Ordinateur quantique : essaimée par le CEA et CNRS, la startup Siquance défie les grands noms de la Tech

Du rêve à la réalité : en pleine transition vers l’industrialisation, le monde du quantique accueille une nouvelle startup, et pas n’importe laquelle : car avec Siquance, une spin-off du CEA et du CNRS, l’objectif est bel et bien de rivaliser avec les plus grands noms de la Tech en proposant un nouveau modèle d’ordinateur quantique, qui s’appuie sur les forces de l’industrie des semi-conducteurs et des fabricants européens de puces.
Essaimée par le CEA et le CNRS, la jeune pousse Siquance veut être aux avant-postes de la course mondiale dans le quantique, et faire de la France et de l’Europe les leaders du secteur.
Essaimée par le CEA et le CNRS, la jeune pousse Siquance veut être aux avant-postes de la course mondiale dans le quantique, et "faire de la France et de l’Europe les leaders du secteur." (Crédits : DR/A.AUBERT CEA)

Elle vise rien de moins qu'à produire un ordinateur quantique, basé sur une technologie « maison », et dont la première preuve de concept est attendue dès 2024.

Avec à la clé, des revenus qui pourraient rapidement grimper puisque pour rappel, chaque ordinateur quantique représente une valeur estimée aujourd'hui à 15 millions de dollars par unité...

Pour adresser ce marché colossal, la force de la jeune pousse iséroise Siquance sera, en premier lieu, son histoire issue de la recherche fondamentale. Car c'est en s'appuyant sur 15 années de travaux, menés au sein des laboratoires du CEA et du CNRS, que le projet vient de se muer sous la forme d'une startup.

Avec à sa tête, une équipe composée de trois cofondateurs, dont deux sont issus du CEA (la chercheuse Maud Vinet et le directeur du marketing François Perruchot) et l'un du CNRS (le chercheur en quantique Tristan Meunier).

« Au cours de nos travaux de recherche menés dans les laboratoires du CEA et du CNRS, nous sommes parvenus dès 2016 à identifier le potentiel des dispositifs de la microélectronique, en transformant un transistor classique en un bit quantique. Avec l'idée de voir rapidement derrière quelles pouvaient être les applications et les machines fonctionnant avec cette technologie », résume à La Tribune sa cofondatrice Maud Vinet, chercheuse au CEA et membre du programme quantique de l'organisme de recherche.

En s'appuyant notamment sur l'industrie des semiconducteurs, qui allie un fort degré de miniaturisation et une importante montée en volume grâce à ses puces, « la technologie que nous utilisons a démontré son potentiel à fabriquer de bons bits quantique et reste la seule capable de fabriquer des milliards d'objets identiques ; c'est un énorme atout pour fabriquer un ordinateur quantique à très grande échelle », confirme la physicienne.

L'idée est de concevoir un ordinateur quantique, qui, pour l'utilisateur, mettra à disposition « des bits quantiques dits parfaits (aussi appelés bits logiques). Notre machine, en sus de la puce quantique fonctionnant dans un cryostat, comprendra donc également une couche logicielle qui permettra de corriger les erreurs, ainsi qu'une électronique de contrôle (à basse température et température ambiante) qui générera les signaux de contrôle des qubits ».

Devenir l'un des leaders mondiaux

Car dans une filière du quantique en pleine expansion, où les premiers prototypes étaient jusqu'ici plutôt réservés aux « early adopters », Siquance compte miser sur cette technologie afin de devenir, d'ici 5 à 10 ans, l'un des leaders à l'échelle européenne, voire même mondiale.

« Nous visons en premier lieu toutes les applications où les utilisateurs sont limités par les capacités actuelles de calcul : c'est par exemple le cas des secteurs de l'industrie et notamment de l'énergie, des transports, ou encore de la pharmacie », détaille Maud Vinet.

Si la chercheuse reste encore prudente sur les ambitions affichées, la prochaine étape, juste après la création de cette startup, sera de boucler en premier lieu la constitution de son équipe. « Pour cela, nous nous appuierons sur des ressources provenant à la fois du monde de l'industrie et de la recherche fondamentale ».

