotech Vidium Systems Biology Solutions est à la croisée de plusieurs mondes : car pour celle qui se définit à la fois comme "une biotech et une medtech", sa création elle-même constitue le fruit d'une rencontre entre deux capitales de l'innovation en santé (Boston et Lyon), mais aussi entre deux visions incarnées par ses cofondateurs : celle du docteur en immunologie de l'Université de Boston, Sami Bou-Antoun, et celle de l'ingénieur aéronautique et docteur en biologie des systèmes français, Arnaud Bonnaffoux.

A eux deux, ils ont eu l'idée de transposer ensemble une réussite issue de l'industrie aéronautique, le calcul haute performance et ses algorithmes, au monde de la santé et notamment de la recherche sur les cellules du corps humain.

Car après avoir permis à l'industrie aéronautique d'accélérer fortement les cycles de développement de ses nouveaux appareils, en réduisant notamment le temps des essais nécessaires, grâce à des modèles de simulation reproduisant les caractéristiques de l'avion et les situations complexes qu'il peut rencontrer, Vidium Systems Biology Solution compte désormais appliquer ce même principe au secteur de la santé, au sein de la recherche de nouveaux traitements pour des pathologies comme le cancer, la maladie de Parkinson, etc...

« Avec son savoir-faire dans le domaine de l'aéronautique, mon associé apportait ainsi une solution qui fait rêver tout chercheur en génétique », souligne son cofondateur, Sami Bou-Antoun.

Car le cœur de métier de cette pépite sera bien de comprendre et décrypter la complexité cellulaire, qui fait qu'un traitement contre le cancer peut fonctionner une fois puis provoquer des résistances, ou bien que deux personnes jumelles souffrant d'une même pathologie ne réagissent pas nécessairement de la même manière au même traitement...

Transposer les modèles de l'aéronautique à la santé

« Tout part d'un modèle de calcul comme on a pu le faire dans l'industrie de l'aéronautique : auparavant, il fallait 30 ans pour construire un avion -dont 20 ans de développement-, et aujourd'hui il en faut seulement cinq, grâce à des modèles de simulations uniques qui permettent d'intégrer des enjeux de données complexes propres à l'appareil et de les tester dans un grand nombre de scénarios », reprend Sami Bou-Antoun.

Ainsi, de la même manière que dans l'aéronautique, Vidium Solutions veut tenter de comprendre « tout ce qui est aléatoire », c'est-à-dire tout ce qui se passe au niveau de la cellule lors de l'essai d'un nouveau traitement, ou même l'avancement d'un nouveau stade d'une maladie ou le développement d'une résistance. En identifiant le point précis où les cellules changent de comportement et peuvent ainsi provoquer une réaction ou au contraire, une résistance.

Pour cela, elle est allée à la fois se nourrir de jeux de données issus de publications et d'articles scientifiques, mais aussi de partenariats construits avec des acteurs de la recherche, afin de combiner une grande masse d'informations :

« Pour bien comprendre la problématique de la génétique, il faut d'abord se souvenir que le corps humain est composé de 20.000 gènes, ce qui signifie que les possibilités d'interactions entre eux se comptent en milliards de milliards de possibilités, car un même gène interagit avec un minimum 100 à 150 gènes autour de lui. Ce qui veut dire que si un seul est touché, il peut impacter jusqu'à 200 gènes autour de lui. Ce n'est donc pas en se basant strictement sur le big data que l'on peut répondre à ce genre de problématiques, mais bien en créant un réseau de données dynamiques, que nous reconstruisons nous-mêmes en interne », avance Sami Bou-Antoun.

Si les noms de ses partenaires demeurent pour la plupart confidentiels, on peut néanmoins citer le centre de recherche lyonnais Léon Bérard, bien connu pour ses travaux de recherche sur le cancer, mais également des laboratoires tels que l'Institut Gustave Roussy. « Nous pouvons également collaborer avec des laboratoires américains et des acteurs de la médecine régénératrice, ainsi que sur un tissu de startups qui travaillent sur ces questions. Nous sommes particulièrement agnostiques sur le type de partenaires que nous pouvons avoir, tant qu'ils sont capables de générer des données sur des cellules uniques ».

Devenir le Waze de la recherche médicale

Après avoir mis quatre années à développer son premier algorithme « maison », Vidium Solutions contribue désormais à une douzaine de projets de recherche internationaux depuis décembre dernier.

Et cela, dans quatre domaines principaux : la compréhension du mode d'action d'une molécule sur une cellule tumorale afin d'identifier les mécanismes de résistance dans le cadre de la recherche sur le cancer, mais aussi la compréhension du mécanisme de certaines maladies rares, comme la dystrophies de Duchenne qui affecte particulièrement les enfants, ainsi que l'enjeu des cellules souches, en cherchant notamment à augmenter les chances de réussite lors d'une greffe de muscles. La jeune pousse planche aussi sur un projet lié à la maladie de Parkinson et qui vise à améliorer les taux de succès d'une thérapie consistant à réaliser une injection au coeur des cellules malades.

