French Tech in the Alps : deux ans après la crise, le poids des startups alpines se confirme, leur maturité aussi

Exclusif. L'an dernier déjà, la première édition du baromètre des startups alpines avait illustré le poids de la filière. Deux ans après la crise sanitaire et à l'aube d'une nouvelle période de labellisation des capitales French Tech qui s'annonce, French Tech in the Alps a remis le couvert et présente à La Tribune ses chiffres en avant-première. Avec, pour son bilan 2021, un nombre de startups en hausse, mais également une maturité de l'écosystème qui se renforce, et des levées 2021 qui ont creusé l'écart. Reste à transformer l'essai sur 2022 dans un contexte plus délicat.
Alors que 548 millions auront été levés en 2021 au sein de 40 opérations menées par les jeunes pousses alpines, 64% des startups interrogées prévoient une nouvelle levée de fonds pour 2022.
Alors que 548 millions auront été levés en 2021 au sein de 40 opérations menées par les jeunes pousses alpines, "64% des startups interrogées prévoient une nouvelle levée de fonds pour 2022". (Crédits : DR)

Elles étaient 680, contre 726 aujourd'hui, à être implantées sur l'un des cinq territoires du sillon alpin (Grenoble, Valence-Romans, Chambéry Grand-Lac Economie, Grand Annecy, Genevois Français) chapeautés par la French Tech in the Alps.

Avec 231 répondants, la seconde édition du panorama des startups alpines a adressé de premières tendances, assez similaires à l'an dernier, sur le plan des grandes forces en présence. A savoir, une proportion toujours importante de startups orientées vers le BtoB (77%) et produisant majoritairement des services (57%), dans des secteurs d'activité phares comme la santé et le bien-être, mais aussi l'énergie, l'industrie.

Avec fort ADN sur le plan technologique, puisque 66% des pépites interrogées utilisent et développent au quotidien plus technologies parmi un éventail large : logiciel, intelligence artificielle, big data, électronique, cloud, internet des objets, mécanique ou mécatronique...

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Mais aussi et c'est relativement nouveau, des jeunes pousses qui tendent vers plus de maturité.

La majorité des entreprises répondantes sont en effet âgées de 4 à 10 ans et se retrouvent désormais au stade de "scale-up", tandis que 38% font partie des jeunes pousses créées il y a moins de trois ans (soit la période qui représente aussi le plus de risques pour la survie des entreprises), tandis que 14% ont même plus de 11 ans et sont engagées dans des stades d'ouvertures à l'international.

Une bonne nouvelle pour Julie Huguet, présidente de French Tech in the Alps, puisque cela signifie que "la grande majorité des entreprises de notre bassin ne sont plus dans des phases à risques, puisqu'on voit également que 45% d'entre elles ont déjà accédé aux marché, 34% en sont au stade du passage à l'échelle, et 18% en phase d'expansion, souvent à l'étranger".

Avec, comme pays cibles pour l'export (53% sont présentes à l'international), une préférence toujours marquée pour les pays européens (qui représentent 80% des prospects) que sont l'Italie, la Suisse, l'Allemagne ou encore la Belgique et désormais l'Espagne, et les Etats-Unis pour le grand export et son marché de taille.

1,44 millions d'euros d'aides, et 548 millions levés...

Autre point marqueur de développement étudié : la relation entre les startups et les grands groupes, "qui représente souvent un moyen efficace d'obtenir de grands marchés ou de réaliser des co-développements, même si ces partenariats peuvent également présenter un risque d'être racheté par la suite", rappelle Julie Huguet.

Et à ce sujet, les pépites auralpines sont déjà près de 63% à déclarer nourrir des relations avec des grands groupes, dont 61% au titre de clients, 38% en tant que fournisseur, et 32% pour des codéveloppements (l'investissement au capital ne représentant que 9% des cas cités).

Côté financements, ce sont près de 1,44 millions d'euros d'aides qui auront été reversées aux startups locales, via des dispositifs nationaux comme le French Tech Tremplin et la Bourse French Tech. Mais c'est surtout sur le terrain des levées de fonds que l'écosystème auralpin a fait mieux que l'an dernier : avec 410 millions levées en 2020 sur 34 opérations, ce sont 548 millions qui ont été récoltés en 2021 sur près de 40 opérations. Et la tendance semble plutôt positive, malgré la frilosité ambiante qui règne sur la scène de l'investissement hexagonale :

"64% des startups interrogées prévoient une levée de fonds pour 2022", assure Julie Huguet.