Plusieurs centaines de millions d'euros à lever

Rapidement, elle devrait aussi s'atteler à aller rechercher des fonds, dans une filière du quantique particulièrement capitalistique :

« Aujourd'hui, nous envisageons de devoir lever plusieurs centaines de millions d'euros sur l'ensemble de la durée de vie de notre produit jusqu'à son industrialisation. Mais cela se fera en plusieurs phases, avec une première tranche de financement de près de 20 millions d'euros sur les deux premières années, en combinant la possibilité de recevoir les subventions avec d'autres modes de financements, comme le capital-risque », ajoute la cofondatrice.

L'adossement à un industriel, comme dans le cas de la joint-venture Genvia (qui est elle aussi chargée d'industrialiser une technologie CEA dans le domaine de l'hydrogène cette fois) n'est pas envisagé à ce stade, même si les équipes ne s'interdisent pas de recevoir des participations industrielles par la suite.

A peine créée, Siquance dispose en réalité déjà de collaborations avec des industriels du bassin, en ce qui concerne en premier lieu la fourniture de différents composants (cryostat, connecteurs, câbles).

Avec parmi eux, de grands noms comme les isérois Radiall et Air Liquide, le francilien CryoConcept, ou encore le Varois ATEM. « Nous avons démarré ensemble la co-spécification des différents éléments à assembler, avant d'en faire un produit final. Nous travaillons aussi avec des industriels comme Soitec, STMicroelectronics et Globalfoundries pour la production de puces ».

Car l'ambition de ce projet est également celui de faire émerger une forme de souveraineté au sein de la filière européenne : « Nous avons fait le choix d'une fabrication en Europe, en nous appuyant notamment sur des fondeurs français et européens comme Globalfoundries à Dresdes et STMicroelectronics à Grenoble ».

Vendre des ordinateurs quantiques, mais aussi du temps de calcul

Côté ambitions, Siquance se positionnera comme un acteur fabless, c'est-à-dire qu'il sous-traitera la conception de ses différents composants aux grands industriels des semiconducteurs, compte-tenu du capex nécessaire à la création d'une usine de ce type.

« Nous allons pouvoir nous appuyer sur les connaissances développées par le CEA et le CNRS ainsi que sur les projets qui émergent dans la filière semiconducteurs chezSTMicroelectronics et Globalfoundriesnotamment dans le cadre du European Chips Act et du Plan France 2030ce qui nous permettra d'avancer le plus vite possible pour accéder au marché ».

Sur le plan de son modèle économique, la jeune pousse se positionnera à la fois sur le segment de la vente des ordinateurs quantiques, mais aussi sur une offre de marché dite « au temps », qui consiste à louer des capacités de calcul comme le fait déjà le géant Amazon via son service d'informatique quantique Bracket, qui se propose d'accélérer l'innovation scientifique grâce à ses outils et algorithmes associés à un service de cloud.

« Aujourd'hui, on voit bien que beaucoup d'entreprises comme EDF, Airbus, Roche ou Bayer font face à des problématiques où elles se retrouvent limitées par les capacités des supercalculateurs classiques, observe Maud Vinet. Les preuves de concept menées sur les ordinateurs quantiques démontrent qu'il est possible de proposer des solutions auxquelles ces entreprises n'ont pas accès aujourd'hui. Mais tout l'enjeu de cette industrie se résume aujourd'hui à son passage à l'échelle ».

Et d'ajouter : « Le chemin reste long, mais les preuves de concept scientifiques ont désormais été faites ».

Après avoir intégré ses premiers bureaux, situés sur la Presqu'île scientifique de Grenoble, toujours à deux pas du CEA, Siquance vient de débuter ce mois-ci le transfert de sa technologie. Des salles blanches du CEA Leti où elle a été développée, celle-ci est désormais en cours de transfert au sein des équipements à caractère plus industriel d'un partenaire, issu de la microélectronique. « Toutes nos puces ont déjà été pensées, dès leur origine, pour être industrialisables chez les principaux fondeurs », rappelle Maud Vinet.

Un élément qui pourrait constituer un atout de taille dans la course au sein de laquelle se sont lancés les acteurs du quantique : avec, si tout se passe bien, un premier ordinateur quantique signé par Siquance, dont lancement n'est pas attendu avant 2026. D'ici là, une première levée de fonds reste à compléter dès 2023.

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Commentaire 1
à écrit le 30/11/2022 à 15:45
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Bonjour, Comment ne pas être fier du CEA de Grenoble dont les ingénieurs délégués ont fait ma formation de technicien en électronique et 2 ans d'avance sur arts et métiers par exemple. De

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