« Concrètement, nous sommes un peu le Waze de la recherche médicale, puisque nous sommes là pour aider le milieu de la recherche et les laboratoires pharmaceutiques à aller plus vite dans le développement de leurs solutions, en explicitant quels sont les trajets possibles et les meilleures voies de réussite », illustre Sami Bou-Antoun.

Un travail qui prend déjà la forme de 6 à 9 mois de travaux réalisés en amont des phases d'essais cliniques, afin d'affiner la compréhension de ce qu'il se passe à l'intérieur des cellules et de cartographier les différentes voies possibles, « mais aussi par la suite, afin d'accompagner justement les phases suivantes », glisse le cofondateur.

Avec comme premiers champs d'application, la recherche pour lutter contre le cancer et les maladies neurodégénératives comme Parkison, ainsi que le milieu de la greffe de cellules souches.

Une levée de 25 millions à l'agenda

Après avoir levé une première enveloppe de 2,5 millions d'euros en 2020 (qui comprenait une participation de 500.000 euros de Bpifrance et le reste apporté par des business angels), Vidium Solutions vient de remporter le grand prix du concours de startups des Entretiens Jacques Cartier (récompensant une jeune pousse française ou québécoise ayant un impact positif sur la vie des citoyens et/ou l'environnement).

Cette récompense aura-t-elle un effet de booster sur le prochain chapitre auquel elle se prépare ? C'est en tous les cas le scénario espéré.

Depuis juin 2022, la pépite a ouvert un nouveau cycle de discussions avec des fonds de capital de risque européens et américains, afin de passer à l'étape suivante et de lever 25 millions d'euros.

« Cela va nous permettre de changer de dimension et d'être capables d'opérer une cinquantaine de projets de recherche en parallèle, représentant chacun un coût de développement de 500.000 euros en moyenne », ajoute Sami Bou-Antoun.

Pour cela, Vidium Solutions devra également faire grimper rapidement ses équipes : de 14 salariés à Lyon, elle espère passer à une cinquantaine d'ici quatre ans, avec l'ouverture d'un bureau à Philadelphie dès le premier trimestre 2023, mais également à Montréal, qui s'est imposée comme une place forte des biotechnologies.

Pour autant, le fondateur regrette une chose : « Aujourd'hui, lorsqu'on se présente avec un projet comme le nôtre devant des investisseurs européens, force est de constater qu'il n'existe pas beaucoup d'acteurs capables de nous suivre, seuls ou à plusieurs ».

Un risque de basculement du centre de gravité vers les Etats-Unis ?

Car contrairement aux Etats-Unis, temple du capital de risque, « la grande différence est que les fonds français et européens demeurent des fonds d'investissements financiers, là où les fonds américains sont à l'origine des entrepreneurs, et cela change tout. En France, on dit qu'on prend un risque alors que les américains prennent une chance, ce qui résume bien leur état d'esprit », relève Sami Bou-Antoun.

Et d'ajouter également que souvent, le dossier de Vidium Solutions aura péché par sa transversalité : « On nous demande souvent si nous sommes une biotech ou une medtech, car les fonds spécialisés ne font pas les deux à la fois... »

Ainsi, malgré une alerte lancée à la fois « au plus haut sommet de l'Etat », mais également « à la Région », son cofondateur se prépare cependant à la possibilité que l'investissement recherché puisse se traduire par « un basculement du centre de gravité » de la biotech vers les Etats-Unis.

Même si son cofondateur l'assure : « nous souhaitons que Lyon demeure le cœur du réacteur » avec la cinquantaine de salariés annoncés d'ici 2027, contre une dizaine pour son bureau de Toulouse, suivi d'une quinzaine de personnes attendues à Montréal et d'une demi-douzaine aux Etats-Unis.

Une chose est certaine : avec la réception de ce nouveau prix, la biotech va en profiter pour accélérer son entrée sur le marché canadien, qu'elle ne comptait, à l'origine, pas approcher avant fin 2023. « Nous allons rencontrer des acteurs locaux et monter de premiers partenariats ». Selon ses prévisions, le marché américain devrait représenter la moitié de ses clients, contre 40% pour l'Europe et 10% pour le Japon.

« Nous disposons aujourd'hui d'une avance de cinq ans au minimum sur tout ce qui existe comme technologie dans notre domaine. Et la levée de fonds en cours de 25 millions d'euros va nous permettre de conserver cette avance, en passant à l'étape d'après et en massifiant notamment le nombre de projets menés de front », conclut Sami Bou-Antoun.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.