Car malgré un début d'année 2022 où les startups de l'ensemble de la région (écosystème lyonnais et stéphanois compris) s'étaient fait devancer par d'autres territoires (Hauts-de-France, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine), "il faut regarder les levées à venir sur l'ensemble de l'année. Nous allons à nouveau avoir quelques belles levées dans le courant d'années pour créer des licornes, avec l'aide de dispositifs comme le Next40 qui jouent leur rôle".

D'ailleurs, le dernier baromètre In Extenso / ESSEC Business School rendu public ce mardi 18 octobre tend à démontrer que la Région Auvergne Rhône Alpes confirme finalement son attractivité et son positionnement "comme la 3région la plus dynamique en montants investis et 2région en nombre d'opérations".

Avec un montant global qui atteint, si l'on additionne les trois derniers trimestres de 2022, les 461 millions d'euros avec 66 deals réalisés sur l'ensemble du périmètre régional. Un dynamisme porté par une levée majeure (celle de l'isérois Diabeloop qui a réuni 70 millions d'euros en juin dernier), ainsi que par deux autres opérations structurantes à plus de 40 millions d'euros chacune (48 millions pour UnitySC dans les semiconducteurs et 40 millions pour Fifteen dans le domaine des transports).

La frilosité ambiante aura-t-elle raison de l'investissement en 2022 ?

Un phénomène qui correspond à une tendance observée depuis la crise sanitaire sur la scène de l'investissement, et qui se renforce : à savoir des investisseurs qui se concentrent aujourd'hui sur des levées peut-être un peu plus massives, mais aussi moins risquées.

"En 2020, les fonds ont arrêté d'investir durant la crise pour protéger leur portefeuille de startups et pouvoir leur venir en aide. En 2021, ils avaient donc accumulé un capital qu'ils devaient réinvestir et réinjecter dans l'économie, ce qu'ils ont fait. Il y a eu beaucoup de levées de fonds l'an dernier, mais à travers ces levées, il faut souligner que la prise de risques a été faible", atteste la présidente de French Tech in the Alps.

Et c'est un peu ce à quoi la capitale French Tech s'attend à nouveau pour l'année à venir : c'est-à-dire des investissements qui seront menés sur de gros projets, souvent mois risqués et moins early stage que sur les jeunes pépites de la deeptech, aux sujets parfois perçus comme trop techniques...

"Il existe donc un vrai enjeu, encouragé par l'Etat, d'investir dès aujourd'hui sur des sujets afin de nous rendre autonomes rapidement, comme sur le cloud, l'IA, l'énergie..."

Car s'il est vrai que les fonds, en pleine transformation, sont en train de se doter de critères d'impact, "on s'aperçoit que 95% d'entre eux ne connaissent pas le secteur des deeptechs ou n'investiront jamais car les délais de retour sur investissements sont jugés trop longs. Ils ne savent pas comment assumer le risque sur cette période, où construire de grandes usines peut par exemple prendre cinq ans avant même qu'un premier produit ne sorte, avec le risque que d'autres pays comm la Chine nous devant sur le marché", abonde Julie Huguet.

Un petit pont de vigilance demeurera également le remboursement des PGE, qui débute cette année : "Pour l'instant, les startups ont été beaucoup sous perfusion avec les aides de l'Etat qui ont joué leur rôle. On verra les vraies retombées de cette crise plutôt l'an prochain, mais on voit déjà dans notre panorama un premier indicateur car seulement 10% des startups se disent très pessimistes sur leur avenir, contre 90% qui demeurent optimistes. Pour l'instant, on en sent pas le vent tourner", assure Julie Huguet.

Côté recrutements, 72% des startups auront procédé à un renforcement de leurs équipes en 2021, ce qui représente déjà 856 embauches au sein des entreprises répondantes (contre 744 en 2020). 66% des pépites prévoient encore 1 à 5 recrutements sur l'année à venir, tandis que 14% embaucheront 6 à 10 personnes et 8% plus de 10 collaborateurs.

La relabellisation des Capitales French Tech a commencé

A noter que comme l'ensemble des 13 capitales French Tech (et 43 Communautés), French Tech in the Alps est dans les starting-blocks pour le renouvellement de sa labellisation. Le nouvel appel à candidatures pour la période 2023-2025 a été ouvert en septembre dernier, et devrait déboucher sur un pitch ainsi que le dépôt des dossiers finaux d'ici décembre prochain, pour une annonce des lauréats attendue début 2023.

"Cette labellisation est en réalité le fruit d'un travail quotidien et de points d'étapes que nous menons trois à quatre fois par an avec la mission French tech, glisse Julie Huguet. Pour nous, la feuille de route sera de continuer à renforcer notre écosystème et à mettre l'accent sur les projets à impact et qui peuvent nous rendre autonomes comme le cloud, la 5G, ou encore les sujets numériques".

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